Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/01/2010

si mes souffrances continuelles me permettent l’amusement du travail

 

 

DSC07006.JPG
Un mien voisin, placide et gros mangeur !

 

http://www.youtube.com/watch?v=rCXlg7Amy3U&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=9QjVDY2g7Cs&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=I9oaS-zvIm8&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=vt__em0aKFM&feature=re...

 

 

« A Jean Le Rond d’Alembert

 

31 de janvier [1770]

 

                                   Rétablissez votre santé, mon très cher philosophe[f1]  [ ], j’en connais tout le prix, quoique je n’en aie jamais eu, porro unum est necessarium[f2]  [ ]; et sans ce nécessaire, adieu tout le plaisir qui est plus nécessaire encore. Je me souviens que je n’ai pas répondu à une galanterie de votre part, qui commençait par sic ille vir[f3]   [ ]: soyez sûr que vir ille n’a jamais trempé dans l’infâme complot dont vous avez entendu parler[f4]  [ ]. Il n’est pas homme à demander ce que certaines personnes avaient imaginé de demander pour lui[f5]  [ ]; mais il désirerait fort de vous embrasser et de causer avec vous.

 

                                   Je vous avais bien dit que l’aventure de Martin était véritable[f6]  [ ]. Le procureur général travaille actuellement à réhabiliter sa mémoire ; mais comment réhabilitera-t-on les Martins qui l’ont condamné ? Le pauvre homme a expiré sur la roue, et le tout par une méprise. Qu’on dise à présent quel est l’homme qui est assuré de n’être pas roué !

 

                                   Voici l’édit des libraires[f7]  [ ], tel que je l’ai reçu ; c’est à vous de voir si vous l’enregistrerez. Pour moi, je déclare d’abord que je ne souffrirai pas que mon nom soit placé avant le vôtre et celui de M. Diderot, dans un ouvrage qui est tout à vous deux. Je déclare ensuite que mon nom ferait plus de  tort que de bien à l’ouvrage, et ne manquerait pas de réveiller des ennemis qui croiraient trouver  trop de liberté dans les articles les plus mesurés. Je déclare de plus qu’il faut rayer mon nom, pour l’intérêt même de l’entreprise.

 

                                   Je déclare enfin que, si mes souffrances continuelles me permettent l’amusement du travail, je travaillerai sur un autre plan qui ne conviendra pas peut-être à la gravité d’un Dictionnaire encyclopédique[f8]  [ ].

 

                                   Il vaut mieux, d’ailleurs que je sois le panégyriste de cet ouvrage que si j’en étais le collaborateur.

 

                                   Enfin ma dernière déclaration est que, si les entrepreneurs veulent glisser dans l’ouvrage quelques-uns des articles auxquels je m’amuse, ils en seront les maîtres absolus, quand mes fantaisies auront paru. Alors ils pourront corriger, élaguer, retrancher, amplifier, supprimer tout ce que le public aura trouvé mauvais ; je les en laisserai les maîtres.

 

                                   Vous pourrez, mon très cher philosophe, faire part de ma résolution à qui vous jugerez à propos ; tout ce que vous ferez sera bien fait : mais surtout portez-vous bien. Mme Denis vous fait ses compliments ; nous vous embrassons tous deux de tout notre cœur.

 

                                   Voltaire. »


 [f1]Le 25 janvier d’Alembert se plaignait d’étourdissements et d’un « affaiblissement de la tête »

 [f2]D’ailleurs une suele chose est nécessaire

 [f3]Le 11 décembre 1769, d’Alembert avait écrit : « On dit … que vous avez du chagrin pour une cause qui me parait bien juste . Je ne saurais croire que cette cause soit réelle ; si par hasard elle l’était, elle me rappellerait la belle tirade de la péroraison pro Milone, qui commence par ces mots : Hiccine vir patriae natus etc » (= voici un homme né pour sa patrie).

 [f4]C’est-à-dire les démarches entreprises pour le faire venir à Paris ; le 15 octobre 1769 Mme Denis renonçait au projet . V* écrivit pourtant à Mme du Deffand le 1er novembre : « si je suis en vie au printemps … je compte venir passer dix ou douze jours auprès de vous avec Mme Denis… »

 [f5]La demande était faite par Mme Denis, ses amis, et même par Mme du Barry et Richelieu.

 [f6]Cf lettres à d’Alembert du 28 octobre 1769 et du 11 décembre à Christin.

 [f7]Le prospectus de Panckoucke qui annonçait le Supplément à l’Encyclopédie et dans lequel le nom de V* précède Diderot et d’Alembert. V* en cite le début à d’Alembert le 12 janvier en disant : « Il manquait … la formule : car tel est notre bon plaisir . Vous avez enrichi les libraires, et vous voyez qu’ils n’en sont pas plus modestes. »

 [f8]V* a décidé de donner ses Questions sur l’Encyclopédie au lieu de travailler au Supplément . Il écrira aux Cramer : « Vous pouvez mander à Panckoucke que cet ouvrage de la manière dont il est conçu, ne convient point du tout au Dictionnaire encyclopédique. »

Les commentaires sont fermés.