30/03/2012
Je suis dans un âge où je dois renoncer à ces fleurs qu'il vous appartient de cueillir
- ... Ce qui ne m'empêche pas de les trouver belles ... et de me retourner sur elles, parfois ! Est-ce un péché , padre ?
- Non, mon fils, c'est un pêcher !
[septembre 1755]2
Quand on écrit d'aussi jolies lettres que vous, monsieur, il faudrait avoir la bonté d'instruire de votre demeure ceux qui ont des remerciements à vous faire. Je hasarde les miens, je ne sais s'ils vous parviendront mais si cette lettre vous est rendue, vous verrez que votre prose m'a fait autant de plaisir que les jolis vers dont vous avez embelli notre Parnasse et amusé la société, lorsque j'avais autrefois le bonheur de vous voir. Je rends grâce à mes Magots de la Chine, et à Mlle Clairon qui les a vernis, de ce qu'ils m'ont valu les témoignages flatteurs de votre souvenir. Je suis dans un âge où je dois renoncer à ces fleurs qu'il vous appartient de cueillir. La poésie ne doit plus être mon amusement, il ne faut plus que je sacrifie à Melpomène mais vous avez longtemps à sacrifier aux Grâces. Mme Denis est aussi sensible que moi à votre souvenir. Adieu, monsieur; je vous réitère mes remerciements et les assurances des sentiments bien sincères avec lesquels j'ai l'honneur d'être toujours votre, etc. »
1 Desmahis, Joseph-François-Édouard de Corsembleu (1722-1761), poète,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph-Fran%C3%A7ois-%C3%89d... .
Sur ses pièces , voir :
http://cesar.org.uk/cesar2/people/people.php?fct=edit&person_UOID=100315
23:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
faire quelque chose qui me rappellerait à votre souvenir, et qui vous marquerait au moins l'envie extrême que j'ai de mériter votre suffrage
"... mériter votre suffrage"
Aïe ! Aïe ! Aïe !! décidément je ne pense qu'aux élections ! Est-ce que c'est grave docteur ?
« A M. le comte de CHOISEUL 1
Aux Délices, 17 septembre [1755]
Je crois, monsieur, avoir reçu deux lettres de vous. Les bontés dont vous m'honorez redoublent la douleur que je porterai jusqu'au tombeau d'être éloigné pour jamais de vous et de la maison 2 où vous passez votre vie. J'aurais dû mériter ces bontés par des soins plus assidus pour cet Orphelin que vous avez pris sous votre protection. Plus d'une circonstance très-triste m'a empêché de songer à perfectionner un ouvrage auquel je devais retoucher, et m'a forcé de livrer trop tôt à l'impression ce que j'avais trop tôt livré au théâtre. Des traverses cruelles ont toujours été le fruit de mes travaux. S'il plaisait enfin à la destinée de me laisser des jours tranquilles, si la persécution me laissait respirer dans mon asile, peut-être aurais-je encore la force de faire quelque chose qui me rappellerait à votre souvenir, et qui vous marquerait au moins l'envie extrême que j'ai de mériter votre suffrage. J'explique plus en détail à M. d'Argental 3 tous les contre-temps qui m'ont jeté hors de mes mesures mais je n'ai point d'expression, monsieur, pour vous exprimer ma tendre et respectueuse reconnaissance.
V. »
1 Qui sera duc de Praslin en novembre 1762.http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Fran%C3%A7ois_de_Choiseul#Citations_de_et_sur_Choiseul
3 Voir lettre du 17 septembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/17/68b9b3d2b991faaf955e2dff8ea7ecaf.html
23:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
pour vous, pour votre frère, et pour qui vous voudrez.
« A madame de FONTAINE
Aux Délices [16 septembre 1755] 1
Mon aimable nièce, je n'ai que le temps de vous mander que je vous envoie sous l'enveloppe de M. Bouret 2 trois exemplaires de l'Orphelin, pour vous, pour votre frère, et pour qui vous voudrez. Je me suis hâté, parce que j'ai craint que la pièce transcrite aux représentations ne fût imprimée, elle me couvrirait de honte si elle paraissait dans l'état où on la joue; je suis trop accoutumé à être défiguré et volé. »
1 Dans les Pièces inédites de Voltaire, 1820, cette lettre est datée du 6 auguste. Voir page 349 : http://search.incredimail.com/?q=pi%C3%A8ces+in%C3%A9dites+de+voltaire+1820&lang=french&source=017052021&u=92259101058975277&a=6OxXd6wYKp&cid=1
22:43 | Lien permanent | Commentaires (0)
29/03/2012
Les ministres n'ont guère le temps d'examiner les Magots de la Chine
Tout affairés qu'ils sont à tenter de sauver leurs précieux portefeuilles dans le meilleur des cas, ou à se trouver une sinécure avec de gras bénéfices dans le cas le plus probable de leur éjection du gouvernement .
Donc point d'examen des "magots" de la Chine moderne ! Myopie remarquable concernant la démocratie de cette puissance économique . Efforts vains pour en faire des clients et non plus seulement des fournisseurs .
Allez ! du balai !!
http://contoirdeslegendes.wordpress.com/2012/02/07/le-roi-des-singes-passe-le-balai/
« A M. le comte d'ARGENSON.
Aux Délices, ou prétendues Délices, comme on dit prétendus réformés, 12 septembre [1755]
Les ministres n'ont guère le temps d'examiner les Magots de la Chine; mais si le plus aimable de tous les ministres a le temps de voir, à Fontainebleau, la morale de Confucius, en cinq actes, si l'auteur chinois peut amuser une heure et demie celui qui, depuis quarante ans 1 en çà, l'honore de ses bontés, il sera plus fier qu'un conquérant tartare.
Est-il permis de glisser dans ce paquet cinquante Magots pour le président Hénault? »
16:31 | Lien permanent | Commentaires (0)
Le seul prix de tous mes travaux est votre suffrage, et celui de tous les hommes qui pensent comme vous
Décidément, les allusions au monde électoral / illusions du monde électoral sont aisées à trouver . Merci Voltaire !
http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/20...
« A M. DE MALESHERBES
Aux Délices, 12 septembre [1755]
J'ai l'honneur, monsieur, de vous envoyer le premier exemplaire d'une pièce représentée loin de moi, et imprimée sous mes yeux. Je vous dois cet hommage. J'ai fait don de la pièce au sieur Lambert pour la France, et aux Cramer pour les pays étrangers. Je n'ai d'autres intérêts avec les libraires et les comédiens que celui de leur être utile. Le seul prix de tous mes travaux est votre suffrage, et celui de tous les hommes qui pensent comme vous.
Vous sentez, monsieur, combien la conversation que M. l'abbé Mignot a eue avec vous a pénétré de douleur Mme Denis, et moi, et toute ma famille. Je n'ai appris que fort tard cette cruelle affaire, que Mme Denis me tenait cachée dans ma dernière maladie. Jugez quelle dut être ma crainte, quand elle me dit qu'on imprimait à Paris une partie de l'histoire du roi, que le ministre m'avait recommandé de tenir longtemps secrète. Et quelle histoire encore? des mémoires informes, des minutes de rebut, volées indignement et vendues à un libraire. Mon désespoir fut au comble, quand j'appris que vous-même vous pensiez que j'étais d'accord de cette manœuvre qui pouvait me perdre. Mme de Pompadour et M. d'Argenson étaient les seuls qui avaient mon véritable manuscrit; je les offensais, ainsi que le roi lui-même, si je le donnais au public dans les circonstances où est l'Europe.
Cependant ce manuscrit est près de paraître, le libraire ne daigne pas seulement m'en avertir. On lui parle, il refuse de me consulter; on mande enfin à Mme Denis, de plusieurs endroits différentes, que l'auteur du larcin est connu, qu'il a vendu les brouillons de cet ouvrage, volé chez elle, vingt-cinq louis d'or , que vous le savez; que le libraire Prieur vous l'a avoué, comme à plusieurs autres personnes le fait devient public. Que devait, que pouvait faire Mme Denis, que de vous écrire, monsieur, et d'écrire à Mme de Pompadour? Elle vous soumet toute sa conduite; elle ne fait pas une démarche sans vous en instruire , elle compte sur votre amitié et sur votre justice , elle fait tout pour m'épargner les suites funestes de ce larcin, qui seraient aussi cruelles que celles de cette prétendue Histoire universelle, volée de même, falsifiée de même, connue par toute l'Europe littéraire pour m'avoir été dérobée, et qui cependant m'a perdu auprès du roi.
Je suis très-persuadé, monsieur, que vous, qui êtes à la tête des lettres, vous ne voudrez point qu'un homme qui les a préférées à tout, et qui ne les cultiva que pour elles-mêmes, soit continuellement la victime de la calomnie et de la rapine, c'est une affreuse récompense. Je dois croire qu'une âme comme la vôtre entre dans ma juste douleur, bien loin de la redoubler.
M. d'Argenson m'avait flatté qu'il pouvait recevoir sous votre enveloppe; vous me pardonnerez cette liberté.
J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur, votre très- humble et très-obéissant serviteur. »
15:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vous avez le droit de vous élever contre eux; c'est à la vertu d'être intrépide
EUX ! "... [s'] élever contre eux" , contre ces amuseurs tristes qui nous promettent tout et son contraire, qui ne rêvent que d'assurer leur avenir historiquement (et matériellement ), si ce n'est honorablement .
Eux, ces candidats qui se bagarrent au lieu de s'unir en gardant les meilleures voies de chaque parti ( plutôt que seulement les voix des électeurs abusés ! ).
Intrépide , "LA" vertu ! c'est encore au genre féminin d'intervenir !
Reste-t-il des vertus masculines ?
« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 12 septembre [1755]
Je vous ai déjà mandé, mon cher ange, que j'ai envoyé la pièce à Lambert que la seule chose importante pour moi, dans le triste état où je suis, c'est qu'elle paraisse avec les petits boucliers qui repoussent les coups qu'on me porte.
J'ai pris, sur les occupations cruelles, sur les maux qui m'accablent, sur le sommeil que je ne connais guère, un peu de temps à la hâte, pour corriger, pour arrondir ce que j'ai pu. Si la pièce était malheureusement imprimée de la manière dont les comédiens la jouent, elle me ferait d'autant plus de peine que les copies en seraient très-incorrectes, et c'est ce que j'ai craint; c'est ce qui est arrivé à Rome sauvée, transcrite aux représentations. Il n'y a nulle liaison dans les choses qu'on a été obligé de substituer pour faire taire des critiques très- injustes. Ces critiques disparaissent bientôt, et il ne faut pas qu'il reste de vestige de la précipitation avec laquelle on a été forcé d'adoucir les ennemis d'un ouvrage passable, avec des vers nécessairement faibles, par lesquels on a cru les désarmer. S'il reste quelques longueurs, si l'impatience française ne veut pas que le dialogue ait sa juste étendue, on peut, aux représentations, sacrifier des vers mais les yeux jugent autrement. Le lecteur exige que tout ait sa proportion, que rien ne soit tronqué, que le dialogue ait toute sa justesse. Je ne parle point de certains vers énergiques, tels que
Les lois vivent encore, et l'emportent sur vous .1 ( Acte IV, scène IV.)
vers que Mme de Pompadour a approuvés, vers qui donnent quelque prix à mon ouvrage. Me les ôter sans aucune raison, c'est jeter une bouteille d'encre sur le tableau d'un peintre. Ne joignez pas, je vous en conjure, aux désagréments qui m'environnent, celui de laisser paraître mon ouvrage défiguré. Je serai peut-être dans la nécessité d'employer plus de soins à faire jouer ma pièce à Fontainebleau, comme elle doit l'être, qu'on en a mis à satisfaire les murmures inévitables à une première représentation dans Paris. Un peu de fermeté, quelques vers retranchés, suffiront pour faire passer la pièce au tribunal de ce parterre si indocile; mais, au nom de Dieu, que mon ouvrage soit imprimé comme je l'ai fait. Mon cher ange, j'exige cette justice de votre amitié.
Quant à M. de Malesherbes, il a tort, et il faut avoir le courage de lui faire sentir qu'il a tort, il n'y a que votre esprit aimable et conciliant qui puisse réussir dans cette affaire. N'y êtes-vous pas intéressé? Quoi! un Ximenès vole des manuscrits, et ce lâche insulte! et il vous traite d'espèce! et M. de Malesherbes a protégé ce vol! Contre qui? contre celui que ce vol pouvait perdre. Parlez, parlez avec le courage de votre probité, de votre honneur, de votre amitié. Les hommes sont bien méchants! Vous avez le droit de vous élever contre eux; c'est à la vertu d'être intrépide. Je vous embrasse mille fois. Comment va le pied de madame d'Argental? Je vous envoie, par M. de Malesherbes même, l'édition de Genève. Prault n'aura rien. Lambert aura la France, les comédiens auront mon travail. Il ne me reste que les tracasseries, mon cher ange vos bontés l'emportent sur tout. »
1 La crainte que la police ne vit une allusion dans ce beau vers avait engagé un des amis de Voltaire à y substituer un vers insignifiant. Voir lettre du 8 octobre à Mlle Clairon : page 478 :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f481.image.r=oeuvres+completes+voltaire.langFR
15:04 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/03/2012
puisque ces magots chinois ont trouvé grâce devant vos yeux, il fallait bien qu'ils réussissent en France
Réussir en France ...
... Selon Plantu
« A MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA
Aux Délices, 12 septembre 1755.
Madame, ce n'est pas Jeanne que je mets cette fois-ci à vos pieds, c'est cet Orphelin de la Chine. Votre approbation m'a donné la hardiesse de le faire jouer à Paris et puisque ces magots chinois ont trouvé grâce devant vos yeux, il fallait bien qu'ils réussissent en France. Les Français qui ont du goût, madame, sont faits pour penser comme Votre Altesse sérénissime. J'ignore si elle a reçu la lettre que j'eus l'honneur de lui écrire, il y a plus d'un mois, en faveur de Jeanne. Je lui demandais ses ordres; je lui disais, dans ma lettre, que j'avais donné à cette grosse et singulière héroïne un habit décent, pour qu'elle pût faire la révérence à la petite-fille des héros, à celle qui est l'honneur de son sexe.
Je suis toujours, madame, dans cette maison que monseigneur le prince votre fils a honorée de son séjour. Plus je l'embellis, plus je regrette de n'être pas à vos pieds. Il n'y a rien à mes yeux de beau que votre cour; je n'aurais jamais dû la quitter. Daignez, madame, me conserver des bontés si chères et si consolantes. Puissiez-vous jouir aussi longtemps que je le désire, vous et toute votre famille, et la grande maltresse des cœurs, d'un bonheur que vous méritez si bien
Je renouvelle à Votre Altesse sérénissime mon inviolable attachement et mon très-profond respect. »
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0)