22/01/2014
Il est juste, Monsieur, que je prenne les intérêts des pauvres habitants de ferney
... S'il est des hommes de bonne volonté, Voltaire en est un des plus remarquables et ceux qui médisent de lui sont de tristes ânes .
Lettre autographe de la main de Jean-Louis Wagnière , cédée par le baron G. Girod de l'Ain (Paris) au Centre des Monuments Nationaux, se trouvant désormais au château de Voltaire à Ferney-Voltaire .
« Ferney 3è janvier 1759
De la main de Wagnière Secrétaire de Voltaire .
Adressée à Mr Fabry.
Il est juste, Monsieur, que je prenne les intérêts des pauvres
habitants de ferney, quoique je ne sois pas encor leur seigneur n’ayant
pû signer jusqu’à présent le contract avec Monsieur Du Boisy .
Monsieur l’Intendant de Bourgogne 1, Monsieur le Président de
Brosses, et quelques autres magistrats, m’ont fait l’honneur de
me mander qu’ils feraient tout ce qui dépendrait d’eux pour
adoucir la vexation qu’éprouvent ces pauvres gens ; le sieur Nicot
procureur à gex mande aux communiers de fernex que le curé de Moëns leur persécuteur, est venu le trouver pour leur dire qu’il
les poursuivrait à toute outrance, ce sont ses propres mots, et j’ai la
lettre . je vous supplie, monsieur, d’en avertir monsieur l’Intendant qui
est le père des communautés ; vous partagez ses fonctions et ses
sentiments. Il est bon de lui représenter : 1° qu’il est bien
étrange qu’un curé ait fait à des pauvres pour 1500£ de frais
pour une rente de trente livres. 2° que les communiers de ferney
à ayant plaidé sous le nom de pauvres, tels qu’ils le sont, peuvent
être en droit d’agir, in forma pauperum 2 décembre , selon les lois romaines, reconnües en Bourgogne. 3° que le curé de Moëns ayant fait le voïage de Dijon et de Mâcon, pour d’autres procès dont il s’est
chargé encore ; il n’est pas juste qu’il ait compté dans les frais
aux pauvres de ferney, tous les voïages qu’il a entrepris pour faire
d’autres malheureux.
Si vous voulez bien, Monsieur, donner ces informations à
Monsieur l’Intendant, comme je vous en supplie, faites moi
la grâce de les accompagner de la protestation de ma reconnaissance 3 et de mon attachement pour lui.
Je profite de cette occasion pour vous parler d’une
autre affaire . un genevois, nommé Mons.r Mallet, vassal de ferney, a gaté tout le grand chemin dans la longueur d’environ quatre cent toises,
au moins, en faisant bâtir sa maison, et n’a point fait
rétablir ce chemin, il est devenu de jour en jour plus
impraticable. Ne jugez vous pas qu’il doit contribuer au moins
contribuer 4 une part considérable à cette réparation nécessaire ;
le reste de cette petite route étant continuellement sous les eaux
et la communication étant souvent interrompüe , n’est il pas de
l’intérêt de mes paÿsans qu’ils travaillent à leur propre
chemin . je suis d’autant plus en droit de le demander, que
je leur fais gagner à tous depuis deux mois plus d’argent
qu’ils n’en gagnaient auparavant dans une année ? ne dois-je pas
presenter requête à Monsieur l’Intendant pour cet objet de
police ? je me chargerai, si on ordonne des corvées de donner
aux travailleurs un petit salaire.
Je vous repête, Monsieur, que je me charge de tous ces soins,
quoi que la terre de ferney ne m’appartienne pas encore ; je n’ai
qu’une promesse de vente, et une autorisation de toute la famille
de monsieur de Budé, pour faire dans cette terre tout ce que
je jugerai à propos ;
Ce que le conseil de Monseigneur le Comte de la Marche exige
de moi est cause de long retardement de la signature du
contract ; il faut que je spécifie les domaines relevant
de gex et d’autres seigneurs ; je n’ai point d’aveu et
dénombrement, fernex aïant été longtemps dans la maison de
Budé, sans qu’on ait été obligé d’en faire.
Je crois avoir déjà eu l’honneur de vous mander que plusieurs
seigneurs voisins prétendent des droits de mouvance qui ne sont
pas éclaircis ; Genève, l’abbé de Prévesin, la Dame de la Batie,5 le
seigneur de feuillasse 6, les Jésuites même, à ce qu’on dit,
prétendent des lods et ventes ; et probablement leurs
prétentions sont préjudiciables aux droits de Monseig.r le Comte
de la Marche qui sont les vôtres . j’ai lieu de croire que vous
pouvez m’aider, Monsieur, dans les recherches pénibles que je
suis obligé de faire ; vos lumières et vos bontés accelereront
la fin d’une affaire que j’ai d’autant plus à cœur qu’elle vous
regarde.
Si vos occupations vous dérobent le temps de rendre compte de
ma lettre à Monsieur l’Intendant, vous pouvez la lui
envoïer.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous
dois
Monsieur
Votre très humble et très obéis.t
Serviteur Voltaire »
1Jean-François Joly de Fleury : l'intendant du Pays de l’État de Bourgogne, incluant Gex . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Joly_de_Fleury
2 Voir lettre du 29 décembre 1758 à Le Bault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/18/un-cure-de-moens-notre-voisin-le-plus-grand-le-plus-dur-le-p-5275076.html
3« de ma reconnaissance » : ajout de la main de Voltaire au dessus de la ligne .
4 V* perpétue l'usage du XVIIè siècle en utilisant contribuer à la forme active .
5 Françoise Turrettini, dame de la Batie-Beauregard, veuve du baron David de Vasserot ; voir page 482 : http://books.google.fr/books?id=vXdTfsfJDrAC&pg=PA481&lpg=PA481&dq=baron+David+de+Vasserot&source=bl&ots=yjpVxmj5cc&sig=MY6_xQxcHc69ccFJs_Q2knp-mKA&hl=fr&sa=X&ei=ydPfUvTxN-ST0QWX8oDYBA&ved=0CDMQ6AEwAQ#v=onepage&q=baron%20David%20de%20Vasserot&f=false
(Rechercher « Turrettini » dans : http://w3public.ville-ge.ch/bge/volage.nsf/Attachments/ms... )
6 Hyacinthe de Pingon : page 134 : http://books.google.fr/books?id=4CXF_qbFPLIC&pg=PA134&lpg=PA134&dq=Hyacinthe+de+Pingon&source=bl&ots=Bre4fe9Dvv&sig=uMa7In5XWnmgBTnFszONj3GIwHA&hl=fr&sa=X&ei=mdXfUsS5EuWd0QXS8oCgAw&ved=0CFMQ6AEwBw#v=onepage&q=Hyacinthe%20de%20Pingon&f=false
Voir pages 473, 483, 804, 1007, : http://books.google.fr/books?id=gz9CM4MEBVcC&pg=PA804...
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