Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/02/2011

On ne peut cesser d'être persécuteurs sans avoir cessé auparavant d'être absurdes

"je vous conjure d'immoler vos raisonnements au bien de la bonne cause. "

A combien de dirigeants et combien de temps faudra-t-il dire et ressasser cette phrase ?

 

Persécuteurs du monde entier, combien vous êtes absurdes !

 

Volti, ami, merci, tu as encore vu juste !

persecution img_1147968120021.jpg

 

 

Persécution :http://www.deezer.com/listen-4957040

Machines absurdes ; parce que j'aime bien William Sheller :http://www.deezer.com/listen-2277081

Singeries, que je vous recommande, dans "le meilleur des mondes" :http://www.deezer.com/listen-2277081

Toute ressemblance avec des personnes existantes , etc. ...

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

13 de février [1764]

 

Gardez-vous bien, mon très cher philosophe, d'alarmer la foi des fidèles par vos cruelles critiques i. Je ne vous demande pas de changer d'avis, parce que je sais que les philosophes sont têtus ; mais je vous conjure d'immoler vos raisonnements au bien de la bonne cause. Le bon homme, auteur de La Tolérance ii, n'a travaillé qu'avec les conseils de deux très savants hommes iii. Vous vous doutez bien que ce n'est pas de son chef qu'il a cité de l'hébreu. Ces deux théologiens sont convenus avec lui, à leur grand étonnement, que ce peuple abominable, qui égorgeait, dit-on, vingt-trois mille hommes pour un veau iv, et vingt-quatre mille pour une femme v, etc., ce même peuple pourtant donne les plus grands exemples de tolérance ; il souffre dans son sein une secte accréditée de gens qui ne croient ni à l'immortalité de l'âme ni aux anges . Il a des pontifes de cette secte . Trouvez-moi sur le reste de la terre une plus forte preuve de tolérantisme dans un gouvernement . Oui, les Juifs ont été aussi indulgents que barbares ; il y en a cent exemples frappants ; c'est cette énorme contradiction qu'il fallait développer, et elle ne l'a jamais été que dans ce livre .

 

On a très longtemps examiné, en composant l'ouvrage, s'il fallait s'en tenir à prêcher simplement l'indulgence et la charité, ou si on ne devait pas craindre d'inspirer de l'indifférence . On a conclu unanimement qu'on était forcé de dire des choses qui menaient, malgré l'auteur, à cette indifférence fatale, parce qu'on n'obtiendra jamais des hommes qu'ils soient indulgents pour le fanatisme, et qu'il faut leur apprendre à mépriser, à regarder même avec horreur les opinions pour lesquelles ils combattent.

 

On ne peut cesser d'être persécuteurs sans avoir cessé auparavant d'être absurdes . Je peux vous assurer que le livre a fait une forte impression sur tous ceux qui l'ont lu, et en a converti quelques-uns. Je sais bien qu'on dit que les philosophes demandent la tolérance pour eux ; mais il est bien fou et bien sot de dire, que quand ils y seront parvenus, ils ne toléreront plus d'autre religion que la leur ; comme si les philosophes pouvaient jamais persécuter, ou être à portée de persécuter. Ils ne détruiront certainement pas la religion chrétienne, mais le christianisme ne les détruira pas, leur nombre augmentera toujours ; les jeunes gens destinés aux grandes places s'éclaireront avec eux, la religion deviendra moins barbare et la société plus douce . Ils empêcheront les prêtres de corrompre la raison et les mœurs . Ils rendront les fanatiques abominables, et les superstitieux ridicules . Les philosophes, en un mot, ne peuvent qu'être utiles aux rois, aux lois et aux citoyens . Mon cher Paul de la philosophie, votre conversation seule peut faire plus de bien dans Paris que le jansénisme et le molinisme n'y ont jamais fait de mal ; ils tiennent le haut du pavé chez les bourgeois, et vous dans la bonne compagnie . Enfin, telle est notre situation, que nous sommes l'exécration du genre humain, si nous n'avons pas pour nous les honnêtes gens ; il faut donc les avoir, à quelque prix que ce soit ; travaillez donc à la vigne, écrasez l'Infâme . Que ne pouvez-vous point faire sans vous compromettre ? Ne laissez pas une si belle chandelle sous le boisseau vi. J'ai craint pendant quelque temps qu'on ne fut effarouché de la Tolérance ; on ne l'est point , tout ira bien . Je me recommande à vos saintes prières et à celles des frères .

 

Le petit livret de la Tolérance a déjà fait au moins quelque bien . Il a tiré un pauvre diable des galères vii, et un autre de prison . Leur crime était d'avoir entendu en plein champ la parole de Dieu prêchée par un ministre huguenot. Ils ont bien promis de n'entendre de sermon de leur vie . On a dû vous donner Macare et Thélème viii; je crois d'ailleurs que Macare ix est votre meilleur ami, et vous le méritez bien.

 

N.B.- M. Gallatin était chargé pour vous de deux exemplaires cachetés . Ecr l'Inf, vous dis-je. »

 

i D'après la réponse de d'Alembert du 22 février, ceci concerne le tableau que V* fait des Juifs dans le Traité sur la Tolérance .

Voir lettre Page 197 : http://books.google.be/books?id=zzQHAAAAQAAJ&printsec...

 

ii V* lui donne le nom d'Herman ; cf. lettre à Damilaville du 4 mars :

page 405 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f410.image.p...

 

iii Les informations linguistiques de V* sont fournies par le pasteur genevois Moultou qui a pour amis le pasteur Vernes et Abauzit qui fut administrateur de la bibliothèque de Genève.

iv Trois mille pour le veau d'or : Bible, Exode XXXII, 28. http://www.biblia-cerf.com/BJ/ex32.html

 

v Vingt quatre mille pour la Madianite : Bible, Nombres XXV, 1-9. http://www.biblia-cerf.com/BJ/nb25.html

vi Évangile de Matthieu.

vii Claude Chaumont, condamné le 15 mars 1751 . V* écrira à son propos à Végobre, avocat : « M. le duc de Choiseul a délivré des galères le nommé Chaumont, dont tout le crime était d'avoir entendu un sermon au désert » et : « Il a quelques compagnons dont je ne désespère pas de briser les fers et les rames. » . V* demandait en effet au protestant Louis Necker, négociant à Marseille, de lui envoyer la liste de leurs « martyrs de la sottise, condamnés à ramer par le fanatisme » pour l'envoyer et faire « tout ce qui dépendra de moi pour qu'on ne fasse plus de martyrs »

viii Macare et Thélème, conte en vers de V*, 1764, imprimé dans les Contes de Guillaume Vadé. Page 63 : http://books.google.be/books?id=wZwMAQAAMAAJ&pg=PA67&...

ix « Macare », transcription du mot grec signifiant « bienheureux », ou comme l'écrit V* : « bonheur ».

Les commentaires sont fermés.