07/12/2010
la haine cordiale que j'ai pour votre métier de César.
Dans le domaine "je me fous de votre gueule et je me gave", un César, qui au demeurant ne manquait pas de talent artistique, et qui a eu celui de vivre grâce au mauvais goût de ses contemporains, dont un exemple suit :
Etre Cesar ! Est-ce bien enviable ? http://www.deezer.com/listen-5803986
Rendons à Cesar ce qui appartient à Jules : http://www.deezer.com/listen-2417346 ; merci à Georges Chelon, que, malheureusement, on n'entend qu'à dose homéopathique sur nos ondes hertziennes.
Une curiosité : http://www.deezer.com/listen-1566386
« A Frédéric II, roi de Prusse
A Ferney, 8 décembre [1773]
Sire,
Une belle dame de Paris i (dont vous ne vous souciez guère) prétend que vous serez fâché contre moi de ce que je donne Votre Majesté au diable ii; et moi je lui soutiens que vous me le pardonnerez, et que Belzébuth même en sera fort content, attendu qu'il n'y a jamais eu personne plus diable que vous à la tête d'une armée, soit pour arranger un plan de campagne, soit pour l'exécuter, soit pour réparer un accident.
Je n'aime point du tout, il est vrai, votre métier de héros, mais je le révère ; ce n'est point à moi de juger de la Tactique de M. Guibert. Je ne m'entends point à ces belles choses ; je sais seulement qu'il vous regarde avec raison comme le premier tacticien, et moi, j'ajoute : comme le premier politique ; car vous venez d'acquérir un beau royaume, sans avoir tué personne iii, et non seulement vous voilà pourvu d'évêchés et d'abbayes, non seulement vous voilà général des jésuites iv après avoir été général d'armée, mais vous faites des canaux comme à la Chine, et vous enrichissez le royaume que vous vous êtes donné par un trait de plume. Que vous reste-t-il à faire ? rien d'autre que de vivre longtemps pour jouir.
Comme Votre Majesté recevra probablement mon petit paquet aux bonnes fêtes de Noël, et que le Dieu de paix va naître avant qu'il soit trois semaines, je me recommande à lui, afin qu'il obtienne ma grâce de vous et que vous me pardonniez toutes les pouilles que j'ai dites à Votre Majesté, et la haine cordiale que j'ai pour votre métier de César. Ce César comme vous savez, pardonnait à ses ennemis quand il les avait vaincus ; et vous aurez pour moi la même clémence, après vous être bien moqué de moi v.
Le vieux malade de Ferney, qui s'égaye quelquefois dans les intervalles de ses souffrances, se met à vos pieds avec cinq ou six sortes de vénérations pour vos cinq ou six sortes de grands talents, et pour votre personne qui les réunit. »
i Mme Necker ; V* en parlait à d'Alembert le 5 décembre.
ii En parlant de l'Essai général de tactique de Guibert, V* dans la Tactique écrit : « A Frédéric surtout portez ce bel ouvrage, / Et soyez convaincu qu'il en fait davantage : / Lucifer l'inspira bien mieux que votre auteur ; / Il est maître passé dans cet art plein d'horreur, / Plus adroit meurtrier que Gustave et qu'Eugène. » ; cf. lettre à d'Alembert du 19 novembre. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Antoine-Hippolyte_de...
Tactique de V* : page 6 : http://books.google.fr/books?id=0y4HAAAAQAAJ&printsec...
iii Partage de la Pologne en 1772, -traité ratifié par le roi de Pologne et la diète le 18 septembre 1773,- alors que Frédéric n'a pas participé à la guerre. Il se justifia auprès de V* le 9 octobre 1773 : « ... l'Europe croit assez généralement que le partage que l'on a fait de la Pologne est une suite de manigances politiques qu'on m'attribue, cependant rien n'est plus faux. Après avoir proposé vainement des tempéraments différents, il fallut recourir à ce partage comme l'unique moyen d'éviter une guerre générale. » D'autre part il écrivit : « je concours depuis longtemps aux opérations des Russes par des subsides que je leur paie, et vous devez savoir qu'un allié ne fournit pas des troupes et de l'argent en même temps... »
iv Cf. lettre à d'Alembert du 19 novembre.
v Le 9 octobre, Frédéric venait de se moquer des attitudes contradictoires de V* face à la guerre.
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