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08/08/2010

Les hommes sont faits originairement, ce me semble , pour penser, pour s'instruire, et non pour se tuer.

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En douceur, la liberté ...

 

 

« A René-Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson


 

A La Haye, au palais du roi de Prusse

le 8 d'août [1743]


 

Soyez chancelier de France, Monsieur, si vous voulez que j'y revienne ; rendez-nous la gloire des lettres quand nous perdons celle des armes . Les hommes sont faits originairement, ce me semble , pour penser, pour s'instruire, et non pour se tuer. Faut-il que la guerre ne soit pas encore la seule persécution que les arts essuient ? Je gémis de voir ce pauvre abbé Lenglet [Lenglet du Fresnoy : Mémoires servant d'éclaircissement et de preuves à l'histoire de M. de Thou, tome 6è,... 1743] enfermé, à soixante-dix ans, dans la Bastille, après nous avoir donné une bonne méthode pour étudier l'histoire, et d'excellentes tables chronologiques [La Méthode pour étudier l'histoire, 1713 et les Tables chronologiques de l'histoire universelle,1729]. Qui sont donc les vandales qui se sont imaginés que l'impression du VIème volume des additions à l'Histoire de ce bon président de Thou était un crime d'État ? Quel comble de barbarie et quel excès de petitesse de ne pas permettre qu'on imprime des livres où l'on explique Newton, et où l'on dit que les rêveries de Descartes sont des rêveries !


 

J'aime encore mieux l'abus qu'on fait ici de la liberté d'imprimer ses pensées, que cet esclavage dans lequel on veut chez vous mettre l'esprit humain. Si l'on y va de ce train, que nous restera-t-il que le souvenir de la gloire du beau siècle de Louis XIV ?


 


 

Cette décadence me ferait souhaiter de m'établir dans le pays où je suis à présent. N'ayant rien à y prétendre, je n'aurais point de plaintes à former. Je vivrais tranquille, et j'y souhaiterais à la France des temps plus brillants.


 

Il y a ici des hommes très estimables ; La Haye est un séjour délicieux l'été, et la liberté y rend les hivers moins rudes. J'aime à voir les maîtres de l'État simples citoyens. Il y a des partis, et il faut bien qu'il y en ait dans une république ; mais l'esprit de parti n'ôte rien à l'amour de la patrie, et je vois de grands hommes opposés à de grands hommes.


 

Je suis bien aise, pour l'honneur de la poésie, que ce soit un poète [William Van Haren, poète et député ; il pense que le gouvernement hollandais ne soutient pas assez Marie-Térèse] qui ait contribué ici à procurer des secours à la reine de Hongrie, et que la trompette de la guerre ait été la très humble servante de la lyre d'Apollon. Je vois d'un autre côté, avec non moins d'admiration, un des principaux membres de l'État dont le système est tout pacifique, marcher à pied sans domestiques, habiter une maison faite pour ces consuls romains qui faisaient cuire leurs légumes, dépenser à peine deux mille florins par an pour sa personne et en donner plus de vingt mille à des familles indigentes.[V* pense à Halluin, de Dordrecht]


 

Ces grands exemples échappent à la plupart des voyageurs. Mais ne vaut-il pas mieux voir de telles curiosités que les processions de Rome, les récollets au capitole, et le miracle de Saint Janvier [son sang coagulé, dans une fiole, doit se liquéfier le jour de sa fête, sinon cest un mauvais présage]? Des hommes de bien, des hommes de génie : voilà mes miracles.



 

Ce gouvernement-ci vous plairait infiniment, même avec les défauts qui en sont inséparables. Il est tout municipal, et voilà ce que vous aimez. La Haye d'ailleurs est le pays des nouvelles et des livres ; c'est proprement la ville des ambassadeurs ; leur société est toujours très utile à qui veut s'instruire. On les voit tous en un jour. On sort, on rentre chez soi ;chaque rue est une promenade ; on peut se montrer, se retirer tant qu'on veut. C'est Fontainebleau, et point de cour à faire.



 

Adieu, Monsieur ; plût à Dieu que je pusse vous faire la mienne ! Vous savez si je vous suis attaché pour jamais. »

 

 

Restons zen encore un peu :

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