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26/10/2010

Banqueroutiers..., parricides...,voilà les gens devant qui les bégueules se prosternent

Il est bon d'être un couche-tard, j'ai pu me régaler avec ceci :

 

 

 

« A François Joumard Tison, marquis d'Argence [i]

 

Ferney 26è octobre 1761

 

Vous pardonnez sans doute, Monsieur, mon peu d'exactitude en faveur de mes sentiments que vous connaissez, et en faveur de ma mauvaise santé que vous ne connaissez pas moins. Il me semble, mon cher Monsieur, que les philosophes ont actuellement assez beau jeu. Les ennemis de la raison ont combattu pour nous, les convulsionnaires et les jésuites ont montré toute leur turpitude, et toute leur horreur. Il est certain que la fureur et l'atrocité jansénistes ont dirigé la cervelle et la main de ce monstre de Damiens. Les jésuites ont assassiné le roi de Portugal [ii]. Banqueroutiers et condamnés en France [iii], parricides et brûlés à Lisbonne, voilà nos maîtres, voilà les gens devant qui les bégueules se prosternent. Les billets de confession d'un côté, les miracles de saint Pâris de l'autre sont la farce de cette abominable pièce. Il vient de se passer chez moi une farce plus réjouissante. Un jésuite portugais est venu d'Italie se présenter à moi pour être mon secrétaire. Cela me fait souvenir de l'aumônier Poussatin que le comte de Gramont prenait pour son coureur [iv]. J'ai proposé au jésuite d'être mon laquais. Il l'a accepté. Sans Mme Denis qui n'entend point le jargon portugais, un jésuite nous servait à boire. Peut-être a-t-elle craint d'être empoisonnée. Je vous avoue que je ne me console point d'avoir manqué ce laquais-là.

 

Nous avons eu un monde prodigieux. J'ai cédé les Délices pendant trois mois à M. le duc de Villars [v]. M. de Lauraguais, M. de Chimène sont venus philosopher avec nous [vi]. M. le comte de Harcourt a amené madame sa femme à Tronchin. Mais celle-là est dévote, cela ne nous regarde pas . J'ai bâti une église et un théâtre, mais j'ai déjà célébré mes mystères sur le théâtre, et je n'ai pas encore entendu la messe dans mon église. J'ai reçu le même jour les reliques du pape et le portrait de Mme de Pompadour [vii]. Les reliques sont le cilice de saint François [viii]. Si le Saint père avait daigné m'envoyer le cordon au lieu du cilice il m'aurait fort obligé. Adieu, Monsieur, goûtez dans le sein de votre famille et de vos amis tout le bonheur que vous méritez et que je vous souhaite. Mme Denis joint ses sentiments aux miens. Je vous serai tendrement attaché toute ma vie.

 

V.

 

A Ferney 25 octobre. »

 

i JOUMARD TISON d'ARGENCE François, chevalier, marquis d'ARGENCE, seigneur des Courrières et de la Monette, né le 14 août 1719 .

http://societe-voltaire.org/cv-index.php

 

ii Attentat de septembre 1758 où le roi de Portugal Joseph 1er fut seulement blessé ; cf. lettres du 10 février 1759 aux Cramer, 19 février 1759 à d'Alembert, ..., 19 novembre 1760 à Thiriot. Les jésuites, impliqués par Pombal, n'étaient en fait pas directement responsables.

http://www.cosmovisions.com/ChronoPortugal18.htm

 

 

iii Banqueroute du père La Valette et procès perdu par les Jésuites ; cf. lettre du 31 mai 1761 à Damilaville et Thiriot.

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/inde...

 

 

iv Poussatin : personnage des Mémoires de la vie du comte de Gramont ... http://fr.wikipedia.org/wiki/Philibert_de_Gramont

http://books.google.fr/books?id=_cAUAAAAQAAJ&printsec...

 

 

v V* se plaindra ensuite des dégâts faits par ses gens.

 

vi Cf. lettre du 11 octobre 1761 à d'Argental et du 21 janvier 1761 à Jean-Robert Tronchin.

 

vii Cf. lettre du 11 octobre 1761 à d'Argental.

 

viii St François d'Assise.

 

 
 

 

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