27/03/2020
Je vous demande une compagnie de cavalerie ou de dragons. Vous me direz peut-être que cette compagnie n’est point faite pour un quinze-vingts de soixante et onze ans
... Et pourtant ça pourrait rappeler des souvenirs à cette tranche d'âge qui a connu et pratiqué le service militaire, occasion de réviser quelques chants guerriers tel "les 80 chasseurs" ou "tiens voilà du boudin", gentilles bluettes en godillots .
« A Béatrice de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont
14 janvier 1765, au château de Ferney
par Genève
Madame, vous êtes ma protectrice : je vous supplie de me donner mes étrennes. Je ne peux vous demander un regard de vos yeux, attendu que je suis aveugle. Je vous demande une compagnie de cavalerie ou de dragons. Vous me direz peut-être que cette compagnie n’est point faite pour un quinze-vingts de soixante et onze ans ; aussi n’est-ce pas pour moi, madame, que je la demande, c’est pour un jeune gentilhomme de vingt-quatre ans et demi, qui fait des enfants à mademoiselle Corneille votre protégée. Ce jeune homme était cornette dans la colonelle-générale ; il a commencé par être mousquetaire, et actuellement il a neuf ans de service. Son colonel, M. le duc de Chevreuse, a rendu de lui les meilleurs témoignages ; il a été compris dans la réforme, et il est très digne de servir : actif, sage, appliqué, brave, et doux, voilà son caractère. Son nom est Dupuits ; il demeure chez moi, et sa femme et moi nous le verrons partir avec regret pour aller escadronner 1.
Monseigneur le duc votre frère, quand je pris la liberté de lui représenter la rage que ce jeune homme avait de continuer le service, daigna m’écrire 2: Adressez-vous à ma sœur, c’est à elle que je remets tout ce qui regarde votre petit Dupuits.
C’est donc vous, madame, dont je réclame la protection, en vous assurant sur ma pauvre vie qu’on ne sera jamais mécontent de Pierre Dupuits, mari de Françoise Corneille. Je vous demande cette grâce au nom du Cid et de Cinna. Pierre Corneille eut deux fils tués au service du roi ; Pierre Dupuits demande le même honneur en qualité de gendre.
Je suis avec un profond respect, madame, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire . »
1 Ce n'est pas un néologisme , cela signifie « faire les manœuvres et exercices propres à la cavalerie. »
2 On ne connait pas cette lettre où il s'exprimerait ainsi, sinon textuellement, du moins en substance .
11:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je ne me consolerai jamais qu'un philosophe ait été un malhonnête homme
... Mais par contre , je suis tout à fait rassuré voir confirmée la malhonnêteté morale d'un Donald Trump , conforme à ses magouilles révélées , et tout à fait inquiet de savoir en quoi consiste l' "initiative importante" qui se trame avec notre président . Je crains un marché de dupes .
Un vrai tordu !
« A Etienne-Noël Damilaville
14è janvier 1765 1
Mon cher frère est prié de vouloir bien faire rendre cette lettre à M. Élie de Beaumont 2. Je me flatte qu'il lui aura fait lire les doutes sur cet impertinent [testament] tant loué, et si peu lu . Je suis bien curieux de savoir ce que pense mon frère du délateur Jean-Jacques . Je ne me consolerai jamais qu'un philosophe ait été un malhonnête homme.
Écr l'inf. »
1 L'édition Correspondance littéraire n'identifie pas le destinataire .
Le même jour Cramer écrit à Grimm : « M. de Voltaire se dégoûte tout à fait des Délices ; je crois qu'il les vendra pour se livrer tout entier à son amitié pour Ferney ; il ne tiendra pas à moi qu'il ne réponde point aux injures de M. Rousseau ; il n'est point d'humeur à plaisanter, et il n'y aurait pourtant que ce ton-là à prendre . »
10:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
elle avait esprit, talents et belle âme . Cela n'est pas excessivement commun
... Voltaire dépeint fort bien Mam'zelle Wagnière qui nous laisse sans nouvelles depuis trop longtemps . Help !
« A Philibert-Charles-Marie Varenne de Fénille 1
à l'hôtel de La Marck rue d'Aguesseau
à Paris 2
13è janvier 1765 à Ferney
Il y a assurément, monsieur, dans vos jolis vers de quoi faire chanter un aveugle, et je vous aurais répondu sur le même ton si je n'étais affligé que des yeux ; mais ma vieille maison étant tout aussi mauvaise que mes fenêtres il n'y a pas moyen de faire des vers dans l'état où je suis . On dit que les cygnes chantent en mourant, mais je n'ai pas l'honneur d'être cygne, je ne suis qu'un vieux hibou retiré dans une chaumière au milieu des montagnes . Je vous prie de mettre ce hibou aux pieds de Mme la comtesse de La Mark, puisqu'elle a la bonté de se souvenir de moi . Je lui ai connu deux beaux yeux à qui je souhaite qu'il n'arrive jamais ce qui arrive aux miens ; elle avait esprit, talents et belle âme . Cela n'est pas excessivement commun . Adieu, monsieur,on ne peut être plus sensible que je le suis à votre souvenir .
V. »
2 L'édresse a été rectifiée : « M. Billard, rue des Deux-Ecus, à l'hôtel des Deux Ecus ».
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