10/04/2015
Mettez-nous , je vous en prie, un peu au fait, non pas de ce qui est, mais de ce qu'on croit
... Géniale prière qui, pour notre malheur de lecteurs et pour le bonheur de vendeurs de torchons de papier papier/électronique, est trop souvent exaucée .
Et on se retrouve dans A mess like this [un bordel comme ça]...
... comment s'en sortir ?
Difficilement ! car ...
« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
Aux Délices 14 avril 1760
Vous n'entendez pas si bien l'orthographe ni le plaisir de donner souvent de vos nouvelles, que Mme de Sévigné, mais vous écrivez aussi bien qu'elle, ma chère nièce . Jugez combien je suis fâché de recevoir si rarement de vos lettres . Il me semble que vous peignez Paris à merveille . Je vous loue beaucoup d'aller passer deux ans chez vous . Le monde sera peut-être moins fou, moins sot et moins pauvre au bout de deux ans . Que sait-on ? Je vous avertis que je ne veux donner les Tancrède et les Médime que quand vous serez revenue . Je ne suis point du tout pressé de m'exposer au parterre de Paris . C'est bien assez que nos enfants nous amusent chez nous, sans les envoyer essuyer les caprices de la multitude . Je suis un peu revenu des vanités de ce monde . Laissons surtout achever la grande pièce qui se joue entre deux impératrices, l'Angleterre, la France et Luc . Luc m'écrit toujours 1 et dit qu'il se battra bien . Il paraît ne rien craindre . Je lui sais bon gré d'avoir envoyé une épître à d'Alembert 2 contre les pédants qui ont proscrit l'Encyclopédie . S'il sait les nouvelles vraies ou fausses qui courent Paris et le monde, il en dira de bonnes . Mais tout ce qu'on dit est-il bien véritable ? Comment imaginer une telle imprudence ? Vous savez que je suis un peu incrédule . Mettez-nous , je vous en prie, un peu au fait, non pas de ce qui est, mais de ce qu'on croit . Tout le monde en parle, peu de gens osent écrire, mais une veuve qui va à sa campagne passer deux ans, peut demander hardiment ce qu'elle entend dire, sans rien garantir .
Bonsoir, ma chère enfant, les Délices sont aux pieds d'Hornoy, malgré nos nouvelles terrasses et nos nouveaux appartements . Nous savons ce que nous devons aux puissants seigneurs . Mille amitiés à tout ce qui vous entoure, et surtout portez-vous mieux que moi .
V. »
1 Le 24 février 1760 ( page 314 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f328.image.r=24%20f%C3%A9vrier ), le 28 février, le 26 mars 1760 ; voir la lettre du 15 avril à Frédéric : page 352 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f366.texte.r=3485
2 Datée de février l’Épître à d'Alembert sur ce qu'on avait défendu l'Encyclopédie et brûlé ses ouvrages en France ; voir les Oeuvres de Frédéric , XII, 147-151 : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/12/147/text/?h=Ep%C3%AEtre|%C3%A0%7Cd%27Alembert|sur|ce|qu%27on|avait|dEfendu|l%27EncyclopEdie|et|br%C3%BBlE|ses|ouvrages|en|France
, et XIII, 201-204 : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/13/201/text/?h=Ep%C3%AEtre|%C3%A0%7Cd%27Alembert|sur|ce|qu%27on|avait|dEfendu|l%27EncyclopEdie|et|br%C3%BBlE|ses|ouvrages|en|France
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