Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Ces honneurs, cet éclat par le meurtre achetés

... Combien de chefs d'Etats sont des justiciables impardonnables, du même tonneau que Poutine, Bolsonaro, Erdogan, Bachar El -hassad, Kim Jong-un, Biya, Afeworki, Orban, ...  : https://www.geo.fr/geopolitique/70-de-la-population-mondi...

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

15è Avril 1767.

Mon divin ange, battez des ailes plus que jamais, et ne laissez pas à l’infâme cabale un prétexte de dire qu’on n’ose plus rejouer Les Scythes. Je suis persuadé que si on annonce cette pièce avec des vers nouveaux répandus dans l’ouvrage, elle attirera un très grand concours. Les acteurs, rassurés par le succès des deux dernières représentations, rempliront mieux leurs personnages.

Mlle Durancy, plus pénétrée de son rôle, versera enfin des larmes et en fera répandre.

On pourrait faire précéder la représentation d’un petit compliment, dans lequel on dirait que l’éloignement des lieux n’a pas permis que les acteurs reçussent avant Pâques les changements qu’on avait envoyés. On pourrait faire entendre qu’il est triste qu’un homme qui travaille depuis cinquante ans pour les plaisirs de Paris vive et meure dans un désert éloigné de Paris.

Voyez s’il serait convenable qu’au premier acte, dans la scène des deux vieillards, Sozame dît : 

.  .  . Ah ! crois-moi, ces lauriers sont affreux ;

Ce grand art d’opprimer, trop indigne du brave,

D’être esclave d’un roi, pour faire un peuple esclave ;

Ces honneurs, cet éclat par le meurtre achetés,

Dans le fond de mon cœur je les ai détestés.

Enfin Cyrus sur moi répandant ses largesses, etc.1

Je vous supplie de vouloir bien faire parvenir mes réponses 2 à Mlle Durancy et à Mlle de Saint-Val.

Dites bien quelque mardi à M. le duc de Choiseul combien je suis outré contre lui ; il ne sait pas quel tort il me fait. Je suis vexé dans les lieux que j’ai défrichés, embellis et enrichis ; cela n’est pas juste : je suis entré dans toutes ses vues, et il ne daigne écouter aucune de mes prières.

Joignez-y le fardeau insupportable de plus de cinquante lettres par semaine, auxquelles je suis obligé de répondre ; la régie d’une terre, vingt ouvrages qui viennent à la traverse, et jugez si j’ai du temps de reste pour limer une tragédie. Plaignez-moi et faites jouer les Scythes.

Mlle de Saint-Val veut s’essayer dans Olympie . Pourquoi non ? »

1 Les Scythes, Ac. I, sc. 3 .

2 Ces deux lettres ne sont pas connues .

Lire la suite

12/10/2022 | Lien permanent

mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire,

Je pense que tout est résumé par cette image !

http://jackaimejacknaimepas.blogspot.com/2010/02/tout-nes...

VANITé.jpg

http://www.deezer.com/listen-9838392

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

19è mai 1773

 

S'il i est coupable de la petite infamie dont vous me parlez ii, j'avoue que je suis une grande dupe, mais vous qui parlez l'auriez été tout comme moi . Si vous saviez tout ce qui s'est passé, vous seriez bien étonné . Un jeune homme n'a jamais été trahi plus indignement par sa maîtresse iii. On dit que c'est l'usage du pays iv. Comme il y a environ trente ans que j'y ai renoncé, il m'est pardonnable d'en avoir oublié la langue . Je devais me souvenir que dans ce jargon je vous aime signifiait je vous hais, et que je vous servirai voulait dire positivement je vous perdrai .

 

Il se peut encore que l'on ait été choqué des conseils qui au fond ne sont que des reproches v.

 

Il se peut aussi qu'un certain histrion ait fait ce qu'on impute à un autre, car il y a bien des histrions . Quand on est à cent lieues de Paris, il est difficile de prévoir et de parer les effets des petites cabales, des petites intrigues, des petites méchancetés qu'on y ourdit sans cesse pour s'amuser .

 

Le seul fruit que je tirerai de ma duperie sera de n'avoir plus aucune espérance ; mais on dit que c'est le sort des damnés vi.

 

Il faut, mon cher philosophe, que je me sois trompé en tout, car j'ai cru que ces conseils assez délicatement apprêtés auraient dû vous plaire vii, attendu qu'un conseil qui n'a pas été suivi est un reproche, et que c'était au fond lui dire à lui-même ce que vous dites de lui .

 

Je dois vous faire à vous-même un reproche que vous méritez, c'est que vous traitez de déserteur le martyr de la philosophie viii. Bertrand doit employer Raton ix, mais il ne faut pas qu'il lui morde les doigts .

 

Au bout du compte, je suis sensible, et je vous avouerai que la perfidie dont vous m'instruisez m'afflige beaucoup, parce qu'elle tient à des choses que je suis obligé de taire, et qui pèsent sur le cœur .

 

Je m'aperçois que ma lettre est une énigme ; mais vous en déchiffrerez la plus grande partie . Soyez bien sûr que le mot de l'énigme est mon sincère attachement pour vous, et mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi . Je vois qu'actuellement nous ne devons être contents ni des Esclavons x ni des Welches, et qu'il faut donc se rejeter du côté des Ibères . J’écrirai donc en Ibérie xi, mais ce que j'ai de mieux à faire, c'est de m'arranger pour l'autre monde, et de ne pas laisser périr ma colonie quand il faudra la quitter .

 

Jugez de toutes mes tribulations par celle que je vais vous confier, qui est assurément la plus petite de toutes.

 

Ma colonie avait fourni des montres garnies de diamants pour le mariage de M. le Dauphin . Elles n'ont point été payées, et cela retombe sur moi . Il me parait qu'en Espagne on est plus généreux . Ce que j'éprouve des beaux messieurs de Paris en ce genre est inconcevable . Ces beaux messieurs ont bien raison de détester la philosophie qui les condamne et qui les méprise .

 

Adieu, je ne vous dis pas la vingtième partie des choses que je voudrais vous dire . Mais encore une fois, que Bertrand ne gronde point Raton . Que Bertrand au contraire encourage Raton à s'endurcir les pattes sur la cendre chaude . Que plusieurs Bertrands et plusieurs Ratons fassent un petit bataillon carré bien serré et bien uni . »

 

 

i Le duc de Richelieu .

ii Le 14 mai, d'Alembert écrit : « Votre Childebrand ... a demandé à Lekain ... une liste de douze tragédies pour être jouées aux fêtes de la cour à Fontainebleau .... » ; voir : page 197 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f202.image.r...

iii Ce 19 mai, V* écrit à Mme de La Tour du Pin de Saint-Julien en lui demandant d'intervenir auprès de Richelieu : « M. le maréchal de Richelieu votre ami ... m'accable d'abord de bontés au sujet des Lois de Minos ...» ; voir page 200 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f205.image.r...

iv C'est à dire de la cour .

v Dans l’Épître dédicatoire des Lois de Minos, V* demandait à Richelieu de protéger « la véritable philosophie » ; voir lettre à d'Alembert du 27 mars 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/27/m...

vi Référence à l'Enfer de Dante.

vii Voir la lettre du 27 mars .

viii V* s'applique sans doute cet élément de la conclusion de d'Alembert dans la lettre du 14 mai : « Faudra-t-il donc que la philosophie dise à la personne dont elle se croyait aimée : « tu quoque, Brute ? » ; d'Alembert reprochait aussi à V* d'avoir dédié sa tragédie à Richelieu .

ix Voir lettres à d'Alembert du 1er janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j...

et 4 janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/04/c...

sur l'origine de ces surnoms .

x Esclavons ou Slavons = Russes . D’Alembert lui avait écrit à propos de Catherine II : « Plus je relis l'extrait que vous m’avez envoyé de la lettre de Pétersbourg, plus j'en suis affligé . Il était si facile à cette personne de faire une réponse honnête, satisfaisante, et flatteuse pour la philosophie, sans se compromettre en aucune manière, et sans accorder ce qu'on lui demandait [la libération des prisonniers français capturés par les Russes en Pologne], comme j'imagine aisément que les circonstances peuvent l'en empêcher. » ; voir lettre à d'Alembert du 4 janvier.

xi Au duc d'Albe, comme le lui avait conseillé d'Alembert qui avait précisé que celui-ci avait envoyé 20 louis pour sa statue et qu'il était un « amateur éclairé des lettres et de la philosophie » qui aurait mieux mérité que Richelieu la dédicace des Lois de Minos. De plus il disait que V* ferait bien de mettre un mot flatteur pour l'infant don Gabriel «  fort instruit et passionné pour toutes les lettres (qui) ont grand besoin de trouver quelques princes qui les aiment ... »

Lire la suite

11/05/2011 | Lien permanent

N’est-ce donc rien d’être guéri des malheureux préjugés qui mettent à la chaîne la plupart des hommes, et surtout des fe

... indignes de tout être pensant ? d’être dans une indépendance qui vous délivre de la nécessité d’être hypocrite ? de n’avoir de cour à faire à personne, et d’ouvrir librement votre âme à vos amis ?"

Beau programme de vie, n'est-il pas ? Merci Voltaire .

Et zut, flute et pataflute * au pape pour sa déclaration inepte suite au décès de Vincent Lambert, et la même chose aux parents bornés qui se sont pris pour le bon Dieu .

* A la place vous pouvez à votre gré mettre le mot de Cambronne à Waterloo ou de préférence le juron préféré du père Ubu, vu la situation des dix ans passés .

Résultat de recherche d'images pour "merdre ubu"

Papiste ?

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

4è juin 1764, aux Délices 1

J’écris avec grand plaisir, madame, quand j’ai un sujet ; écrire vaguement et sans avoir rien à dire, c’est mâcher à vide, c’est parler pour parler ; et les deux correspondants s’ennuient mutuellement, et cessent bientôt de s’écrire . Nous avons un grand sujet à traiter ; il s’agit de bonheur, ou du moins d’être le moins malheureux qu’on peut dans ce monde. Je ne saurais souffrir que vous me disiez que plus on pense, plus on est malheureux. Cela est vrai pour les gens qui pensent mal ; je ne dis pas pour ceux qui pensent mal de leur prochain, cela est quelquefois très amusant ; je dis pour ceux qui pensent tout de travers . Ceux-là sont à plaindre sans doute, parce qu’ils ont une maladie de l’âme, et que toute maladie est un état triste . Mais vous, dont l’âme se porte le mieux du monde, sentez, s’il vous plaît, ce que vous devez à la nature. N’est-ce donc rien d’être guéri des malheureux préjugés qui mettent à la chaîne la plupart des hommes, et surtout des femmes ? de ne pas mettre son âme entre les mains d’un charlatan ? de ne pas déshonorer son être par des terreurs et des superstitions indignes de tout être pensant ? d’être dans une indépendance qui vous délivre de la nécessité d’être hypocrite ? de n’avoir de cour à faire à personne, et d’ouvrir librement votre âme à vos amis ?

Voilà pourtant votre état. Vous vous trompez vous-même quand vous dites que vous voudriez vous borner à végéter : c’est comme si vous disiez que vous voudriez vous ennuyer. L’ennui est le pire de tous les états. Vous n’avez certainement autre chose à faire, autre parti à prendre, qu’à continuer de rassembler autour de vous vos amis . Vous en avez qui sont dignes de vous.

La douceur et la sûreté de la conversation est un plaisir aussi réel que celui d’un rendez-vous dans la jeunesse. Faites bonne chère, ayez soin de votre santé, amusez-vous quelquefois à dicter vos idées, pour comparer ce que vous pensiez la veille à ce que vous pensez aujourd’hui ; vous aurez deux très grands plaisirs, celui de vivre avec la meilleure compagnie de Paris, et celui de vivre avec vous-même ; je vous défie d’imaginer rien de mieux.

Il faut que je vous console encore, en vous disant que je crois votre situation fort supérieure à la mienne. Je me trouve dans un pays situé tout juste au milieu de l’Europe. Tous les passants viennent chez moi , il faut que je tienne tête à des Allemands, à des Anglais, à des Italiens, à des Français même, que je ne verrai plus , et vous ne vivez qu’avec des personnes que vous aimez.

Vous cherchez des consolations ; je suis persuadé que c’est vous qui en fournissez à Mme la maréchale de Luxembourg ; je lui ai connu une imagination bien brillante, et l’esprit du monde le plus aimable . J’ai cru même entrevoir chez elle de beaux rayons de philosophie ; il faut qu’elle devienne absolument philosophe : il n’y a que ce parti-là pour les belles âmes. Voyez la misérable vie qu’a menée Mme la maréchale de Villars dans ses dernières années ; la pauvre femme allait au salut, et lisait, en bâillant, les méditations du père Croiset 2.

Vous qui relisez Corneille, madame, mandez-moi, je vous prie, tout ce que vous pensez de mes remarques, et je vous dirai ensuite mon secret. Daignez toujours aimer un peu votre directeur, qui se ferait un grand honneur d’être dirigé par vous.

V. »

1 V* répond à la lettre de Mme du Deffand du 29 mai 1764 , disant : « Non, monsieur, je ne préférerais pas la pensée à la lumière, les yeux de l'âme à ceux du corps ; je consentirais bien plutôt à un aveuglement moral . Toutes mes observations me font juger, que moins on pense, moins on réfléchit, plus on est heureux . Je le sais même par expérience ; quand on a eu une grande maladie, qu'on a souffert de grandes douleurs, l'état où l'on se trouve dans la convalescence est un état très heureux […] quand on a beaucoup d'esprit et de talent on doit trouver en soi de grandes ressources ; il faut être Voltaire ou végéter . Quel plaisir pourrais-je trouver à mettre mes pensées par écrit ? Elles ne servent qu'à me tourmenter, et cela satisfait peu ma vanité ; […] vous avez une âme sensible, vous ne direz point des choses vagues, le moment où je reçois vos lettres, celui où j'y répond me consolent, m'occupent et même m'encouragent ; si j'étais plus jeune, je chercherais peut-être à me rapprocher de vous ; rien ne m'attache dans ce pays-ci , et la société où je me trouve engagée, me ferait dire ce que M. de La Rochefoucauld dit de la cour : elle ne rend pas heureux, mais,elle empêche qu'on ne le soit ailleurs . Je n'attribue pas mes peines et mes chagrins à tout ce qui m'environne . Je sais que c'est presque toujours notre caractère qui contribue le plus à notre bonheur et à notre malheur, mais comme vous savez nous l'avons reçu de la nature ; que conclure de tout cela ? C'est qu'il faut se soumettre […] Vous voulez que je vous dise mon sentiment sur votre Corneille, c'est certainement vous moquer de moi . Si je vous croyais j'hasarderais peut-être de vous obéir, mais comment aurais-je la témérité de vous critiquer par écrit ? Il faut que vous réitériez encore cet ordre pour que j'y puisse consentir . Je vous dirai seulement que vous êtes cause que je relis toutes les pièces de Corneille . Je n'en suis encore qu'à Héraclius ; je suis enchantée de la sublimité de son génie, et dans le plus grand étonnement qu'on puisse être en même temps si dépourvu de goût . Ce ne sont point les choses basses et familières qui me surprennent et qui me choquent , […] mais c'est la manière dont il tourne et retourne la même pensée, qui est bien contraire au génie et qui est presque toujours la marque d'un petit esprit ? La mort de M. de Luxembourg [Charles-François de Montmorency-Luxembourg, duc de Piney-Luxembourg, mort le 18 mai 1764] m'a fort occupée ; Mme de Luxembourg est très affligée . Je serais bien aise de lui pouvoir montrer quelques lignes de vous, qui lui marquât l'intérêt que vous prenez à sa situation, et que vous partagez mes regrets . »

2 Retraite spirituelle pour un jour chaque mois, de Jean Croiset, 1764 . Voir : https://data.bnf.fr/fr/12927799/jean_croiset/

Lire la suite

11/07/2019 | Lien permanent

dans Paris on ne sait jamais rien, on n'est instruit de rien, on ne sait à qui s'adresser, on ignore tout au milieu du t

... Je pense ici aux municipales ! pour le reste on est submergé d'informations , dont 99% inutiles si ce n'est fausses .

https://actu.orange.fr/politique/municipales-grand-flou-a...

Résultat de recherche d'images pour "informations parisiennes fausses inutiles"

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

24è juillet 1764 1

Mon cher frère, si la lettre du sieur Panckoucke m'a fait rire, celle de frère Élie de Beaumont m'afflige . Est-il possible qu'on perde un tel procès, et qu'on ne soit pas le fils de son père, parce que ce père a fait un voyage en Suisse ? Qu'on dise à présent que les Français ne sont pas des Welches . Voici une petite lettre par laquelle je réponds à Mlle Clairon ; je vous prie de la lui envoyer après l'avoir lue . Dites-moi si je n'ai pas raison, et si l'affront qu'on fait au théâtre n'est pas horriblement welche .

Frère Thieriot est donc devenu grand vicaire de Cambrai 2. Il a passé sa vie dans des attachements qui ne lui ont pas réussi . Il aurait été heureux s'il avait su qu'un ami vaut mieux que vingt protecteurs auxquels on se donne successivement .

J'attends toujours une occasion pour vous envoyer un petit paquet pour vous et pour vos intimes . Dieu nous garde de jeter le pain de Dieu aux chiens . Je me flatte que ma lettre à M. Marin ne peut d'ailleurs que produire un bon effet .

Je vous prie de me dire si c'est à M. Duclos que ce fou de Jean-Jacques a écrit cette impertinente lettre, dans laquelle il prétend que je le persécute . Moi persécuter l'auteur du Vicaire Savoyard ! Moi persécuter quelqu'un ! J'ai toujours sur le cœur cette étrange calomnie .

Embrassez , je vous prie pour moi M. et Mme Élie. Leur imagination est comme le char de leur patron, elle est toute brillante ; mais leur patron ne les valait pas . Je vous embrasse tendrement, mon cher frère .

Ecr l'inf .

J'oubliais de vous dire que frère Gabriel n'a point imprimé assez d'exemplaires du Corneille . Je l'ai laissé, comme de raison, le maître de toute l'affaire . S'il avait imprimé autant d'exemplaires qu'il y avait de souscripteurs il aurait eu plus d'argent, et Mlle Corneille aussi . Mais aucun des souscripteurs qui n’avaient pas fait le premier paiement n'ont eu le livre . J'en suis bien fâché, mais ce n'est pas ma faute . J'ai rempli mon devoir, et cela me suffit . Ceux qui n'ont pas eu d'exemplaires et qui en demandent peuvent en prendre chez M. Corneille le père, à qui le roi en a donné cent cinquante .

Mme d'Argental se fait un plaisir d’en débiter pour gratifier cet honnête homme . Je m'étonne que cela ne soit pas public dans Paris ; mais dans Paris on ne sait jamais rien, on n'est instruit de rien, on ne sait à qui s'adresser, on ignore tout au milieu du tumulte . Frère Gabriel a bien mal fait d'imprimer les trois volumes de Remarques à part sans me le dire . Il aurait dû imprimer deux fois plus de Corneille commentés . Au reste, les fautes d'impression sont innombrables . Il y a assez loin de ma campagne à Genève, et je n'ai jamais pu revoir la dernière épreuve . Tout va de travers dans ce monde . Dieu soit loué ! »è

2 Thieriot est effectivement devenu un parasite de Léopold-Charles de Choiseul-Stainville , archevêque de Cambrai : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opold-Charles_de_Choiseul-Stainville

Lire la suite

15/09/2019 | Lien permanent

si on a eu la cruauté de me condamner sur un ouvrage qui n'est pas le mien, que ne fera-t-on pas quand je m'exposerai mo

Note rédigée le 17 septembre 2011 pour parution le 8 septembre 2011

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Colmar, le 8 septembre [1754]

 

C'est moi, cher ange, qui veut et qui fait tout ce que vous voulez, puisque je vous envoie, par pure obéissance, des Tartares et des Chinois dont je ne suis pas content . Il me parait que c'est un ouvrage plus singulier qu'intéressant, et je dois craindre que la hardiesse de donner une tragédie en trois actes 1 ne soit regardée comme l'impuissance d'en faire une en cinq. D'ailleurs, quand elle aurait un peu de succès, quel avantage me procurerait-elle ? L'assiduité de mes travaux ne désarmera point ceux qui me veulent du mal . Enfin je vous obéis ; faites ce que vous croirez le plus convenable . Soyez sévère, et faites lire la pièce par des yeux encore plus sévères que les vôtres .

 

Vous connaissez trop le théâtre et le cœur humain pour ne pas sentir que, dans un pareil sujet, cinq actes allongeraient une action qui n'en comporte que trois .Dès qu'un homme comme notre conquérant tartare a dit : J'aime, il n'y a plus pour lui de nuances ; il y en a encore moins pour Idamé, qui ne doit pas combattre un moment ; et la situation d'un homme à qui on veut ôter sa femme a quelque chose de si avilissant pour lui qu'il ne faut pas qu'il paraisse ; sa vue ne peut faire qu'un mauvais effet . La nature de cet ouvrage est telle qu'il faut plutôt supprimer des situations et des scènes que songer à les multiplier ; je l'ai tenté, et je suis demeuré convaincu que je gâtais tout ce que je voulais étendre . C'est à vous maintenant à voir, mon cher et respectable ami, si cette nouveauté peut être hasardée, et si le temps est convenable .

 

Je vous remercie de Rome sauvée, dont je fais plus de cas que de mon Orphelin . Je tâcherais de dérober quelques moments à mes maladies et à mes occupations pour faire ce que vous exigez .

 

Vous montrerez sans doute mes trois magots à M. de Pont-de-Veyle et à M. l'abbé de Chauvelin . Vous assemblerez tous les anges je me fie beaucoup au goût de M. le comte de Choiseul . Si tout cet aréopage conclut à donner cette pièce, je souscris à l'arrêt .

 

L’Histoire générale me donne toujours quelques alarmes . Le troisième volume ne pouvait révolter personne . Les objets de ce temps là ne sont pas si délicats à traiter que ceux de la grande révolution qui s'est faite dans l’Église du temps de Léon X . Les siècles qui précédèrent Charlemagne, et dont il faut donner une idée, portent encore avec eux plus de danger, parce qu'ils sont moins connus, et que les ignorants seraient bien effarouchés d'apprendre tant de faits, qu'on nous a débités comme certains , ne sont que des fables . Les donations de Pépin et de Charlemagne sont des chimères ; cela me paraît démontré . Croiriez vous bien que les prétendues persécutions des empereurs contre les premiers chrétiens ne sont pas plus véritables ? On nous a trompé sur tout ; et on est encore si attaché à des erreurs qui devraient être indifférentes qu'on ne pardonnera pas à qui dira la vérité , quelque circonspection et quelque modestie qu'il emploie .

 

Les deux premiers volumes, qu'on a si indignement tronqués et falsifiés, ne devraient m'être attribués par personne ; ce n'est pas là mon ouvrage . Cependant , si on a eu la cruauté de me condamner sur un ouvrage qui n'est pas le mien, que ne fera-t-on pas quand je m'exposerai moi-même !

 

Puisque je suis en train de vous parler de mes craintes, je vous dirai que notre Jeanne me fait plus de peine que Léon X et Luther, et que toutes les querelles du sacerdoce et de l'empire , il n'y a que trop de copies de cette dangereuse plaisanterie . Je sais , à n'en pas douter, qu'il y en a à Paris et à Vienne, sans compter Berlin . C'est une bombe qui crèvera tôt ou tard pour m'écraser, et des tragédies ne me sauveront pas . Je vivrai et je mourrai la victime de mes travaux, mais toujours consolé par votre inébranlable amitié . Mme Denis est bien sensible à votre souvenir ; elle partage en paix ma solitude, et m'aide à supporter mes maux . Nous présentons tous deux nos respects à Mme d'Argental . J'envoie, sous l'enveloppe de M. de Chauvelin, le paquet tartare et chinois .

 

Non, mon cher ange, non . Je viens de relire la pièce . Il me parait qu'on peut faire des applications dangereuses ; vous connaissez le sujet, et vous connaissez la nation . Il n'est pas douteux que la conduite d'Idamé ne fût regardée comme la condamnation d'une personne 2 qui n'est point chinoise . L'ouvrage, ayant passé par vos mains, vous ferait tort ainsi qu'à moi . Je suis vivement frappé de cette idée . L'application que je crains est si aisée à faire que je n'oserais même envoyer l'ouvrage à la personne qui pourrait être l'objet de cette application . Je vais tâcher de supprimer quelques vers dont on pourrait tirer des interprétations malignes, ensuite je vous l'enverrai . Mais , encore une fois, la crainte des allusions, le désagrément de paraître lutter contre Crébillon,3 la stérilité de trois actes, voilà bien des raisons pour ne rien hasarder . J'attends vos ordres, et je m'y conformerai toute ma vie, mon cher ange . »

 

 

1 L'Orphelin de la Chine ne fut d'abord écrit qu'en trois actes, V* le donnera en cinq qu'à la demande insistante de d'Argental .

2 Mme de Pompadour .

3 Voir lettre du 6 octobre à d'Argental :

page 266 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f269.image.r=.langFR

 

Lire la suite

08/09/2011 | Lien permanent

ce n'est point s'attaquer à la religion, mais au contraire la servir, que d'empêcher qu'un curé ne la déshonore

... Il est quand même déconcertant que cette vérité si simple connue depuis deux cent cinquante ans ne soit pas encore ancrée dans la caboche du clergé catholique !

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20160215.OBS4654/l...

Barbarin, Decourtray et consorts il va falloir payer le prix fort, capital et intérêts, vous n'êtes pas au dessus des lois républicaines, pas plus que des lois divines que vous pronez hypocritement .

Afficher l'image d'origine

Afficher l'image d'origine

De l'une à l'autre, vous ne sentirez pas la différence, non ?

On rira de vous, on se moquera de vous, calottes et calottins et ce sera bien fait , au mieux vous serez la risée du Régiment de la Calotte , qui compta Voltaire dans ses rangs ( https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giment_de_la_Calotte  )

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey [et autres] 1

[vers le 16 février 1761]

Vous me permettez, monsieur, de vous importuner sur la malheureuse affaire du sieur de Croze . Il joint à la douleur d'avoir vu son fils prêt de mourir par un assassinat, celle de voir l’assassin triompher de son affliction ; il est soutenu par une cabale puissante contre un pauvre homme sans secours , qui n'a ni assez d'intelligence, ni peut-être assez de fortune pour le suivre dans les détours de la chicane la plus odieuse et la plus longue . Ce curé est assez connu à Dijon par une foule de procès qu'il y est venu soutenir attend que les cicatrices des plaies faites au jeune de Croze puissent être fermées, afin qu'il paraisse que les blessures n'ont été que légères , et que l’assassinat passe pour une simple querelle ; mais je peux vous assurer que le temps qui est le seul refuge du curé laissera toujours paraître les preuves de son attentat . Le crâne a été ouvert, et le lieutenant-criminel lui-même a vu le malade en danger de mort : je l'ai vu moi-même en cet état . J'apprends que le curé a appelé du décret d'ajournement personnel et de prise de corps rendu à Gex : il fonde ses malheur[eus]es défenses sur une méprise qu'on dit être dans les dépositions : on a déposé en effet que led[it] curé avait été boire chez Mme Burdet le 27, veille de l'assassinat, et il se trouve que ce n'est que le 26 ; mais cette erreur de date n'emporte point une erreur de fait, et cette méprise est aisément corrigée au récolement et aux confrontations.

Il se fonde encore sur la mauvaise réputation de la dame Burdet, chez laquelle l’assassinat s'est commis, et qu'il a frappée lui-même . Mais si la dame Burdet est une femme diffamée pourquoi allait-il boire chez elle ? pourquoi part-il d'une demi-lieue de sa maison pour aller à dix heures du soir chez cette femme avec des gens armés ? Il a l'audace de dire que c'était pour arrêter le scandale, mais est-ce à lui d'exercer la police ? L'exerce-t-on à coups de bâton ? Lui est-il permis d'entrer par force pendant la nuit chez une ancienne bourgeoise du lieu très bien alliée ? Les violences précédentes de ce curé, le procès qui lui fut intenté par le notaire Vaillet pour avoir donné des coups de bâton à son fils, ses querelles continuelles, son ivrognerie qui est publique ne sont-elles pas des présomptions frappantes qu'il n'était venu chez la dame Burdet que dans le dessein qu'il a exécuté ? Une irruption faite pendant la nuit avec des hommes armés dans une maison paisible peut-elle être regardée comme un rite ordinaire ? Un laïque en pareil cas ne serait-il dès longtemps dans les fers ? Cependant ce prêtre, aussi artificieux que violent soulève le clergé en sa faveur . L'évêque de Genève 2 soutient que c'est à lui seul de le juger ; qu'il n'est pas permis aux juges séculiers se connaître les délits d'un prêtre, et qu'il n'est coupable que d'un zèle un peu inconsidéré : on intimide le pauvre de Croze ; on emploie le profane et le sacré pour lui fermer la bouche ; et enfin le jésuite Fessy a porté l'abus de son ministère jusqu'à refuser l'absolution à la sœur de l’assassiné, jusqu'à ce qu'elle portât son père et son frère à se désister de leurs justes poursuites . Ce malheureux curé du village de Moens, s'imaginant très faussement que c’était moi seul qui encourageait un père malheureux à demander vengeance du sang de son fils, a porté les habitants de son village à me couper la communication des eaux, et m'a fait proposer de me donner le double des eaux qu'on voulait m'ôter si je pouvais obtenir de de Croze un désistement . L'évêque m'[a] mandé en propres termes que pour quelques gouttes de sang il ne fallait pas faire tant de vacarme 3.

Voilà l'état où sont les choses, et sans la justice du parlement de Bourgogne, tout le pauvre petit pays de Gex serait dans le plus détestable bouleversement .

J'ai l'honneur d'être, avec beaucoup de respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voilà ce que j'écris à des magistrats du parlement . Je conjure monsieur le président de Ruffey de parler à M. de La Marche, au premier président de La Tournelle, et de protéger les infortunés opprimés . 

V.»

 

1 Le post-scriptum et l'absence de date suggèrent que l'on a ici le texte d'une lettre circulaire envoyée à plusieurs correspondants, ce qui est confirmé par la publication par Mandat-Grancey du même texte (sans post scriptum) sous la forme d'une lettre à Le Bault du 16 février 1761 . Moland a même imprimé cette lettre en double !

2 Deschamps de Chaumont , évêque in partibus de Genève .

3 Allusion de V* à la lettre écrite par Deschamps de Chaumont à Mme Denis à la suite de lettres que lui avait adressées Voltaire sous le couvert de sa nièce . Voici ces lettres :

« Marie-Louise Denis à Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont [vers le 1er février 1761] / Monseigneur, j'espère que non seulement vous excuserez, mais que vous approuverez une importunité qui me pèse beaucoup plus qu'à vous . Je ne comprends rien aux articles de vos lettres qui regardent mon oncle . Il fait plus de bien à la province qu'aucun homme en place n'y en a fait depuis plusieurs siècles ; il fait dessécher tous les marais qui infectent le pays , il prête de l'argent sans intérêt aux gentilshommes , il en donne aux pauvres, il établit des écoles où il n'y en a jamais eu, il défriche des terres incultes, il nourrit plus de cent personnes, il rebâtit une église . J'ose dire que la province le respecte et le chérit, et qu'il a droit d'attendre de vous autant de bonté et de considération qu'il a pour vous de déférence et de respect . / Je vous parle au nom de la province, monseigneur, pour les affaires qui nous intéressent . Nous sommes tous indignés de voir des curés qui ne savent que plaider et battre les paysans . Voilà un curé de Mérin qui vient de perdre le septième procès à Dijon et qui est condamné à l'amende . Voilà le curé de Moens qui a eu huit procès civils, et qui est actuellement à son deuxième procès criminel . Au nom de Dieu mettez ordre à ces scandales, et à ces violences . On vous trompe bien cruellement ; croyez qu'il peut résulter des choses très funestes de la conduite violente du curé de Moens ; si vous versez des larmes de sang vous empêcherez qu'un prêtre ne fasse verser le sang des chrétiens, et des sujets du roi mon maître ; vous n'êtes point étranger à la France, puisque la grande partie de votre diocèse est en France . / Ne vous laissez point prévenir par les artifices de ceux qui croient l'honneur de leur corps intéressé à soutenir un coupable, et qui ne savent pas que leur véritable honneur est de l'abandonner . Je me flatte toujours que vous agirez en père commun, que vous n’écouterez ni la faction ni la calomnie, que vous honorerez la vertu bienfaisante, et que nous nous louerions de votre justice autant que j'ai l'honneur d'être avec respect, monseigneur, votre très humble et très obéissante servante. »

 

« Monseigneur, j'ai l'honneur de me joindre à mon oncle auprès de vous, sur l'affaire du curé de Moens . Je possède conjointement avec mon oncle la terre de Ferney, et par conséquent j'ai l'avantage d'être de votre diocèse . / Je voudrais qu'une affaire moins triste, tant pour l'exemple que les ministres de l’Évangile doivent aux fidèles, que pour la tranquillité publique, m'eût procuré plutôt l'honneur de vous assurer des sentiments que votre caractère, et votre mérite personnel m'inspirent . / Je conviens, monseigneur, que ce curé n'est pas le nôtre , qu'il n'a battu, assassiné personne qui vous appartienne ; et que par conséquent mon oncle et moi nous aurions pu l'abandonner à son sens réprouvé, et nous contenter d’abhorrer en nous-mêmes une action si scandaleuse . / Mais daignez vous mettre un moment à notre place . La pitié pour de Croze, et l'amour du bien public se sont joints à notre indignation. / De Croze père est venu trouver mon oncle, ne sachant à qui demander justice : mon oncle vit son fils dans le moment où il fut question de le trépaner, ce qu'on aurait fait sans l'avis de M. Tronchin qui connait le danger de cette opération, et qui dit qu'il valait mieux le laisser mourir que de l'achever . De Croze s'adressa à la justice de Gex, et mon oncle eut l'honneur de vous avertir sur le champ de ce qui se passait . / Ne croyez pas, monseigneur, que l'animosité contre ce curé ait pu le porter à vous instruire de ce crime . Je vous le répète, la pitié pour de Croze, et l'amour du bien public ont été ses principaux motifs . Nous possédons des terres, et nous serions très fâchés que des curés fussent en droit de venir dans nos maisons sous quelque prétexte que ce fût , accompagnés de paysans armés, assassiner les gens qui leur déplairaient ; nous serions très fâchés qu'il ne parlassent qu'à grands coups de bâton, comme fait celui-ci à nos paysans, quand par leur ministère ils sont destinés à entretenir la paix et à apaiser les querelles, à prêcher et de paroles et d'exemples la charité et le pardon des injures . / Je sais , monseigneur, que vous avez ordonné un examen de la vie et des mœurs de cet homme . Si le rapport qu'on vous a fait est tel que vous le désirez dans le fond de votre cœur si on vous envoie des attestations plus convenables au caractère dont il est revêtu, qu'à sa conduite, si on l'a justifié sur des choses dont on ne l’accuse point , et si on a passé sous silence les violences dont il est convaincu, on vous a cruellement trompé . / Il y a encore dans le pays plusieurs habitants, hommes et femmes, auxquels il a osé donner des coups de bâton . Il s'est même mis dans le cas d'en recevoir ; et il a avili son ministère par des violences, non seulement proscrites dans l’Évangile, mais abhorrées de tous les honnêtes gens . Vous ordonnerez de cet homme, monseigneur, tout ce qui vous sera suggéré par vos lumières . / Mais j'ose vous conjurer avec instance de ne point laisser cet homme dans le pays . Je sais que le clergé du pays de Gex tâche de le sauver, qu'il regarde cette affaire comme la sienne propre ; mais le crime d'un seul peut-il influer sur un corps respectable , et n'est-il pas plus honorable d'écarter un coupable que de l'incorporer avec soi ? J'ose encore, monseigneur, vous faire une observation . Je crains les vengeances et les meurtres . De Croze a été assommé . Un contrôleur des fermes a eu la tête fendue . S'il arrivait quelque malheur, votre cœur se le reprocherait . J'abandonne cette affaire à votre justice ; et j'ai l'honneur d'être avec respect, monseigneur, votre très humble et très obéissante servante, / Denis, dame de Ferney / Au château de Ferney le 5 février 1761 . »

 

« Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont à Marie-Louise Denis / Madame, l'affaire du curé de Moens suit dans les deux tribunaux le cours de la justice ordinaire ; mais le sort de M. de Voltaire était entre ses mains, si au lieu de savoir jouir de ses biens et de son opulence, ou pour mieux dire, si au lieu de pleurer sur lui-même et sur les maux irréparables qu'il a fait à la religion, devenu furieux contre un curé uniquement ennemi du vice, il ne s’était pas livré sans mesure à ce qui l'a mené beaucoup plus loin qu'il ne pensait peut-être en l'embarquant dans une aussi mauvaise affaire ; j'en suis fâché , mais je le suis bien plus encore du peu de fruits de certains avis qu'en qualité d'évêque la nécessité seule m'a arrachés dans une circonstance où certainement à beaucoup près je ne l'avais pas cherché ; le principe en a été pur, et leurs mauvaises suites ont même encore si peu produit de fiel que je voudrais actuellement au prix de mon sang entier pouvoir laver une âme qui trop aveugle pour se plaindre elle-même, affecte de gémir encore d'une manière aussi étrange sur l'effusion de quelques gouttes, non pas de la main du prêtre, où après tout elle n'a d'autre intérêt que celui que pour des motifs trop connus elle veut bien y prendre . J'ai l'honneur d'être avec respect, madame, votre très humble et très obéissant serviteur. / Annecy ce 7è février 1761 . / Je crois , madame, devoir encore vous dire que je conseille fort à monsieur votre oncle de s'en tenir aux lettres qu'il m'a écrites, elle lui auraient fait peu d'honneur, si je les avais voulu répandre, mais ne voulant pas à beaucoup près la mort du pêcheur, je souhaite seulement qu'il se convertisse et qu'il vive . »

 

« Marie-Louise Denis à Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont / Monseigneur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l’honneur de m'écrire du 7 février, et je me crois encore obligée d'y répondre pour vous assurer que malgré l'envie que l'on a de pallier auprès de vous l'excès où s'est porté ce malheureux curé, je suis persuadée que vous agirez avec l'honneur d'un homme du qualité, et la charité d'un évêque . Vous ne démentirez jamais les sentiments qui sont dans votre cœur . / Si je pouvais me persuader que mon oncle en cherchant à faire rendre quelque justice à ce pauvre de Croze eût pu porter quelque atteinte à la religion, loin de m'intéresser à cette affaire, elle ne m'inspirerait que de l'horreur . Ses motifs sont bien différents . Il croit que ce n'est point s'attaquer à la religion, mais au contraire la servir, que d'empêcher qu'un curé ne la déshonore . Soyez sûr, monseigneur, qu'il n'a d'autre envie que de faire du bien dans ses terres et qu'il y réussit . / Il met tout en œuvre pour l'instruction des enfants, et pour maintenir le bon ordre . Il vient encore d'établir à ses dépens un maître d'école à Ferney où il n'y en avait jamais eu . / Pardonnez-nous donc, monseigneur, si un voisinage tel que celui du curé de Moens nous alarme . On a beau dire que ses intentions étaient bonnes . Ses violences sont connues, et sa charité chrétienne est d'une nature bien différente de celle que nous prêche l'Evangile . J'ai vu les blessures de De Croze . Je l'ai vu à la mort . Les témoins déposent que le curé l'a frappé lui-même . Qu'allait-il faire chez une femme à dix heurs du soir accompagné de paysans armés ? Non, monseigneur, vous ne pouvez approuver cette horreur . / Du reste, monseigneur, si mon oncle a eu l’honneur de vous écrire quelques lettres, il était bien sûr des mains dans lesquelles il les a déposées . Votre probité, votre candeur et vos vertus ne vous permettraient pas de publier des lettres sans l'aveu de celui qui les écrit . L'idée n'en peut venir à quiconque a l'honneur de vous approcher . Ces sentiments de probité animent sans doute tous ceux que vous employez . / Je suis avec respect, monseigneur, votre très hulmble et très obéissante servante / Denis, dame d

Lire la suite

16/02/2016 | Lien permanent

Je vous ai rendu, monsieur, toute la justice que je vous dois dans cet avertissement

...

Afficher l'image d'origine

 

« A Ponce-Denis Ecouchard Le Brun

2 février [1761]

J'ai l'honneur, monsieur, de vous écrire encore au sujet de Mlle Corneille ; vous ne laisserez point votre bonne œuvre imparfaite, et après l'avoir sauvée de la pauvreté, vous la sauverez du déshonneur ; j'écris à M. Du Molard en conformité 1 .

Vous avez dû recevoir le certificat de Mme Denis, voici celui du résident de France . J'ai eu l'honneur de vous envoyer la procuration du sieur L’Écluse du Tilloy, pour se joindre à la plainte de M. Corneille . Le sieur L’Écluse n'est point celui qui a monté sur le théâtre de la foire , je le crois son cousin ; il est seigneur de la terre du Tilloy en Gâtinais 2.

Je vous réitère, monsieur, qu'il ne s'agit que d'une procuration de M. Corneille ; que l'affaire ne fera nulle difficulté, que Fréron sera condamné à une peine infâmante, et à de gros dédommagements . Je suis bien sûr que vous saisirez une occasion aussi favorable, et que M. d'Argental vous aidera de tout son pouvoir ; ce n'est point au parlement qu'il faut s'adresser, comme je le croyais, mais au lieutenant-criminel, dont le nommé Fréron est naturellement le gibier .

Je vous réitère encore, monsieur, que j'ai été indispensablement obligé d'envoyer un petit avertissement , pour faire savoir que votre libraire a eu tort de mettre l'édition de vos lettres et des miennes sous le nom de Genève . C'est une chose très importante pour moi ; il ne faut pas qu'on croie dans le public que je fasse imprimer à Genève aucune brochure , en effet on n'en imprime aucune dans cette ville dont je suis éloigné de deux lieues, et il est nécessaire qu'on le sache, vous en sentez toutes les conséquences .

Je vous ai rendu, monsieur, toute la justice que je vous dois dans cet avertissement, et je me suis livré à tout ce que mon goût et mon cœur m'ont dicté . Je confie à votre amitié et à votre prudence, la copie de la lettre que j'écris à ce sujet . Soyez persuadé, monsieur, que je vous suis attaché comme le père de Mlle Corneille doit vous l'être .

Je présente mes respects à Mlle Le Brun .

V.

2è février 1761. »

1 Lettre qui ne nous est pas parvenue .

Lire la suite

02/02/2016 | Lien permanent

le derrière de Son Excellence n’est pas si bon que sa tête

... Bon rétablissement au pape François, qui , je le souhaite, peut encore profiter du saint siège ( bien rembourré ) après son opération du colon . Les hosties , non plus que le vin de messe  et les prières , ne semblent  protéger efficacement le microbiote pontifical . Alors un petit tour à Lourdes, haut lieu de visites de chefs d'Etat ?

https://www.journaldesfemmes.fr/societe/actu/2728719-pape...

Le Pape de l'humour - Soirmag

https://soirmag.lesoir.be/108515/article/2017-08-09/le-pa...

 

 

 

« Au chevalier Pierre de Taulès

28 avril 1766, à Ferney

Je vois, monsieur, que le derrière de Son Excellence n’est pas si bon que sa tête ; j’apprends qu’on lui a fait une opération 1 qu’il a soutenue avec son courage ordinaire ; je m’adresse toujours à vous pour lui faire parvenir les témoignages de mon respect et de ma sensibilité. Il doit savoir combien tout le monde s’intéresse à sa santé : il goûte le plaisir d’être aimé ; c’est un bonheur que vous partagez avec lui. Continuez-moi, monsieur, des bontés qui me sont bien chères, et daignez vous souvenir quelquefois d’un pauvre vieillard cacochyme qui vous aime comme s’il avait eu l’honneur de vivre longtemps avec vous. »

1 Le chevalier de Beauteville , opéré le 26 avril 1766 .

Lire la suite

21/07/2021 | Lien permanent

Ce n’est pas le moyen de plaire au peuple

« A Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé, duchesse du Maine

 

 

                                   Ma protectrice,

 

                                   En arrivant de Versailles, et non pas de la cour [il n’habitait pas, cette fois, le château et passait une grande partie de son temps à travailler dans sa chambre], j’ai appris que V.A.S. voulait me donner de nouveaux ordres, et de nouveaux conseils lundi [pour la représentation qui doit avoir lieu chez elle]. Elle est la maîtresse de tous les jours de ma vie, et j’ai assurément pour elle autant de respect que La Motte [Houdar de La Motte, mort en 1731, qui avait participé aux fêtes littéraires à la cour de Sceaux]. J’attendrai demain les Pégases qui doivent me mener au seul Parnasse que je connaisse, et aux pieds de ma protectrice.

 

                                   A Paris ce dimanche [vers mars 1750]

 

                                   Si Votre Altesse Sérénissime le permet, je coucherai à Sceaux. »

 

 

 

 

 

 

 

« A Jean Vasserot de Châteauvieux

 

 

             Voici le fait.

             Le nommé Bourgeois, engagé à Lausanne pour jardinier sous la convention expresse que je le renverrais si je n’étais pas content de lui, convention dont je peux faire serment, a été non seulement surpris par Mlle Mathon [Marie-Thérèse,femme de chambre de Mme Denis] vendant les légumes de mon jardin, mais a causé mille scandales dans ma maison, n’a jamais travaillé, et a bu le vin de Bourgogne qu’on a volé à M. le professeur Pictet. On l’a chassé. Il mérite punition, et c’est une très mauvaise politique à MM. les magistrats de Genève de souffrir que les domestiques leur fassent la loi. Ce n’est pas le moyen de plaire au peuple ; mais d’être écrasé par le peuple. Cette ville est peut-être la seule au monde où les domestiques soient les maîtres. Si le nommé Bourgeois s’était conduit ainsi à Tournay ou à Ferney, je l’aurais fait mettre au cachot. Je déteste le despotisme, mais il faut subordination et justice. Voila mon code.

 

             Maintenant, je vous supplie mon cher Monsieur, de vouloir bien me dire comment il faut [   ] un jardinier [   ][manques dus au manuscrit endommagé] qui est huit jours sans travailler. Peut-on alors présenter requête contre lui ? et demander permission de le renvoyer poliment ?

        

             Au reste, Monsieur, mademoiselle Mathon non seulement a pris le jardinier en question en flagrant délit de vol domestique, mais Mlle Genou, étrangère, y était présente. Elle est à Paris. Nous ferons venir sa déposition par-devant notaire.

 

             Il est d’une extrême conséquence, dans une grosse maison, de n’être pas l’esclave de ceux qui sont à nos gages.

 

             J’attends vos ordres et vos avis submisse.

 

                                  

                                   A l’égard de Chouet [fils de syndic, devenu fermier chez De Brosses et chassé par Voltaire à Tournay ; « dans quel état noble ivrogne Chouet a mis votre terre » écrivit-il a De Brosses] il a le vin fripon.

 

 

                                   Voltaire

                                   Mars 1759. »

sceaux.jpg

Lire la suite

09/03/2009 | Lien permanent

trouvez-vous que le commerce se ressente déjà de la paix, et qu'il en procure les fruits ?

... Heu ! comment dire ? franchement : NON !

Ce serait même plutôt le contraire, le commerce de l'armement est florissant, le Rafale français et toutes les munitions et armes de tous pays sont encore de bon rapport pour les balances commerciales ; on n'est pas près de forger des charrues avec . Il va falloir se faire encore à cette idée de manger des fruits amers , et pire encore s'en trouver bien, par défaut .

 Image associée

Message reçu !

 

« A Ami Camp, Banquier

à Lyon

Ferney 21è novembre 1762

Mon cher correspondant, trouvez-vous que le commerce se ressente déjà de la paix, et qu'il en procure les fruits ? Vous me feriez plaisir de me dire si on compte en effet sur la cession de la Floride et si vous en avez quelques nouvelles positives ?

Je ne peux vous dire encore si j'aurai recours à vos bontés pour mon métier d'agriculteur . Je vous prierai seulement de vouloir bien me dire à votre loisir ce que coûte le quintal de bon frumental .

Je vous supplierai de défalquer sur les 120 louis de chaque mois les fournitures dont vous me permettez que Mme Denis et moi nous vous importunons afin que les 180 000 livres restent intactes .

C'est toujours en supposant que M. de Laleu paie avec la régularité qu'il a promise . Je suppose que vous touchez exactement ces 120 livres par mois, et que cela n'a rien de commun avec les 44 740 livres que vous m'avez fait toucher . Si ces objets étaient mêlés ensemble je vous prierais de m'en vouloir bien fournir une note . Mais il me semble qu'ils sont absolument séparés . Ainsi mes comptes en deviendront plus faciles en défalquant de mois en mois ce que vous pourriez avoir payé sur les 120 louis . Je tâcherai d'user avec discrétion de la bonté que vous avez de permettre que nous recourions à vous dans nos petites nécessités . Mme Denis et moi nous vous renouvelons notre tendre attachement, et Mlle Corneille en dit autant à son docteur .

V. »

Lire la suite

05/10/2017 | Lien permanent

Page : 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15