30/06/2020
mais que doit-on en conclure? Vous n'osez le dire, ni moi non plus
...Les Verts, LFI, LR, LREM, RN, j'en passe et des plus mauvais, font leurs comptes et comme d'hab' cocoricotent . C'est reparti pour un tour, on verra à l'usage ce que valent ces élus municipaux .
Il n'est jamais trop tard pour s'instruire !
« A Claude-Nicolas Le Cat, Secrétaire perpétuel de l'Académie de Rouen, etc., à Rouen
26è mars 1765, au château de Ferney
par Genève 1
Je n'ai reçu que depuis peu de jours, monsieur, le livre dont vous avez bien voulu m'honorer 2; le voyageur qui devait me l'apporter il y a longtemps l'avait oublié à Paris . Des fluxions horribles que j'ai sur les yeux ne m'ont pas empêché de le lire ; le plaisir de m'instruire l'a emporté sur les douleurs que je ressens . Je suis menacé depuis deux ans de perdre entièrement la vue, et vous seriez obligé en conscience de me guérir pour réparer le mal que vous m'avez fait en me donnant un plaisir extrême . Je dirai de vous ce que Halley disait de Neuton 3: nec propius fas est mortali attingere divos ? Vous touchez aux premiers principes ; il semble que vous deviniez le secret du créateur .
Je suis d'ailleurs entièrement de votre sentiment sur la sensibilité et l'irritabilité ; mais que doit-on en conclure? Vous n'osez le dire, ni moi non plus . Tout ce que je peux dire hardiment, c'est que je vous regarde non seulement comme un excellent physicien, mais comme un très grand philosophe . Je suis plein de vénération pour votre mérite, et je vous prie de me compter parmi ceux qui vous admirent le plus ?
C'est avec ces sentiments que j'ai l'honneur d'être , monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Edition Amédée Margry : « Un correspondant de Voltaire : le chirurgien Le Cat », dans Comptes rendus et mémoires : Comité archéologique de Senlis […], 1906 /
2 Traité de l'existence, de la nature et des propriétés du fluide des nerfs : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55265915.texteImage
3 Ayant lu les Philosophiae naturalis principia mathematica, de Newton (1687), Edmund Halley a composé, pour mettre en tête de l'ouvrage, des hexamètres dont le premier est en effet Nex fas est propius mortali attingere divos : « Et il n'est pas permis à un mortel d'approcher de plus près les dieux ». Voir : https://todayinsci.com/H/Halley_Edmond/HalleyEdmond-Quotations.htm
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29/06/2020
en tout pays les bons cœurs et les bons esprits sont enchaînés par ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre
...
« A Élie Bertrand, Premier pasteur de l’Église
française , membre de plusieurs académies
à Berne
Mon cœur est pénétré, mon cher philosophe , de vos démarches pleines d'amitié, et je ne les oublierai de ma vie . Les Calas ne sont pas les seuls immolés au fanatisme ; il y a une famille entière du Languedoc condamnée pour la même horreur dont les Calas avaient été accusés . Elle est fugitive dans ce pays-ci . Le Conseil de Berne lui fait même une petite pension . Il sera difficile d’obtenir pour ces nouveaux infortunés la justice que nous avons enfin arrachée pour les Calas après trois ans de soins et de peines assidues . Je ne sais pas quand l'esprit persécuteur sera renvoyé dans le fond des Enfers dont il est sorti, mais je sais que ce n'est qu'en méprisant la mère qu'on peut venir à bout du fils ; et cette mère, comme vous l'entendez bien est la superstition . Il se fera sans doute un jour une grande révolution dans les esprits . Un homme de mon âge ne la verra pas, mais il mourra dans l'espérance que les hommes seront plus éclairés et plus doux . Personne n'y pourrait mieux contribuer que vous ; mais en tout pays les bons cœurs et les bons esprits sont enchaînés par ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre .
Mes respects, je vous en supplie, à M. et Mme de Freüdenreich . Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .
V.
26è mars 1765. »
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28/06/2020
sept cent mille têtes absurdes l'emporteront sur cinquante têtes bien faites
... Tel sera le bilan de quelques élections municipales dans les grandes villes ce soir .
Comme d'hab', me direz-vous . Oui !
Chaque candidat fait de ses concurrents des épouvantails, c'est ainsi que je vois chaque élection
https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2016/05/03/la-col...
« A Théodore Tronchin,
à Genève
Mon cher Esculape, vous qui connaissez les âmes comme les corps vous n'avez que trop raison quand vous me mandez que sept cent mille têtes absurdes l'emporteront sur cinquante têtes bien faites . Je conclus qu’il faut augmenter tant qu'on peut le petit troupeau, afin qu'on soit moins en proie à la horde immense des sots . On gagne tous les jours quelques âmes ; il ne faut pas se rebuter .
Jean-Jacques met le comble à ses insolences et à sa folie, il espère toujours rentrer chez vous par la brèche, je ne crois pas qu'il y parvienne .
Voulez-vous bien avoir la bonté de dire à Mme de Gourgue 1 combien je m'intéresse à sa santé, et de lui présenter mon respect ? Je vous embrasse bien tendrement mon très cher Esculape .
25è mars 1765. »
1 Marie de Mons, épouse de Jean -Michel ( et non Michel-Joseph) de Gourgue, comte de Languais ; il n'en est pas fait mention dans le « Registre des consultations » de Tronchin .Voir page 52 : https://books.google.fr/books?id=mesIAQAAIAAJ&pg=PA53&lpg=PA53&dq=Marie+de+Mons,+%C3%A9pouse+de+Michel-Joseph+de+Gourgue,+comte+de+Languais&source=bl&ots=Zh9AIgSWyx&sig=ACfU3U3tcw3WbEVb40T9zvVqzZcoR4Jz_w&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjq4tKfhKTqAhUDBGMBHUXhA04Q6AEwAHoECAoQAQ#v=onepage&q=Marie%20de%20Mons%2C%20%C3%A9pouse%20de%20Michel-Joseph%20de%20Gourgue%2C%20comte%20de%20Languais&f=false
et : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=en&p=marie&n=de+mons&oc=7
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27/06/2020
On peut le brûler pour tout ce qu'il laisse entendre, mais à mon avis on ne peut le condamner pour ce qu'il dit
... Le Pr Raoult ?
On l'a écouté .
Et approuvé ?
A voir : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/cor...
Dr, on vous a à l'oeil !
« A Etienne-Noël Damilaville
25è mars 1765 1
Vous avez dû recevoir mon cher frère, un oracle d'Esculape, un mémoire de Sirven, et M. d'Argental doit vous donner sept ou huit exemplaires d'un livre intitulé Dictionnaire philosophique, que la calomnie m'a imputé bien indignement . Vous aurez dans quelque temps La Philosophie de l'histoire, et vous y verrez des choses qui sont aussi vraies que peu connues . Cet ouvrage est d'un abbé Bazin qui respecte la religion comme il le doit, mais qui ne respecte point du tout l'erreur , l'ignorance et le fanatisme . Quand vous lirez cet ouvrage, vous serez étonné de l'excès de bêtise de nos histoires anciennes, à commencer par celle de Rollin . On dit que le livre est dédié à l'impératrice de Russie par le neveu de l'auteur . J'aurais bien voulu connaître l'oncle . Il me paraît qu'il enfonce le poignard avec le plus profond respect . On peut le brûler pour tout ce qu'il laisse entendre, mais à mon avis on ne peut le condamner pour ce qu'il dit .
Je vous répète que Rousseau est regardé par tous les honnêtes gens de Genève comme un scélérat . Parlez-en à M. d'Argental, et vous verrez combien ce monstre était indigne du nom de philosophe qu'il avait osé usurper et désavouer tout à tour . Ce pauvre Diderot a bien été dupe de ce charlatan . Comptez que cela fera tort à l'Encyclopédie . Ut ut est, mettez votre emplâtre, songez à votre santé, et écr l'inf .
Permettez que je fourre ici une lettre pour M. d'Alembert, et une pour M. Marmontel . »
1 L'édition de Kehl, suite à la copie Beaumarchais, joint au premier paragraphe de cette lettre des extraits de celle du 27 mars sous la date du 27 mars 1765 .
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26/06/2020
Il y a en France une espèce d'inquisition sur les livres
... Censure et sanction, de nos jours, en France ? Allons donc ! dit-on de prime abord . Et puis à la réflexion, tout bien pesé : oui, Voltaire voit encore juste au XXIè siècle : http://www.plume-escampette.com/la-censure-litteraire-exi...
La censure ne connaissant pas de frontières, ce foutu Mahomet, celui par qui le scandale arrive dès qu'on l'évoque, est bel et bien protégé par des aigre-pisseux trouillards des USA : https://www.lefigaro.fr/vox/culture/south-park-peut-se-moquer-de-tout-le-monde-sauf-de-mahomet-20200625
« A Jean-François Marmontel, de
l'Académie française, chez Mme
Geoffrin, rue Saint-Honoré vis-à-vis
les Capucins
à Paris
25è mars 1765 1
Mon cher confrère, vos contes sont pleins d'esprit, de finesse et de grâces ; vous parez de fleurs la raison, on ne peut vous lire sans aimer l'auteur . Je vous remercie de toute mon âme des moments agréables que vous m'avez fait passer . Il n'y a pas un de vos 2 nouveaux contes dont vous ne puissiez faire une comédie charmante . Vous savez bien que Michel Cervantes disait que sans l’inquisition Don Quichotte aurait été encore plus plaisant . Il y a en France une espèce d'inquisition sur les livres qui vous empêchera d'être aussi utile que vous pourriez l'être à l'intérêt de la bonne cause : c'est assurément grand dommage, mais c'est du moins une grande consolation que les philosophes se tiennent unis, qu'ils conservent entre eux le feu sacré, et qu'ils en communiquent dans la société quelques étincelles . Vous voyez, par l'exemple des Calas et des Sirven, ce que peut le fanatisme ; il n'y a que la philosophie qui puisse triompher de ce monstre, c'est l'ibis qui vient casser les œufs du crocodile .
Plus Jean-Jacques Rousseau a déshonoré la philosophie, plus de bons esprits comme vous doivent la défendre .
Je vous prie de faire mes compliments à M. Duclos et à tous les êtres pensants qui peuvent avoir quelques bontés pour moi . Mandez-moi , je vous prie, ce que vous pensez du Siège de Calais, parlez-moi avec confiance, et soyez bien sûr que je ne trahirai pas votre secret . On m'en a mandé des choses si différentes que je veux régler mon jugement par le vôtre . Je ne puis me figurer qu'une pièce si généralement et si longtemps applaudie n'ait pas de très grandes beautés . On dit qu'on ne l'aura sur le papier qu'après Pâques , et les nouveautés parviennent toujours fort tard dans nos montagnes . Adieu mon cher confrère . Conservez-moi une amitié dont je sens bien tout le prix .
V. »
1 Sur l'original, l'adresse à partir de chez Mme Geoffrin , est d'une autre main .
2 V* a corrigé ici des en de vos .
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25/06/2020
Je ne me souviens plus quel était l'honnête homme qui priait Dieu tous les matins que ses ennemis fissent des sottises
... Avec ou sans Dieu, nombre de candidats sont exaucés à la veille des municipales du 28 juin, parfois au delà de leurs espérances .
« A Jean Le Rond d'Alembert
25 de mars [1765] 1
Mon cher philosophe utile et agréable au monde, sachez que votre ouvrage est comme vous, et qu'aucun enfant n'a jamais si bien ressemblé à son père . Sachez que, dès qu'il parut dans Genève entre les mains de quelques amis, tous dirent : Il écrit comme il parle, le voilà, je crois l'entendre . Quand on l'avait lu, on le relisait ; on en cite tous les jours des passages . J'écrivis à mon ami M. de Cideville que je le croyais déjà répandu à Paris ; je lui parlai du plaisir qu'il aurait à le lire, et je lui recommandai, dans deux lettres consécutives, de ne vous point nommer, précaution entre nous fort inutile : il est impossible qu'on ne vous devine pas à la seconde page . Vous aurez à la fois le plaisir de jouir du succès le plus complet, et de nier que vous avez rendu ce service au public devant les fripons et les sots qui ne méritent pas même la peine que vous prenez de vous moquer d'eux .
Je suis très fâché de n'avoir point encore appris que le roi ait dédommagé les Calas . On roue un homme plus vite qu'on ne lui donne une pension . Vous avez bien raison dans ce que vous dites du style des avocats ; ils n'ont jamais su combien la déclamation est l'opposé de l'éloquence, et combien les adjectifs affaiblissent les substantifs, quoiqu'ils s’accordent en genre , en nombre et en cas ; mais après tout, les raisons que frère Beaumont à détaillées sont fortes et concluantes, il y a de la chaleur et le public reste convaincu de l'innocence des Calas , quod erat demonstrandum 2. Tout ce que je demande au ciel, c'est que le parlement de Toulouse casse l'arrêt souverain des maîtres des requêtes . Je ne me souviens plus quel était l'honnête homme qui priait Dieu tous les matins que ses ennemis fissent des sottises . Le fanatisme commence à être en horreur, d'un bout de l'Europe à l'autre . Figurez-vous qu'un grand seigneur espagnol 3, que je ne connais point, s'avise de m'écrire une lettre tout à fait antifanatique, pour me demander des armes contre le monstre, en dépit de la Sainte-Hermandad.
Jean-Jacques est devenu entièrement fou ; il s'était imaginé qu’il bouleverserait sa chère patrie que je corrompais, dit-il, en donnant chez moi des spectacles ; il n'a pas mieux réussi en qualité de boutefeu, qu'en qualité de charlatan philosophe . Tout ce qu'il a gagné, c'est d'être en horreur à tous les honnêtes gens de son pays ; ce qui joint à des carnosités et des sophismes, ne fait pas une situation agréable .
Est-il vrai qu'Helvétius est à Berlin? Il me paraît que le réquisitoire composé par Abraham Chaumeix lui a donné une paralysie sur les trois doigts avec lesquels on tient la plume . Est-ce qu'il ne savait pas qu'on peut mettre l'inf … en pièces, sans graver son nom sur le poignard dont on la tue ? Mme Denis vous embrasse de tout son cœur, et moi aussi . »
1 L'édition de Kehl est incomplète de la fin de l'avant-dernier paragraphe (Tout ce qu'il a gagné …. agréable )
2 Ce qu'il fallait démontrer .
3 V* en donnera le nom en tête d'une lettre à Damilaville du 22 avril 1765 : « A Monsieur Joaquim D’Eguia Marquès de Marros, à Ascoitia par Bayonne en Espagne
C’est mon cher frère, l’adresse d’un adepte de beaucoup d’esprit qui s’est adressé à moi et qui brûlerait le grand inquisiteur s’il en était le maître . » Voir : https://es.wikipedia.org/wiki/Joaqu%C3%ADn_Mar%C3%ADa_de_Egu%C3%ADa_Aguirre
09:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
les ridicules et les crimes ne sont que dans les villes
... Ce que contredit l'ami Brassens : https://www.youtube.com/watch?v=6mtugogRIAo
« A Etienne-Noël Damilaville
23è mars 1765
Mon cher frère, voici les ordres que le Dieu d'Epidaure signifie à vos amygdales . Portez-vous bien, et jouissez de la force d'Hercule pour écraser l'hydre . Je suis affligé de n'avoir point encore appris que le roi ait honoré d’une pension l'innocence des Calas .
Vous devez avoir reçu le mémoire des Sirven . Rien n'est plus clair ; leur innocence est plus palpable que celle des Calas . Il y avait du moins contre les Calas des sujets de soupçon, puisque le cadavre du fils avait été trouvé dans la maison paternelle, et que le père et la mère avaient nié d'abord que ce malheureux se fût pendu ; mais ici, on ne trouve pas le plus léger indice . Que d'horreurs, juste ciel ! On enlève une fille à son père et à sa mère, on la fouette, on la met en sang pour la faire catholique, elle se jette dans un puits, et son père , sa mère et ses sœurs sont condamnés au dernier supplice ! On est honteux, et on gémit d’être homme quand on voit que d'un côté on joue l'opéra-comique, et que de l'autre le fanatisme arme les bourreaux . Je suis à l’extrémité de la France, mais je suis encore trop près de tant d'abominations .
Est-il vrai qu'Helvétius est parti pour la Prusse ?1 Du moins ne brûlera-t-on pas ses livres dans ce pays-là .
La Destruction est-elle enfin entre les mains du public ? À bon entendeur salut, doit être la devise de ce petit livre . Je doute que le Pyrrhonien raisonnable 2 fasse une grande fortune, quoique l'auteur ait beaucoup d'esprit .
Il y a une petite brochure contre Racine et Boileau , qui ne peut être faite que par un sot, ou du moins par un homme sans goût ; et cependant je voudrais bien l'avoir .
Je ne sais ce que c'est que L'Homme de la campagne 3. Il y a dans Genève des Lettres de la campagne , auxquelles Jean-Jacques a répondu par les Lettres de la montagne . C'est un procès qui n'est intéressant que pour les Genevois . Pour L'Homme de la campagne si c'est une satire contre ceux qui se sont retirés du monde la satire a tort ; les ridicules et les crimes ne sont que dans les villes .
Adieu, mon cher frère, écr l'inf. »
1 Il y est à l'invitation de Frédéric II .
2 Voir lettre du 8 mars 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/05/23/paris-est-ivre-on-craint-qu-ayant-cuve-son-vin-il-ne-lui-res-6240634.html
3 On n'en sait pas plus, sur ce qui est sans doute l'ouvrage d'un physiocrate .
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