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16/09/2010

Mon cher philosophe, ce siècle-ci ne vous parait-il pas celui des révolutions

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« A Jean Le Rond d'Alembert

 

16è septembre 1772

 

Mon cher philosophe, ce siècle-ci ne vous parait-il pas celui des révolutions, à commencer par les jésuites et à finir par la Suède [i], et peut-être à ne point finir ? Voici une révolution qui m'arrive à moi . Vous avez sans doute entendu parler d'un abbé Pinzo qui a écrit , ou a laissé écrire sous son nom, une lettre à la Jean-Jacques, prodigieusement folle et insolente [ii]. On a imprimé cette lettre, l'imprimeur s'est servi de mon orthographe [iii], les sots l'ont crue de moi [iv], et un fripon l'a envoyée au pape [v]. Voilà où j'en suis avec Sa Sainteté . Elle est infaillible, mais je ne sais si c'est en fait de goût, et s'il démêlera que ce n'est pas là mon style.

 

Mandez-moi, je vous prie, ce que c'est que cet abbé Pinzo, et au nom du grand être dont Ganganelli est le vicaire, da mi consiglio.

 

Nous avons ici Lekain ; il enchante tout Genève [vi]. Il a joué dans Adélaïde Du Guesclin, il jouera Mahomet et Ninias [vii], après quoi je vous le renverrai.

 

Voici mon petit remerciement au remerciement de M. Wattelet.

 

Je vous embrasse de toutes mes forces.

 

V. »

i « Relation de ce qui est arrivé à Stockholm du 19 août 1772 au 21 inclusivement » dont V* vient de prendre connaissance, après avoir déjà composé une Épître au roi de Suède Gustave III sur l'évènement « qui vient de réunir les bonnets et les chapeaux » ( à savoir les deux partis qui se disputaient le pouvoir) et dont il dira qu'il « aime surtout passionnément sa renonciation au pouvoir arbitraire » (cf. lettre à d'Alembert du 13 novembre 1772). V* va dire à ses correspondants que sa dernière tragédie Les Lois de Minos , faite « il y a plus de trois mois » , « est à quelque différences près, la révolution de Suède » ; pour la vérité historique Cf. lettre du 13 novembre à d'Alembert.

ii Lettre de M. l'abbé Pinzo au surnommé Clément XIV, son ancien camarade de collège, qui l'a condamné à une prison perpétuelle après lui avoir fait demander pardon d'avoir dit la vérité, 1772.

iii V* tenait, entre autres, à la graphie « ai », conforme à la prononciation, pour les imparfaits et pour « français »,...

iv La Correspondance littéraire du 15 septembre et les Mémoires secrets du 20 octobre la lui attribuent.

v Au cardinal de Bernis dès le 10 septembre : « L'on m'assure qu'on a envoyé cette lettre au pape comme étant mon ouvrage ... Comme il se peut faire qu'une telle imposture prenne quelque crédit dans Rome chez des gens moins éclairés que Sa sainteté, vous me pardonnerez de vous en prévenir, et même de joindre à cette lettre le témoignage de M. le Résident de France à Genève. » Le président Hennin écrivit le 12 septembre au duc d'Aiguillon que la lettre avait été envoyée de Paris.

vi Ce jour-même, du Pan écrit : « Le Kain ... veut bien, sans être payé, monter trois fois sur le théâtre de Châtelaine pour jouer Adélaïde du Guesclin, Mahomet et Sémiramis ... La première fur représentée lundi. Demain on donnera Mahomet, samedi la dernière... » Par la suite il ajoute : « George entendit hier Mahomet avec admiration, le théâtre était aussi plein qu'il pouvait l'être. Voltaire criait : bravo, bravo ! » V* écrira à La Harpe, le 29 septembre : « M. Lekain est chez moi ; il a joué six de mes pièces. »

vii Ninias, dans Sémiramis.

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