29/08/2012
Je voudrais que vous commandassiez l'armée, et que vous tuassiez force Prussiens
... Et que vous m'épatâtes en leur flanquant la pâtée !
Ah ! qu'elle est belle la langue française ! Quand donc journalistes et hommes politiques seront-ils capables d'utiliser à bon escient le subjonctif ? Je ne vois plus guère que les chanteurs de rap et de slam qui puissent en être capable, avec Jean d'Ormesson et Jacques Chancel et Alphonse Allais bien entendu.
« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.
Aux Délices, 1er novembre [1756].
Je n'ai point eu de cesse, mon héros, que je n'aie fait venir dans mon ermitage M. le duc de Villars, de son trône de Provence 1, pour le faire guérir par Tronchin d'un léger rhumatisme; et moi, j'en ai un goutteux, horrible, universel, que Tronchin ne guérit point, et qui m'a empêché de vous écrire. Quel plaisir m'a fait ce gouverneur des oliviers, quand il m'a parlé de vos lauriers et de l'idolâtrie qu'on a pour vous sur toutes les côtes ! Je vous avais envoyé de très-fausses nouvelles que je venais de recevoir de Strasbourg. J'en reçois de Vienne qui ne sont que trop vraies 2. On y est dans un chagrin de dépit et de consternation extrême. Il est certain que l'impératrice hasardait tout pour délivrer le roi de Pologne. M. de Brown avait fait passer douze mille hommes par des chemins qui n'ont jamais été pratiqués que par des chèvres; il avait envoyé son fils au roi de Pologne. Ce prince n'avait qu'à jeter un pont sur l'Elbe, et venir à lui. Il promit pour le 9, puis pour le 10, le 12, le 13, et enfin il a fait son malheureux traité, des fourches caudines. Les Anglais et les guinées ont persuadé, dit-on, ses ministres. On mande de Fontainebleau qu'on a prié le ministre du roi de Prusse 3 de s'en retourner. Je n'ose le croire je ne crois rien, et j'espère peu. On prétend que le roi de Prusse mêle actuellement les piques de la phalange macédonienne à sa cavalerie. Ce sont les mêmes piques dont mes compatriotes les Suisses se sont servis longtemps. Je ne suis pas du métier, mais je crois qu'il y a une arme, une machine bien plus sûre, bien plus redoutable; elle faisait autrefois gagner sûrement des batailles. J'ai dit mon secret à un officier 4, ne croyant pas lui dire une chose importante, et n'imaginant pas qu'il pût sortir de ma tête un avis dont on pût faire usage dans ce beau métier de détruire l'espèce humaine. Il a pris la chose sérieusement. Il m'a demandé un modèle; il l'a porté à M. d'Argenson. On l'exécute à présent en petit; ce sera un fort joli engin. On le montrera au roi. Si cela réussit, il y aura de quoi étouffer de rire que ce soit moi qui sois l'auteur de cette machine destructive. Je voudrais que vous commandassiez l'armée, et que vous tuassiez force Prussiens avec mon petit secret.
J'ai eu la vanité de souhaiter qu'on sût mes nobles refus à votre cour.5 J'aurais celle d'aller à Vienne, si j'étais jeune et ingambe, et si je n'étais pas dans mes Délices avec votre servante; mais je suis un rêveur paralytique, et je mourrai de douleur de ne pouvoir vous faire ma cour avant de mourir. Je n'ai de libre que la main droite; je m'en sers comme je peux pour renouveler mon très-tendre respect à mon héros, qui daignera me conserver son souvenir. »
4 Philippe-Antoine de Claris,marquis de Florian; voir la lettre du 15 mai 1757 ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/13/il-y-aura-toujours-des-fous-qui-se-feront-egorger-des-fous-q.html
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