29/05/2010
vous êtes dans une place où vous pouvez faire du mal
« A Nicolas-Jean-Baptiste Ravot d’Ombreval
Lieutenant général de la police
Monsieur,
Je vous aurai obligation toute ma vie de ce que vous avez bien voulu faire en faveur du pauvre abbé Desfontaines [accusé de sodomie, Desfontaines a été mis au Châtelet le 18 décembre 1724, puis enfermé à Bicêtre -prison des sodomites- le 25 avril 1725 ; malgré le témoignage digne de foi d‘un jeune homme de seize ans, il fut libéré le 24 mai 1725. V* était intervenu en sa faveur auprès d‘Ombreval et aussi auprès de Mme de Prie ; M. de Bernières, vaguement parent de Desfontaines était aussi intervenu]; tous les gens de lettres qui connaissent son mérite supérieur [il a relancé le Journal des savants qu’on lui a confié en 1724] partageront ma reconnaissance. S’il a été coupable de quelque indiscrétion,[le témoignage du jeune homme est accablant ; de plus, il a fait une édition de La Henriade, à Evreux (adresse fictive Amsterdam) où il comble des lacunes par des vers de sa façon] il en a été bien cruellement puni ; mais je puis vous assurer qu’il est incapable du crime infâme qu’on lui attribue,[V* n’oubliera cepandant pas de ressortir cette accusation plus tard] et que d’ailleurs il mérite par sa probité, et j’ose dire par son malheur, que vous lui donniez votre protection et que vous daigniez parler en sa faveur à Mgr le duc,[le duc de Bourbon, premier ministre ; Desfontaines, dans ses remerciements à V*, demande de faire lever sa condamnation à l’exil à trente lieues de Paris ; V* l’obtiendra le 4 juin] vous êtes dans une place où vous pouvez faire du mal, mais votre cœur vous porte à faire du bien. Pour moi, Monsieur, je n’ai que des grâces à vous rendre, et je joins les sentiments de la plus vive reconnaissance au respect que j’ai pour votre personne et avec lequel je suis votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire.
A Versailles ce mardi matin [29 mai 1725] »
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