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26/02/2011

je ne perds pas plus le repos dans cette petite affaire que je méprise , qu'un juge ne le perd, quand il examine le procès d'un malfaiteur

Au hasard d'un furetage !

Mais qu'est-ce qui peut faire perdre le repos ? Je vous le donne en  mille : l'AMOUR !

http://www.citations-amour.fr/lamour-fait-perdre-le-repos...

Je n'ai perdu qu'une des deux choses citées , sachant , pour vous guider , que je mange toujours d'un bon appétit .

 

repos chaton.jpg

 

 

Et celui-ci n'a perdu ni l'une ni l'autre !

 

 

« Au baron Albrecht von Haller

 

Aux Délices près de Genève

26 février 1759

 

Monsieur,

 

Vous serez encore importuné de moi, mais prenez-vous en à l'estime que j'ai pour vous .

 

Laissons imprimer des libelles en Hollande, c'est une denrée du pays, mais notre Suisse est et doit être le séjour de la tranquillité . Si le ministre Saurin vola des chevaux il y a soixante et onze ans, son fils secrétaire de M. le prince de Conti, et sa famille au nombre de onze têtes, ne doit pas aujourd'hui être couverte d'opprobre ; ni la physique ni la morale ne gagnent rien à l'écrit scandaleux du ministre Le Resche qui termine le libelle i.

 

Permettez-moi, Monsieur, d'observer qu'il y a quelque différence entre le soin de vous avertir que M. Grasset, garçon-libraire de Bousquet, et renvoyé de chez lui quoique présenté au feu pape ii, a volé ses maîtres iii à Genève, et la cruauté d'imprimer que le ministre Saurin vola dans le siècle passé ; Saurin ne volera personne .

 

Je sais que les misérables, qui ont imprimé le libelle à Lausanne, l'ont fait pour gagner quelque argent ; cela peut les excuser auprès d'un marchand, mais non auprès d'un philosophe .

 

Le libelle doit être, Monsieur, d'autant plus désagréable pour vous et pour moi qu'il y a une lettre ou Mémoire daté de Göttingen qu'on vous impute .

 

Le ministre Le Resche prouve que je suis déiste et athée, parce que j'ai pris le parti d'une famille affligée, il est vrai que sa preuve n'est pas excellente, mais elle n'en mérite pas moins d'être supprimée . J'ai été persuadé, Monsieur, qu'ayant été commissaire du Conseil pour policer ou encourager l'Académie de Lausanne vous étiez plus à portée que personne d'étouffer ce scandale, et qu'un mot de votre part à M. de Bonstetten pourrait suffire . J'ai pensé et je crois encore que l'amour de l'ordre et le plaisir de faire du bien en empêchant du mal vous engageront à cette démarche, dont je vous aurai en mon particulier d'autant plus d'obligation que le bien public y est attaché .

 

Croyez-moi, Monsieur, je ne perds pas plus le repos dans cette petite affaire que je méprise , qu'un juge ne le perd, quand il examine le procès d'un malfaiteur . Vous me dites que je suis riche iv; je le suis assez pour dépenser beaucoup d'argent à Lausanne quand j'y vais , il n'est en vérité ni décent ni convenable qu'on fasse dans Lausanne un libelle contre un étranger, qui n'était pas nuisible dans cette ville .

 

Daignez vous souvenir, Monsieur, de la satisfaction que vous demandâtes de la rapsodie de ce fou de La Mettrie v, ce n'était qu'une impertinence qui ne portait aucun coup, une saillie d'ivrogne, qui ne pouvait nuire à personne, pas même à son auteur, tant il était décrié et sans conséquence . Mais ici, Monsieur, ce sont des gens de sens rassis, des ministres, des gens de lettres qui se servent du prétexte de la religion pour colorer les injures les plus noires . Permettez-moi donc du moins d'agir lorsqu'on m'outrage d'une façon dangereuse, comme vous en avez usé, quand on vous offensa d'une façon qui n'était qu'extravagante . J'ai tout lieu de croire que des magistrats de Berne ayant eu la bonté de m'avertir de ce complot, le Conseil ayant ordonné que le libelle fût saisi, les Seigneurs curateurs ayant voulu que l'Académie en rendît compte, cet infâme ouvrage demeurera supprimé ; mais j'avoue , Monsieur, que j'aimerais mieux vous en avoir l'obligation qu'à personne ; on aime à être obligé de ceux dont on est l'admirateur, si dans l'enceinte des Alpes , que vous avez si bien chantées, il y a un homme sur la bonté duquel j'ai dû compter, c'est assurément l'illustre M. de Haller .

 

Voilà les sentiments de mon cœur avec lesquels je serai toute ma vie

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

 

Voltaire. 

 

Il ne faut point affranchir les lettres pour Tournay, la poste s'est imaginé que c'était Tournay en Flandre. Il n'y a qu'à écrire Genève.»

 

i Réponse à la Réfutation que M. D. V.[oltaire] a faite d'un écrit anonyme qui se trouve dans le Journal helvétique d'octobre dernier, où Le Resche attaquait l'article « Saurin » du catalogue du Siècle de Louis XIV et feu Saurin .

Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/07/t...

 

ii En écrivant à Haller le 24 mars, V* précisera : « Ne soyez point étonné que Grasset ait eu une médaille de ce bon pape Benoit . Il lui a fait accroire qu'il imprimerait à Lausanne les énormes et inlisibles volumes de Sa Sainteté. »

iii « ses maîtres » = les Cramer, qui ont fourni un certificat ( à la demande pressante de V*) ;

voir lettres à Cramer et à Bertrand vers le 10 février : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/13/s...

 

iv Haller se permit de répondre à V* le 17 février : « Quoi ! J'admirerai un homme riche, indépendant, ... applaudi ... » ;

voir lettre MMDCCLXXXI page 217 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f222.image.r...

Albrecht von Haller :http://en.wikipedia.org/wiki/Albrecht_von_Haller

v Voir lettre du 5 septembre 1752 à Frédéric : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/05/v...

 

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