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30/09/2014

on sait à Paris combien ma philosophe a eu de courage

... Oui, Mam'zelle Wagnière, c'est bien de vous qu'il s'agit .

 

 

 

« A ma belle philosophe

Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

[25 août 1759]1

Il faut absolument que j'aille voir ma philosophe . Tous les jours sont pour moi le jour de sa fête . Je ne passe pas les miens en fêtes, avec ma détestable santé . La vue de ma courageuse philosophe me ranimera .

J'ai reçu une lettre de M. d'Epinay 2 mais je n'ai point répondu afin de ne pas être soupçonné d'être indiscret si on sait à Paris combien ma philosophe a eu de courage . »

1 La date est choisie sur l'hypothèse que la lettre a été écrite le jour de la fête de Mme d'Epinay, à savoir la st Louis, le 25 août . Le mot courageuse fait rappel de l'inoculation récente de Mme d'Epinay ; voir lettre du 5 août 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/09/06/nous-ne-manquerons-pas-de-venir-admirer-le-courage-et-voir-l-5441715.html

2 Dont elle est séparée , celui-ci ayant été trop infidèle ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_d%27%C3%89pinay

 

Je ne crois pas qu'il y ait dans le monde entier une âme plus perverse, un scélérat plus consommé dans le crime, un avare plus lâche, un menteur plus hardi, un homme plus signalé par son ingratitude parmi les ingrats, que le nommé ...

... Vous pouvez à votre aise et selon votre mauvaise humeur mettre le nom de votre choix à la suite de cette citation . Je vous fais confiance .

 barabbas-2.jpg

 Si cette tête peut faire peur, craignez encore davantage celles qui sont au-dessus d'un superbe costard-cravate

 

 

« A Charlotte-Sophie Von Altenburg, comtesse Bentinck

25 août [1759] au soir

Il me semble , madame, que vous n'avez pas assez de joie de l'incident de votre grand procès gagné contre M. Barrabas . J'ai donc les passions plus vives que vous . Je sacrifie même au plaisir de voir un chicaneur fripon dans le train d'être puni, le plaisir de vous parler de pièces de théâtre .on dirait à votre lettre que vous vous intéressez autant à vos amusements qu'à vos affaires . Je ne pense pas ainsi, et je vous dirai comme Chicaneau à Isabelle

Et tu fuis les procès ! C'est méchanceté pure .1

Je ne respire que procédures, amendes, confiscations, condamnations contre votre infâme chicaneur, et je vous supplie très instamment de présenter mes sincères respects à votre avocat aulique . C'est un génie du premier ordre . Il s'est conduit dans cette affaire si épineuse mieux que Tribonien 2, Cujas 3 et Bartole 4 n'auraient jamais fait . Je l'admire et je le remercie . Je ne crois pas qu'il y ait dans le monde entier une âme plus perverse, un scélérat plus consommé dans le crime, un avare plus lâche, un menteur plus hardi, un homme plus signalé par son ingratitude parmi les ingrats, que le nommé Barrabas ; et je vous conjure de montrer cette lettre à votre illustre avocat .

Pour les affaires publiques, madame, je ne vous en dirai mot . Je ne songe dans ma solitude qu'à bâtir, à planter, à faire un théâtre dans mon château . Ma nièce joue comme Mlle Clairon . Je veux faire une tragédie d'une nièce arrivant à Francfort avec un passeport du roi de France, arrêtée par un Freitag, saucée dans les ruisseaux, trainée en prison, volée et couchée sans domestique entre quatre soldats la baïonnette au bout du fusil 5. Mais admirez ma bonne âme . Je m'intéresse plus encore à votre grand procès et à M. du Triangle 6. Adieu madame, j'ai peur de dire des sottises , je vous conjure de daigner m'apprendre où vous en êtes de vos affaires . Parlez-moi de votre plaisir , mais parlez-moi de vos intérêts . Mon plaisir et mon intérêt sont de vous être attachés avec le plus tendre respect .

V. 7

Plusieurs lettres de Saxe disent que les Russes ont été battus . Je ne m'intéresse à tous ces meurtres qu'autant qu'ils pourront servir à ramener la paix .

Est-il vrai qu’on s’est battu près de Minden dans les terres de M. le comte de Lippe ? »

2 Juriste célèbre, ministre de Justinien .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Tribonien

3 Jacques Cujas, fameux professeur de droit du XVIè siècle . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Cujas

4 Bartolo (de Saxoferrato) , juriste italien du XIVè siècle . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartole

et : http://es.wikipedia.org/wiki/B%C3%A1rtolo_de_Sassoferrato

5 Cet épisode de l' « avanie de Francfort » sera à la source des Lettres d'Amabed, publiées en 1769 ; voir la notice de ce conte, dans Romans set contes, de V* . Voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Lettres_d%E2%80%99Amabed

7 Comme il termine au bas de la troisième page, V* ajoute t.s.v.p.

 

29/09/2014

Je crois à présent tous nos grands préparatifs pour le théâtre de Polichinelle parvenus à leur fin

... Ne reste plus qu'à élire le Polichinelle-sénateur-président pour que la farce de la soi-disant opposition montre toute la qualité de sa remarquable magnifique réflexion sur l'avenir de notre France .

 Raffarin-Larcher, Larcher-Raffarin, kif-kif bourricot, deux patapoufs qui pantouflent sans gène dans un sénat hypertrophique ( à leur image , justement ! ) .

Et n'oublions pas le tout aussi génial Marini qui est en mal de publicité et veut jouer les pseudo trouble-fêtes d'opérette, ou l'amant qui sort du placard . Il en sera marri, mais ne voudra jamais l'admettre car un marri nie ( je sais , je ne vous épargne rien ! mais vous le méritez bien ).

 Ce type de politicienchinelle vit grassement à nos crochets

Polichinelle.jpg

 

« A Ami Camp

à Lyon

22 août [1759]

Je rougis un peu, monsieur, de toutes les peines que vous et M. Tronchin vous voulez bien vous donner pour des bagatelles . Je crois à présent tous nos grands préparatifs pour le théâtre de Polichinelle parvenus à leur fin . Il ne nous faut que cent soixante pieds de fleurs et de verdure au lieu de cent aunes 1. Je réduis ma magnificence le plus que je peux . Il n'en sera pas ainsi du voyage du roi dans votre belle ville . Je crois que vous n'épargnerez pas les dépenses comme je fais .

Il n'y a encore nulle nouvelle des Russes et des Prussiens . Ceux-là peuvent s'égorger tant qu'ils voudront . Je ne m'intéresserai pas à eux comme à l'armée que le duc de Broglie aurait dû commander . Mille compliments à tous vos amis .

V. »

 

28/09/2014

écrire, et empêcher la lésion qui nous dévore de tous les côtés dans une année fort mauvaise

... An(n)us horribilis comme disait queen Mum' ! et ce ne sont pas les livres de Montebourg et de Nicolas Sarkozy qui vont donner des solutions valables pour d'autres qu'eux-mêmes, la pompe à phinances ubuesque ne donnant qu'à ceux qui ont déjà le superflu comme les sus-nommés .

 

 

 

« A [Louis-Gaspard Fabry]

Aux Délices 19 août 1759

Voici monsieur la lettre du procureur de Bellai . Mme Denis et moi nous vous supplions de l'examiner . Nous ne voulons point importuner monsieur l'intendant pour cette bagatelle, nous comptons assez sur votre amitié et sur votre crédit pour nous flatter que vous voudrez bien avoir la bonté de lui écrire, et empêcher la lésion qui nous dévore de tous les côtés dans une année fort mauvaise . Je joindrai ma reconnaissance à celle de Mme Denis . J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments qui vous sont dus

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

 

27/09/2014

Cette vie là ne me déplait point . Elle est toute remplie ... Je me plains toujours selon l'usage, mais dans le fond je suis fort aise

... On croirait entendre un pilote d'Air France si l'un d'eux était capable d'un peu de franchise  !

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

A Ferney 19 août 1759

Mon divin ange, est-ce que M. Faitema 1 n'aurait pas trouvé grâce devant vos yeux ? Voici pour vous réjouir un gros paquet contenant des choses délicieuses, un billet de M. Fabry, fermier de Gex , c'est-à-dire son reçu de son tiers de lods et ventes . Quelle lecture agréable ! Et puis une lettre à l'abbé d'Espagnac, pleine de jérémiades sur le sort des pauvres seigneurs du château, et une lettre à M. de Chauvelin l'ambassadeur . Je me console au moins avec lui de cet embarras d'affaires . Savez-vous que je passe les jours entiers dans ces discussions de toute espèce ? Il faut s'accoutumer à tout . Cette vie là ne me déplait point . Elle est toute remplie . Il est plus doux qu'on ne pense de planter, de semer, et de bâtir . Je me plains toujours selon l'usage, mais dans le fond je suis fort aise .

Je réserve les chevaliers 2 pour le temps des vendanges . Vous mon cher ange, et M. de Chauvelin qui daignez être mes médiateurs avec M. d'Espagnac, vous n'échouerez pas dans votre négociation . Lisez ma lettre à M. d'Espagnac et vous verrez si j'ai raison . Lisez aussi ma dépêche à M. de Chauvelin et vous jugerez si le conseil de Mgr le comte de La Marche n'a pas beaucoup de torts .

Enfin donc je crois que mes Russes sont près du grand Glogau . Qui croirait que la Barbarini va être assiégée par mes Russes ; et dans Glogau 3! Ô destinée ! Je n'aime point Luc, il s'en faut de beaucoup . Je ne lui pardonnerai jamais ni son infâme procédé avec ma nièce, ni la hardiesse qu'il a de m'écrire deux fois par mois des choses flatteuses sans avoir jamais réparé ses torts . Je désire beaucoup sa profonde humiliation, le châtiment du pécheur ; je ne sais si je désire sa damnation éternelle .

Mon divin ange, vous ne m'écrivez point . Vous ne me dites rien des succès que M. le comte de Choiseul à la cour de Vienne . Je sais sans vous qu'il y réussit beaucoup . Je suis toujours si enchanté que je ne lui demande rien . Je ne veux point du tout l'importuner pour ma terre viagère de Tournay . Je veux qu'il sache que je lui suis attaché par goût , par reconnaissance, et que l'intérêt ne déshonore point mes sentiments généreux .

Comment se porte Mme Scaliger ? Je suis à ses pieds, et bientôt je travaillerai sur ses commentaires. Adieu divins anges . Je souhaite à votre nation tous les succès possibles dans le continent et dans les îles .

À propos parlez-vous italien? Mille tendres respects à tous les anges .

V. »

1 La mort de Socrate, dont Faitema est le prétendu auteur .

2 Tancrède .

3 Quand elle eut épousé Karl Ludwig von Cocceji, « la Barbarini » et son mari furent exilés par Frédéric II à Glogau .Voir : http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Ludwig_von_Cocceji

 

 

 

26/09/2014

avec [ce] que j'attends des mains de vos religieuses, je n'aurai besoin de rien ; je me flatte que cela ne sera pas cher

...

 

 

 

 

« A Ami Camp

à Lyon

17è août [1759]

J'ai arrangé tellement, monsieur, mon théâtre de marionnettes, qu'avec une centaine de bandes de clinquant 1, que j'ai , et une centaine d'aunes de verdure et de fleurs que j'attends des mains de vos religieuses, je n'aurai besoin de rien ; je me flatte que cela ne sera pas cher . Je vous supplie de vouloir bien me dire quand vous croyez que je pourrai avoir ces bouquets sacrés . J'ai l'honneur de vous écrire avant que la poste d'Allemagne soit arrivée, ainsi je ne sais aucune nouvelle . Si vous en savez de la descente en Angleterre, du voyage de la cour à Lyon, et des édits bursaux dont on menace nos bourses très vides, je vous serai fort obligé de m'en faire part . Mme Denis vous remercie de vos bontés encore plus que moi, car c'est elle qui a la rage de la comédie . Mille tendres respects à toute votre société .

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

 

25/09/2014

je serais fort aise d'entendre votre parole, quoique ni vous ni moi ne pensions que votre parole soit celle de Dieu

...

 

 

 

« A François-Louis Allamand

pasteur

à Bex

par Vevey Suisse

Au château de Tournay 16 août [1759] 1

Vos lettres sont des cartels d'esprit , monsieur, , mais je vous dirai comme Saint-Evremond mourant à Waller 2, vous me prenez trop à votre avantage . Je ne me porte pas assez bien pour jouer avec votre imagination . Il me paraît que vous ressemblez à Peau-d'Âne qui s'amusait à se parer de pierreries dans un désert entre des rochers 3. Que faites-vous de tant d'esprit dans votre abominable trou ? Vous m'apprenez qu'il y a cinq classes dans le pays de Vaud, mais de tous ces gens-là il n'y en [a] 4 aucun qui ne dût aller en classe sous vous . Il est vrai que le roi m'a accordé tous les privilèges que ma terre de Ferney avait perdus 5. Il m'a fait libre . C'est à mon sens la seule vraie grâce qu'un roi puisse faire . Me voilà français, genevois et suisse , ne dépendant de personne . C'est un sort unique, et c'est ce que je cherchais . Il y a pourtant quelques lois que je suis obligé de suivre . Je ne peux pas faire dire la messe publiquement aux Délices, ni avoir un prêche public à Tournay et à Ferney . Mais je n'y voudrais pourtant d'autre ministre que vous, et je serais fort aise d'entendre votre parole, quoique ni vous ni moi ne pensions que votre parole soit celle de Dieu . Interim vale . »

1 Cette lettre répond à celle du 6 août 1759 .

2 V* reprend souvent cette anecdote qui contient une impossibilité puisque Edmond Waller mourut en 1687, donc bien avant Saint-Evremond .

3 Allamand dans sa lettre entretenait longuement V* de sa lecture des 11 volumes de l'Histoire générale, en commentant : « Par malheur il manque au plaisir et à l'instruction […] quelqu'un avec qui les multiplier en les partageant […] Privé de ce secours , je m’entretiendrai avec vous, monsieur, la plume à la main . N’ayez pas peur […] Je prétends seulement écrire [mes pensées] à la fin de chaque volume dans un cahier en blanc que j'y ai fait coudre à cette intention […] C'est déjà chose à voir que les marges de mon exemplaire, et c’en sera bien une autre après la seconde lecture, car je n'écrirai mes visons que dans le cours de la troisième, et comme elles pourraient s'échapper en l'attendant , à mesure qu'elles passent je les cloue chacune à sa ligne, par une ou plusieurs pointes qui ont la double vertu d'en marquer la place et d'en exprimer l'espèce ; plus d'étoiles que le ciel de Bex n'en a [...] »

4 V* a oublié le verbe .

5 « […] j'ai lu dans la Gazette qu'en votre faveur la cour a remis Ferney au bénéfice des édits […] cela signifierait-il que le prêche y est rétabli ? Car Ferney , avec je ne sais quel autre lieu, furent les seuls du pays de Gex, où l'on nous permit d'avoir temple et ministre depuis l'édit de 1664 . Encore fallut-il bâtir le temple d’aumônes recueillies en Hollande et en Suisse, et ces aumônes produisirent encore de quoi former le fonds nécessaire aux aliments du ministre jusques à la révocation . Qu'est devenu tout cela ? Le fonds doit être au moins, triplé . Faites-nous en raison, et vous voilà raccommodé avec les cinq classes du pays de Vaud » (ibid)