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10/09/2014

avec une centaine de bandes de clinquant , que j'ai , et une centaine d'aunes de verdure et de fleurs que j'attends des mains de vos religieuses, je n'aurai besoin de rien

...

 

 

 

« A Ami Camp

à Lyo

17è août [1759]

J'ai arrangé tellement, monsieur, mon théâtre de marionnettes, qu'avec une centaine de bandes de clinquant 1, que j'ai , et une centaine d'aunes de verdure et de fleurs que j'attends des mains de vos religieuses, je n'aurai besoin de rien ; je me flatte que cela ne sera pas cher . Je vous supplie de vouloir bien me dire quand vous croyez que je pourrai avoir ces bouquets sacrés . J'ai l'honneur de vous écrire avant que la poste d'Allemagne soit arrivée, ainsi je ne sais aucune nouvelle . Si vous en savez de la descente en Angleterre, du voyage de la cour à Lyon, et des édits bursaux dont on menace nos bourses très vides, je vous serai fort obligé de m'en faire part . Mme Denis vous remercie de vos bontés encore plus que moi, car c'est elle qui a la rage de la comédie . Mille tendres respects à toute votre société .

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

 

09/09/2014

je serais fort aise d'entendre votre parole, quoique ni vous ni moi ne pensions que votre parole soit celle de Dieu

...

 

 

 

« A François-Louis Allamand

pasteur

à Bex

par Vevey Suisse

Au château de Tournay 16 août [1759] 1

Vos lettres sont des cartels d'esprit , monsieur, , mais je vous dirai comme Saint-Evremond mourant à Waller 2, vous me prenez trop à votre avantage . Je ne me porte pas assez bien pour jouer avec votre imagination . Il me paraît que vous ressemblez à Peau-d'Âne qui s'amusait à se parer de pierreries dans un désert entre des rochers 3. Que faites-vous de tant d'esprit dans votre abominable trou ? Vous m'apprenez qu'il y a cinq classes dans le pays de Vaud, mais de tous ces gens-là il n'y en [a] 4 aucun qui ne dût aller en classe sous vous . Il est vrai que le roi m'a accordé tous les privilèges que ma terre de Ferney avait perdus 5. Il m'a fait libre . C'est à mon sens la seule vraie grâce qu'un roi puisse faire . Me voilà français, genevois et suisse , ne dépendant de personne . C'est un sort unique, et c'est ce que je cherchais . Il y a pourtant quelques lois que je suis obligé de suivre . Je ne peux pas faire dire la messe publiquement aux Délices, ni avoir un prêche public à Tournay et à Ferney . Mais je n'y voudrais pourtant d'autre ministre que vous, et je serais fort aise d'entendre votre parole, quoique ni vous ni moi ne pensions que votre parole soit celle de Dieu . Interim vale . »

1 Cette lettre répond à celle du 6 août 1759 .

2 V* reprend souvent cette anecdote qui contient une impossibilité puisque Edmond Waller mourut en 1687, donc bien avant Saint-Evremond .

3 Allamand dans sa lettre entretenait longuement V* de sa lecture des 11 volumes de l'Histoire générale, en commentant : « Par malheur il manque au plaisir et à l'instruction […] quelqu'un avec qui les multiplier en les partageant […] Privé de ce secours , je m’entretiendrai avec vous, monsieur, la plume à la main . N’ayez pas peur […] Je prétends seulement écrire [mes pensées] à la fin de chaque volume dans un cahier en blanc que j'y ai fait coudre à cette intention […] C'est déjà chose à voir que les marges de mon exemplaire, et c’en sera bien une autre après la seconde lecture, car je n'écrirai mes visons que dans le cours de la troisième, et comme elles pourraient s'échapper en l'attendant , à mesure qu'elles passent je les cloue chacune à sa ligne, par une ou plusieurs pointes qui ont la double vertu d'en marquer la place et d'en exprimer l'espèce ; plus d'étoiles que le ciel de Bex n'en a [...] »

4 V* a oublié le verbe .

5 « […] j'ai lu dans la Gazette qu'en votre faveur la cour a remis Ferney au bénéfice des édits […] cela signifierait-il que le prêche y est rétabli ? Car Ferney , avec je ne sais quel autre lieu, furent les seuls du pays de Gex, où l'on nous permit d'avoir temple et ministre depuis l'édit de 1664 . Encore fallut-il bâtir le temple d’aumônes recueillies en Hollande et en Suisse, et ces aumônes produisirent encore de quoi former le fonds nécessaire aux aliments du ministre jusques à la révocation . Qu'est devenu tout cela ? Le fonds doit être au moins, triplé . Faites-nous en raison, et vous voilà raccommodé avec les cinq classes du pays de Vaud » (ibid)

 

08/09/2014

Nisi quid non simul esses , coetera laetus / Si ce n'est que nous ne sommes pas ensemble, au demeurant je suis heureux

...

 

 

 

« Au comte Francesco Algarotti

à Bologne

16 août [1759]1

M'avete favorito di due lettere mio caro cigno d'Italia, et di due tragedie una delle quali é dedicata a un papa . Oh che consolation per un povero profano mezzo donnato , di vedere il sacro santo nome d'un sommo pontefice nel' frontispizio d'un dram ! Miseri calvinisti, e jansenisti siate istrutti da questo exempio . Barbari riverite le muse .

Vi ringrazio caro signor mio tutti j vostri favori, et dell' onor che il signor' Agostino Paradi[si] 2 si compiace di far mi . Se il destin' a ordinato che io mora senza aver veduto la bella Italia, sono un poco confortato col' sentir che un de' vostri belli ingegni si degna di rivestire di fregi toscani il moi Cesare franceze . Si placeo, tuum est . Il vostro libraio non e tanto cortese come voi siete . Sospiro in vano per la raccolta dele vostre dilettevole oper .

Remember me while I am alive and remember I ouve all my happiness to liberty . Le roi de France a comblé mon bonheur en déclarant libres les terres que j'ai en France auprès des Délices . There I do not bewail the lost of Argaleon, who writes to me pretty often .3

Nisi quid non simul esses , coetera laetus 4.

V. »

1 On ne connait pas les lettres d'Algarotti .

2 Le mot suivant a provoqué l'omission de la dernière syllabe . Agostino Paradisi avait écrit à V* le 5 août pour lui annoncer qu'il traduisait Tancrède en italien avec La Mort de César et Mahomet .

3 Vous m'avez favorisé de deux lettres mon cher cygne d'Italie, et de deux tragédies dont une est dédiée à un pape . Oh quelle consolation pour un pauvre profane à moitié damné, de voir le nom sacro-saint d'un souverain pontife au frontispice d'un drame ! Misérables calvinistes, et jansénistes, soyez instruits par cet exemple . Barbares recevez les muses . Je vous rends grâces, mon cher monsieur, de toutes vos faveurs, et de l'honneur que le sieur Agostino Paradisi a la complaisance de me faire . Si le destin a ordonné que je meure sans avoir vu la belle Italie, je suis un peu consolé à la pensée qu'un de vos beaux génies daigne embellir d'ornements toscans mon César français . Si par lui je vous plais, il est à vous . Votre libraire n'est pas aussi honnête homme que vous ; je soupire en vain après le recueil de vos œuvres délectables . Souvenez-vous de moi aussi longtemps que je serai en vie, et rappelez-vous que je dois tout mon bonheur à la liberté […] Là je ne pleure pas la perte d'Argaleon, qui m'écrit fort souvent .[...] »

4 Horace , Épîtres, I, x, 30 : Si ce n'est que nous ne sommes pas ensemble, au demeurant je suis heureux .

 

07/09/2014

Quoique l'affaire de la poste tienne tous les esprits en alarme, mon cher Cicéron, cependant il faut songer aux malheureux qui sont dans la geôle

...

 

 

 

« A Jean Vasserot de Châteauvieux

[août 1759]

Quoique l'affaire de la poste 1 tienne tous les esprits en alarme, mon cher Cicéron, cependant il faut songer aux malheureux qui sont dans la geôle 2. Vous voulez sans doute persévérer dans votre bonne œuvre . Il s'agit de prêter 4365 livres de France . Soit il n'y a qu'à faire le contrat, je donnerai la somme . Je suis tout prêt à signer . Betens n'a qu'à me céder ses quinze settines 3 de mauvais pré à quinze francs par an la settine . On ne l'estime que 12 dans le pays de Gex, 225 par an ,

en quatre ans 900 livres

et autres terres, comme hutins qui en quatre ans puissent compléter le reste de la somme – le tout sans intérêt.

Je suis prêt de lui faire ce plaisir mais il faut de sa part bonne foi et exactitude sans quoi je deviens Mme de La Bâtie 4.

Et tuus semper et idem 5

V. »

1 La décision de la France d'augmenter les tarifs postaux fut discutée par le conseil de Genève le 27 juillet 1759 et souvent encore par la suite .

2 Voir lettre du 14 août au même :

3 « Setine, mesure agraire employée pour les prairies dans le pays de Gex et le Bugey : étendue que six hommes peuvent faucher en un seul jour » .

4 Françoise Turrettini, veuve de David Vasserot, voir lettre du 16 février 1755 à de Ruffey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/12/01/tout-le-pays-ou-je-suis-s-est-empresse-a-me-donner-les-marqu.html

5 A toi toujours et dans les mêmes sentiments .

 

06/09/2014

Tout autre parti serait trop long et la vie est courte . Je reviens aux affaires

... Car ça vous ferait trop plaisir si je renonçais, dit Sarko le justiciable !

Carla s'en lave les mains  .

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

[10 août 1759]

Mon cher correspondant, j'avais donné trois lettres de 1000 livres chacune sur Laleu Voilà ce qui a fait mon erreur . Vous avez compté une fois 10, et une fois 20 . Cela revient toujours à trois fois dix . Je ne laisse pas de vous fournir quelque argent depuis quinze jours , mais laissez faire . Si vous en êtes quitte cette année pour 80 mille livres je serai bien étonné .

Mon petit théâtre de Polichinelle ne sera pas cher . Monsieur le conseiller se moque de moi . Il veut réduire mes acteurs à deux pieds et demi de haut comme les diables de Milton 1 qui se font pigmées . Il faut pour sa peine qu'il vienne nous voir jouer Mérope .

J'ai fait la pièce tout seul, je ferai bien le théâtre tout seul . Ce n'est pas ma faute si le généreux président De Brosses n'a pas une galerie plus longue et plus large .

Nota bene.

Mlle Destouches a dans son magasin des branches de verdure, des guirlandes pour les ballets . Voilà ce qu'il nous faut . Son décorateur en peut faire cent par jour, et j'en demande une charretée . Avec ce secours, je suis fort et mon théâtre est très agréable . Un mot de M. Camp à Mlle Destouches fera l'affaire . Je me charge de tout le reste . Tout autre parti serait trop long et la vie est courte .

Je reviens aux affaires . Il y aura force lettres tirées de moi sur monsieur Tronchin, une au président de Ruffey pour 399 ou à peu près ,

une à M. Fabry pour les lods et ventes de Ferney, 1800 livres,

plus je prendrai force florins chez M. Cathala .

Mille tendres amitiés à toute la maison, et mille remerciements en particulier à M. Camp .

Très humble et très obéissant serviteur .

V.

* Je suis assez fâché que de mon théâtre à mon plancher il n'y ait que huit pieds de haut, mais il n'y a qu'à bien jouer, et l'on oublie alors où l'on est . Ces représentations sont faites entre amis . C'est comme si on lisait au coin du feu . Enfin si M. Camp m'envoie une énorme caisse de verdure et de fleurs je ne demande plus rien excepté pardon de mon importunité . »

 

05/09/2014

Que dites-vous de moi qui vous commande des décorations tandis que Jean-Jacques proscrit la comédie ?

... Mais Jean-Jacques est incurablement fou et sot .

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

part mercredi

On parle d'une bataille entre mes Prussiens et mes Russes 1. Cela est très vraisemblable . Le roi de Prusse m’écrit du 18 juillet qu'il compte sur cette bataille . Nulle nouvelle de M. Thurot le corsaire 2 . Qu'on se batte ou non sur terre et sur mer voici toujours pour quinze mille livres de lettres de change, mon cher correspondant . J'ai vu Mirani . La muraille et la terrasse seront plus chères que je ne croyais attendu qu'il a enlevé au loin toutes les terres qu'il faudrait reporter . Monsieur le conseiller décidera de tout .

Je serais fort aise d'avoir dans l'occasion quatre aigrettes jaunes, quatre caparaçons jaunes, et rênes jaunes pour quatre chevaux, mais après avoir eu l'impudence de demander à M. Camp des décorations de mon théâtre de marionnettes, je n'ose plus rien demander . Que dites-vous de moi qui vous commande des décorations tandis que Jean-Jacques proscrit la comédie ?

J'embrasse toute la famille de tout mon cœur .

V.

7 août [1759] »

1 Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Minden

Nulle bataille n'a eu lieu à cette époque . Frédéric écrivait à V le 18 juillet 1759 :« L'homme à toque et à épée papales [Daun] est placé sur les confins de la Saxe et de la Bohème . Je me suis mis dans une position à tout sens avantageuse vis-à-vis de lui . Nous en sommes à Présent à ces coups d'échecs qui préparent la partie . … Je ne saurais vous dire encore à quoi ceci mènera . Les Russes sont pendus au croc . Dohn a dit : […] sta, ursus ; et l'ours s'est arrêté » . La duchesse de Saxe-Gotha à V*, le 6 août 1759 : « … ; le prince Ferdinand vient de remporter la victoire sur l'armée de France près de Minden prussien le premier de ce mois … le lendemain de cet événement l'armée des alliés a repris Minden et les Français se sont repliés sur Rindeln . Si cette bataille est décisive ou non c'est ce que j'ignore encore …. quelques généraux et quelques mille hommes ont été faits prisonniers, et quelques canons pris . » Sur l'issue de la bataille, voir la lettre du 14 août 1759 à la comtesse de Lutzelbourg : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1759-partie-14-118971134.html

2 Le corsaire François Thurot était parti en course avec des lettres patentes ; il devait remporter le seul succès français appréciable sur les iles britanniques en s'emparant de Carrickfergus près de Belfast et en s'y maintenant plusieurs jours en février 1760 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Thurot

 

04/09/2014

Nous ne manquerons pas de venir admirer le courage et voir la jambe de ma philosophe

... L'un et l'autre valent le déplacement , je vous assure !

 

 

 

« A ma belle philosophe

Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

[vers le 5 août 1759] 1

Nous ne manquerons pas de venir admirer le courage et voir la jambe de ma philosophe, car l'inoculateur s'adresse aux jambes . Nous comptons sur la plus heureuse insertion . Je prie ma belle philosophe de vouloir bien m'envoyer les allégories 2. »

2 Clogenson suppose que c'est l'article ainsi nommé qui fut inclus dans le Dictionnaire philosophique . Voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_%281878%29/All%C3%A9gories