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12/06/2020

Ils ne savent pas qu’il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement ; que la religion ne doit pas plus être une affaire d’État que la manière de faire la cuisine

... Nom de dieu, c'est foutrement vrai !

 

 

« A Élie Bertrand, Premier pasteur de

l’Église française, membre de plusieurs

académies etc.

à Berne

A Ferney 19è mars 1765

Mon cher philosophe, vous n’êtes point de ces philosophes insensibles qui cherchent froidement des vérités ; votre philosophie est tendre et compatissante. On a été très bien informé à Berne du jugement souverain en faveur des Calas ; mais j’ai reconnu à certains traits votre amitié pour moi. Vous avez trouvé le secret d’augmenter la joie pure que cet heureux événement m’a fait ressentir. Je ne sais point encore si le roi a accordé une pension à la veuve et aux enfants, et s’ils exigeront des dépens, dommages et intérêts de  ce scélérat de David qui se meurt. Le public sera bientôt instruit sur ces articles comme sur le reste. Voilà un événement qui semblerait devoir faire espérer une tolérance universelle ; cependant on ne l’obtiendra pas sitôt ; les hommes ne sont pas encore assez sages. Ils ne savent pas qu’il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement ; que la religion ne doit pas plus être une affaire d’État que la manière de faire la cuisine 1 ; qu’il doit être permis de prier Dieu à sa mode, comme de manger suivant son goût ; et que, pourvu qu’on soit soumis aux lois, l’estomac et la conscience doivent avoir une liberté entière. Cela viendra un jour, mais je mourrai avec la douleur de n’avoir pas vu cet heureux temps.

Je vous embrasse avec la plus vive tendresse.

Vre. »

1 Allusion au thème de la « cusine » développé dans le « Catéchisme du Japonais », article paru dasn l'édition Varberg, 1764, du Dictionnaire philosophique . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-c-comme-catechisme-du-japonais-112595632.html

11/06/2020

en faveur du prétendu médecin des âmes de qui l'âme n'est qu’une vieille malade

...

 

CONSULTATIONS | Le club des médecins blogueurs

Ce n'est plus de la fiction  pour bien des addicts du petit écran .

 

 

« A Charles Michel, marquis du Plessis-Villette

[vers le 18 mai 1765] 1

Les bontés de monsieur de Villette le séduisent trop en faveur du prétendu médecin des âmes de qui l'âme n'est qu’une vieille malade, mais qui trouve dans celle de monsieur de Villette une santé fleurie . Il prend la liberté de se mettre aux pieds de Mme la comtesse d'Azi et de la remercier de ses générosités pour les Calas . Le neveu pense aussi noblement que la tante , elle est suppliée d’agréer le profond respect de V. »

1 D'après une copie du XIXè siècle ; le copiste travaillant sur l'original note que celui-ci est de la main de Wagnière , sauf la dernière phrase à partir de elle est suppliée … qui est de celle de V*.

10/06/2020

Il y a longtemps que que n'ai goûté une joie si pure

... Je ne pourrai le dire que lorsque je vous reverrai chère Mam'zelle Wagnière .

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« A Théodore Tronchin

[vers le 18 mars 1765]

Mon cher Esculape, voici une lettre de mon philosophe Damilaville . Si vous avez la bonté et le temps de faire un petit mot de réponse, je vous supplierai de me l'adresser . Félicitons-nous tous deux de vivre dans un siècle où il se trouve cinquante maîtres des requêtes qui députent au roi pour le supplier d'abolir à jamais la fête dans laquelle la ville de Toulouse remercie Dieu d'avoir égorgé autrefois trois ou quatre mille de leurs frères . Il y a longtemps que que n'ai goûté une joie si pure . »

09/06/2020

Si quelque chose avait pu me rendre ma santé et me rajeunir, c'eût été la justice éclatante qu'on vient de rendre

...

 

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« A François Tronchin

Conseiller d’État

rue des Chaudronniers

à Genève

[vers le 18 mars 1765]1

Mme Denis, mon cher ami, est encore bien languissante, et moi je le suis davantage . Je pense, sous votre bon plaisir, que jeudi vous sera plus convenable . Si quelque chose avait pu me rendre ma santé et me rajeunir, c'eût été la justice éclatante qu'on vient de rendre à la respectable veuve Calas . J'ai reçu des lettres bien attendrissantes d'elle, de nos avocats, et de tous ceux qui se sont intéressés à une affaire si juste et si importante . La lettre écrite au roi et présentée par le doyen des maîtres des requêtes pour obtenir une pension en faveur des Calas et l'abolition de la détestable fête annuelle de Toulouse est un beau monument . Dieu soit loué ! Je vous embrasse bien tendrement . »

1 La requête en faveur des Calas permet de dater approximativement la lettre, ainsi que la rencontre proposée pour un jeudi, qui aura lieu le 21 . Voir à ce propos aussi les lettres du 21 mars 1765 à Mme Denis, et à François Tronchin .

08/06/2020

Il n'y a pas, Dieu merci, l'ombre du sens commun dans ce ridicule chiffon

... que sont les déclarations de ce politicard Christian Jacob :

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/violences-policieres/c-est-un-mensonge-le-president-des-republicains-christian-jacob-nie-l-existence-de-violences-policieres-en-france_3999519.html

 

Alors pour se changer les idées, pourquoi ne pas lire "Le Dérangeur" ?

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/06/06/le-derangeur-un-lexique-impertinent-qui-veut-decoloniser-la-langue-francaise_6041997_3212.html

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

18 mars 1765 1

Je crois que c'est un prêtre janséniste, mon cher frère, qui est l'auteur d’une des pièces d’éloquence que vous m'avez envoyées ; et je soupçonne non sans raisons le petit abbé d'Estrées, qui ferait bien mieux de servir à boire du vin de champagne comme son père, que de succéder au ministère d'Abraham Chaumeix . Il n'y a pas, Dieu merci, l'ombre du sens commun dans ce ridicule chiffon .

On commence aujourd'hui la destruction du petit théologien . Je voudrais bien savoir quel est ce maraud-là ? »

1La copie contemporaine de Darmstadt B. joint cette lettre à celle du 15 mars 1765 ; voir note : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1765-partie-9.html

07/06/2020

En conscience il est permis de braire ; Mais c’est pécher de mordre et de ruer

...

 

« A Jean-François Marmontel

A Ferney, 17 Mars [1765]

Mon cher ami, je reconnais votre cœur à la sensibilité que les Calas vous inspirent. Quand j’ai appris le succès, j’ai versé longtemps de ces larmes d’attendrissement et de joie que Mlle Clairon fait répandre. Je la trouve bien heureuse, cette divine Clairon. Non seulement elle est adorée du public, mais encore Fréron se déchaîne, à ce qu’on dit, contre elle 1. Elle obtient toutes les sortes de gloires. L’épigramme qu’on a daigné faire contre ce malheureux est aussi juste que bonne ; elle court le royaume 2. On disait ces jours passés, devant une demoiselle de Lyon, que l’ignorance n’est pas un péché ; elle répondit par ce petit huitain :

On nous écrit que maître Aliboron

Étant requis de faire pénitence :

Est-ce un péché, dit-il, que l’ignorance ? 

Un sien confrère aussitôt lui dit :  Non ;

On peut très bien, malgré l’An littéraire,

Sauver son âme en se faisant huer ;

En conscience il est permis de braire ;

Mais c’est pécher de mordre et de ruer. 

Je trouve maître Aliboron bien honoré qu’on daigne parler de lui ; il ne devait pas s’y attendre. On m’a mandé de Paris qu’il allait être secrétaire des commandements de la reine 3. J’avoue pourtant que je ne le crois pas, quoique la fortune soit assez faite pour les gens de son espèce.

Adieu, mon cher ami ; je vieillis terriblement, je m’affaiblis ; mais l’âge et les maladies n’ont aucun pouvoir sur les sentiments du cœur. Vivez aussi heureux que vous méritez de l’être. Je vous embrasse tendrement. »

3 Fausse nouvelle .

malheureusement parmi nous, l'éloquence, la connaissance des lois, la protection donnée à l'innocence ne fait pas des sénateurs

... C'est vrai .

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

Vous commencez, monsieur, votre carrière comme Cicéron ; mais malheureusement parmi nous, l'éloquence, la connaissance des lois, la protection donnée à l'innocence ne fait pas des sénateurs et des consuls . Vous n'aurez peut-être que de la gloire, mais vous l'aurez bien pure et bien éclatante .

J'aurai donc l'honneur, puisque vous le permettez, de vous envoyer dans quelques jours le mémoire de Sirven . Vous verrez qu'il est possible qu'on puisse rendre justice à cette famille infortunée, sans qu’elle purge sa contumace, et si on peut lui donner d'autres juges que ses bourreaux .

Je n'ai jamais eu le bonheur de vous voir mais je vous aime comme si je vous avais vu bien souvent ; je vous révère comme vous le méritez, mes sentiments sont au-dessus du très humble et très obéissant serviteur

V. 

17è mars 1765 à Ferney.»