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31/03/2016

Il faut connaître ses gens avant de leur prodiguer des louanges

... Mais est-ce parce que je connais mal nos hommes politiques que je ne suis pas enclin à leur prodiguer mes louanges ? ou est-ce parce que j'en sais déjà trop que je les critique ?

- Les deux, mon général !

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« A Etienne-Noël Damilaville

A Ferney, le 22 avril 1761 1

Je suis le partisan de M . Diderot parce qu'à ses profondes connaissances il joint le mérite de ne vouloir point jouer le philosophe, et qu'il l'a toujours été assez pour ne pas sacrifier à d'infâmes préjugés qui déshonorent la raison . Mais qu'un Jean-Jacques, un valet de Diogène, crie du fond de son tonneau contre la comédie, après avoir fait des comédies (et même détestables ) ; que ce polisson ait l'insolence de m'écrire que je corromps les mœurs de sa patrie ; qu'il se donne l'air d'aimer sa patrie (qui se moque de lui ) ; qu'enfin après avoir trois fois changé de religion, ce misérable fasse une brigue avec des prêtres sociniens de la ville de Genève, pour empêcher le peu de Genevois qui ont des talents, de venir les exercer dans ma maison (laquelle n'est pas dans le petit territoire de Genève ) ; tous ces traits rassemblés forment le portrait du fou le plus méprisable que j'aie jamais connu . M. le marquis de Ximènes a daigné s’abaisser jusqu'à couvrir de ridicule son ennuyeux et impertinent roman 2; ce roman est un libelle fort plat contre la nation qui donne à l'auteur de quoi vivre ; et ceux qui ont traité les quatre jolies lettres de M. de Ximenès de libelle, ont extravagué . Un homme de condition est au moins en droit de réprimer l'insolence d'un J.-J. qui imprime qu'il y a vingt à parier contre un que tout gentilhomme descend d'un fripon .

Voilà mon cher monsieur, ce que je pense hautement, et que je vous prie de dire à M. Diderot . Il ne doit pas être à se repentir d'avoir apostrophé ce pauvre homme, et de s'être écrié : ô Rousseau ! dans un dictionnaire 3. Il se trouve à la fin de compte que ô Rousseau ne signifie que ô insensé ! Il faut connaître ses gens avant de leur prodiguer des louanges . J'écris tout ceci pour vous . »

1 La copie Beaumarchais et les suivantes éditions, amalgament des passages de cette lettre et de celles du 8 mai 1761, du 9 mai à Damilaville et du 26 juin 1761 à d'Argental pour en faire une lettre datée du « 8 mai » 1761 .

2 Julie ou La nouvelle Héloïse .

3 A l'article « Encyclopédie » de l'Encyclopédie, Diderot avait écrit : « L 'éloge d'un honnête homme est la plus digne et la plus douce récompense d'un autre honnête homme : après l'éloge de sa conscience, le plus flatteur est celui d'un homme de bien . Ô Rousseau, mon cher et digne ami, je n'ai jamais eu la force de me refuser à ta louange : j'en ai senti croître mon goût pour la vérité, et mon amour pour la vertu . »

 

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