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02/08/2010

on dit que dans votre pays on fait le mal assez vite et qu'on l'oublie de même.

 

 

 

 

« A Étienne-Noël Damilaville


 

4 auguste 1766


 

J'ai communiqué à votre ami [V* lui-même] votre lettre du 28. Je vous ai écrit par nos correspondants de Lyon. Nous attendons, Monsieur, des lettres d'Allemagne pour l'établissement en question [« colonie » ou « manufacture » philosophique de Clèves ; cf. lettres du 23 juillet à Diderot et d'Alembert]. Je suis toujours très persuadé que votre ami de Paris [« Tonpla » = « Platon » = Diderot] y trouverait un grand avantage. Il n'y a peut-être que la mauvaise santé de mon correspondant de Suisse qui pût déranger ce projet ; mais si la chose était une fois en train, ni les maladies ni sa mort ne pourraient empêcher l'établissement de subsister . Il ne s'agit que de se rassembler sept ou huit bons ouvriers dans des genres différents, ce qui ne serait point du tout malaisé.


 

Le seigneur allemand [Frédéric] à qui on s'était adressé a eu la petite indiscrétion d'en dire quelque chose à un jeune homme qui peut l'avoir mandé à Paris [±]. On n'était point encore entré avec lui dans les détails [±±]. On ne lui avait point recommandé le secret ; on a tout lieu d'espérer qu'étant actuellement mieux instruit cette petite affaire pourra se conclure avec la plus grande discrétion.


 

On soutient toujours à Hornoy que tout ce qu'on a dit du sieur Belleval est la pure vérité [cf. lettre du 28 juillet]. Ces anecdotes peuvent très bien s'accorder avec les autres, elles servent à redoubler l'horreur et l'atrocité de cette affaire qui est peut-être entièrement oubliée dans Paris ; car on dit que dans votre pays on fait le mal assez vite et qu'on l'oublie de même.


 

Nous doutons fort que le Dictionnaire des sciences et des arts [ = Encyclopédie] soit donné de longtemps aux souscripteurs de Paris. Mais, quoi qu'il en soit, le projet de réduire cet ouvrage [±±±] et de l'imprimer en pays étranger est extrêmement approuvé . Plût à Dieu que je visse le commencement de cette entreprise ! Je mourrais content dans l'espérance que le public en verrait la fin.


 

On dit qu'on fait des recherches chez tous les libraires dans les provinces de France. On a déjà mis en prison à Besançon un libraire nommé Fantet [V* écrira Lettre d'un membre du conseil de Zurich à M. D*** avocat à Besançon, au sujet du commerce de livres philosophiques du libraire Fantet, 1767]. Nous ne savons pas encore de quoi il est question.


 

Toute notre famille vous fait les plus tendres compliments. Nous espérons de vous incessamment le mémoire en faveur du Breton [ = La Chalotais ; cf. lettre du 1er avril 1766 à Damilaville] et ensuite du Languedochien [ = Sirven].


 

Adieu, Monsieur, on vous aime bien tendrement.

Boursier et compagnie.



 

On me recommanda, ces jours passés, une lettre pour un notaire ; en voici une autre qu'on m'adresse pour un procureur ; l'amitié ne rougit point de ces petits détails. »



±Frédéric se défendra le 1er septembre d'avoir parlé du projet ; il « n'a ni vu ni parlé au fils de l'Hippocrate moderne », c'est-à-dire à Louis-François Tronchin (en Prusse), fils de Théodore Tronchin, médecin alors à Paris.

L'indiscrétion pouvait venir de duc de Brunswick qui avait séjourné à Ferney et à qui V* avait parlé du projet, ou de La Correspondance littéraire.

Aux d'Argental, le 15 août, il dément la rumeur qu'il s'installe en Prusse : « Ce qui a fait courir le bruit … c'est que le roi de Prusse m'ayant mandé qu'il donnerait aux Sirven un asile dans ses États, je lui ai fait un petit compliment, je lui ai dit que je voudrais les y conduire moi-même... » ; cf. lettre à Mme du Deffand du 24 septembre.


 

±± Quelques réserves de Frédéric le 7 août : « Vous me parlez d'une colonie de philosophes qui se proposent de s'établir à Clèves. Je ne m'y oppose point ; je puis leur accorder tout ce qu'ils demandent, au bois près,que le séjour de leurs compatriotes a presque entièrement détruit dans ces forêts (guerre de Sept ans) ; toutefois à condition qu'ils ménagent ceux qui doivent être ménagés, et qu'en imprimant ils observent de la décence dans leurs écrits. »


 

±±± Le 28 juillet : il faudrait « réduire à quatre lignes les ridicules déclamations des Cahusac et de tant d'autres … fortifier tant de bons articles … Il y a un volume de planches dont on pourrait très bien se passer... »

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