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31/07/2020

les liaisons avec les jeunes gens du bel air sont souvent dangereuses, quel vide on trouve dans leur société

... La période des vacances et les fréquentations fugaces sont bien faites pour confirmer ce constat voltairien . Sea, sex and sun ! Noyades, MST et coups de soleil  !

Sea, Sex And Sun - KaLe

 

 

 

 

« A Jean-François-Joseph de Toulongeon, comte de Champlitte 1

A Ferney, 16 avril 1765

M. le marquis de Villette, monsieur, m’ayant appris qu’il était votre parent, et que vous étiez instruit de toutes ses affaires, j’ai cru que vous me pardonneriez la liberté que je prends de vous écrire sur sa situation présente. Il m’a inspiré un véritable intérêt à tout ce qui le regarde. Il est aimable, plein d’esprit ; je lui crois le cœur excellent, et j’ai vu avec une satisfaction bien sensible qu’il respecte et qu’il aime monsieur son père autant qu’il le doit. Il est fait pour être sa consolation. Plus il sent les fautes dans lesquelles il peut être tombé, plus il sent aussi la nécessité et le plaisir honnête de les réparer. La bonté de son caractère m’a enhardi quelquefois à observer avec lui combien les liaisons avec les jeunes gens du bel air sont souvent dangereuses, quel vide on trouve dans leur société, et que nos parents sont nos véritables amis. C’est surtout la manière dont il m’a parlé de vous, monsieur, qui m’a déterminé à vous ouvrir mon cœur. Il m’a fait l’honneur de regarder mon petit ermitage comme sa maison, et quand nous le perdrons, il nous laissera bien des regrets. Je prévois qu’avant de retourner à Paris il passera quelque temps auprès de vous ; il en sera plus cher à monsieur son père, et méritera davantage son amitié. Ce sera vous, monsieur, à qui il devra cette réconciliation entière. Je voudrais pouvoir l’accompagner quand il ira vous voir ; mon âge et les maladies dont je suis accablé me priveront probablement de cet avantage ; mais ils ne me laissent pas moins sensible à votre mérite et aux bontés que vous m’avez toujours témoignées. C’est surtout de ces bontés que j’attends quelque indulgence de vous pour cette lettre. Il ne m’appartient pas sans doute d’animer votre sensibilité pour M. de Villette ; permettez-moi seulement de joindre la mienne à la vôtre, et de vous renouveler tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire. »

 

1 Ce destinataire a été identifié par sa parenté avec le marquis de Villette ( il est le mari d'Anne-Prospère, tante de de Villette ) , et par le fait que Champlitte est en Haute-Soône sur la route de Paris .

Voir : https://gw.geneanet.org/garric?lang=fr&n=de+toulongeon&oc=0&p=jean+francois+joseph

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Champlitte

30/07/2020

Si nous sommes encore sots et barbares, c’est aux instructeurs qu’il faut s’en prendre

... "L'année scolaire 2020-2021 sera caractérisée par le développement du sport et de la culture dans la vie de chaque élève. L'éducation physique et sportive ainsi que l'ensemble des disciplines artistiques seront au cœur de cette priorité."

Je n'invente rien, c'est officiel : https://www.education.gouv.fr/la-circulaire-de-rentree-20...

Avec ça, nos enfants sont bien lotis ! Costauds, agiles et bien dans leurs baskets, aussi cultivés que les champions de TLMVPSP et les 12 Coups de midi, nous aurions des adultes idéaux, et ainsi nous n'aurions plus jamais besoin d'avoir des Gisèle Halimi ni des Jacqueline Sauvage ?

Il serait bon qu'on n'oublie pas de rendre hommage à ces femmes, et qu'on enseigne pour quoi et contre quoi elles se sont battues , modèles de courage pour rendre notre monde meilleur . Mesdames, Voltaire est de votre côté .

Comment attraper son cheval au pré - Blog équestre

Nos enfants en juillet 2021

 

 

« A Théophile Imarigeon Duvernet 1

Ferney, le 16 avril 1765

Je fais mon compliment, monsieur l’abbé, aux habitants de la ville de Vienne de vous avoir confié leur collège. Les jeunes gens de cette ville auront fait un grand pas vers la sagesse lorsqu’ils commenceront à rougir de l’atrocité de leurs ancêtres à l’égard du malheureux Servet. Il est très-important de leur apprendre de bonne heure que ce médecin espagnol, moitié théologien et moitié philosophe, avant d’être cuit à petit feu dans Genève, avait déjà été condamné à être brûlé vif à Vienne, au milieu du marché aux cochons. Il faut encore que ces jeunes gens sachent que Servet était l’ami et le médecin de l’archevêque et du premier magistrat de cette ville : ils devaient l’un et l’autre leur santé aux soins de Servet ; le fanatisme éteignit en eux tout sentiment d’amitié et de reconnaissance. Le prélat permit à son official, escorté d’un inquisiteur de la foi, de déclarer hérétique son médecin ; et le magistrat, escorté de quatre à cinq assesseurs aussi ignorants que lui, crut que, pour plaire à Dieu et pour édifier les bonnes femmes du Dauphiné, il devait en conscience faire brûler son ami Servet, déclaré hérétique par un inquisiteur de la foi.

Vous trouverez certainement dans la bibliothèque de votre collège une grande partie des matériaux qui vous seront devenus nécessaires pour l’histoire des révérends pères jésuites. Vous êtes très en état, monsieur, de bien faire cette histoire, et vous êtes sûr d’être lu, lors même qu’il n’y aurait plus au monde ni jésuites ni ennemis des jésuites. Vous rendrez un grand service aux hommes en leur faisant connaître des religieux qui les ont trompés, et qui les ont fait battre en les trompant.

Un grand philosophe géomètre, qui daigne me mettre au nombre de ses amis, vient de publier un discours très-éloquent sur la destruction de ces religieux 2. Ce discours, plein de chaleur, de sel et de vérités, est une excellente préface à l’histoire que vous préparez. Vous devez sentir, monsieur, plus que personne, que la destruction de cette Société, dite de Jésus, est un grand bien qui s’opère en Europe. C’est une légion d’ennemis de moins que les gouvernements et la philosophie auront désormais à craindre et à combattre. Il est à désirer que les hommes de lettres qui les remplacent dans l’enseignement de la jeunesse aient autant de courage et de lumières que vous en avez pour faire le bien. On verra bientôt en France, en Espagne, en Portugal, une génération d’hommes très-instruits qui sentiront vivement combien il est affreux de se tourmenter pour des subtilités métaphysiques, et de faire un enfer anticipé de ce monde, qui ne devrait être, pendant le peu d’instants que nous nous y arrêtons, que le séjour des plaisirs et de la vertu. Si nous sommes encore sots et barbares, c’est aux instructeurs qu’il faut s’en prendre. Les études dans les collèges n’ont été jusqu’ici réglées que d’après les principes d’une théologie dogmatique ; et c’est de cette source empoisonnée que sont sorties tant de sectes qui, en l’honneur de Jésus-Christ, se sont chargées d’anathèmes, et qui, après s’être querellées grossièrement, ont employé des milliers de bourreaux pour s’exterminer, et ont fait, en s’exterminant, un vaste cimetière de l’Europe, tantôt pour les couleurs eucharistiques, et tantôt pour la grâce versatile.

Ce que vous me dites, monsieur, du nombre de ceux qui ne croient pas en Dieu est une vérité incontestable. Le temps où il y eut en Europe plus d’athées et plus de crimes de toutes les espèces est celui où l’on eut plus de théologiens et de persécuteurs, M. Charles Gouju 3 est entièrement de votre sentiment, et il s’en rapporte à votre prudence au sujet de la petite homélie qu’il adresse à ses frères sur la banqueroute des révérends pères jésuites, et sur l’athéisme des théologiens.

Je suis, etc. »

1 La lettre à laquelle répond V* n'est pas connue ; Théophile-Imarigeon Duvernet, né à Ambert en Auvergne, en 1734, mort en ou avant 1797, est auteur d’une Vie de Voltaire publiée pour la première fois en 1786, et dont la dernière édition est de 1797. Il avait été l’éditeur et le mutilateur des Lettres de M. de Voltaire à M. l’abbé Moussinot, son trésorier, 1781, in-8°. . Voir : https://books.google.fr/books?id=hUIgvFD5M7sC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9007035p/f2.image

2 Sur la destruction des jésuites, de d'Alembert .

3 A propos de la Lettre de Charles Gouju à ses frères par les révérends pères, 1761, voir la lettre à Thieriot du 14 septembre 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/08/22/si-a-son-age-elle-joue-des-roles-de-petite-fille-on-peut-fai-5838720.html

et : https://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Charles_Gouju/%C3%89dition_Garnier

29/07/2020

il ne tiendrait qu'à vous de dire bientôt : que de fous j'ai guéris !

... Ô Donald Trump, que de merveilles dont vous ornez et honorez le monde ! https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-setre-assagi-tr...

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Trump a fait des émules

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

16 avril [1765] 1

Mon cher appui de la raison, c'est bien la faute à frère Gabriel, s'il a lâché trois ou quatre exemplaires à des indiscrets ; mais , ou je me trompe fort, ou jamais Merlin n'aurait osé rien débiter sans une permission tacite ; et , malheureusement, pour avoir cette permission de débiter la raison, il faut s'adresser à des gens qui n'en ont point du tout . Si on en fait une édition furtive, alors Gabriel débitera la sienne . Fournissez-nous souvent de ces petits stylets mortels à poignée d'or enrichie de pierreries, l'inf sera percée par les plus belles armes du monde, et ne craignez point que Gabriel y perde .

Vous avez bien raison de citer les vers des Plaideurs : Que de fous !2 etc. ; mais il ne tiendrait qu'à vous de dire bientôt : que de fous j'ai guéris ! Tous les honnêtes gens commencent à entendre raison ; il est vrai qu'aucun d'eux ne veut être martyr, mais il y aura secrètement un très grand nombre de confesseurs, et c'est tout ce qu'il nous faut .

Jean-Jacques , dont vous me parlez, fait un peu de tort à la bonne cause ; jamais les Pères de l’Église ne se sont contredits autant que lui . Son esprit est faux, et son cœur est celui d'un malhonnête homme ; cependant il a encore des appuis . Je lui pardonnerais tous ses torts envers moi , s'il se mettait à pulvériser, par un bon ouvrage, les prêtres de Baal qui le persécutent . J'avoue que sa main n'est pas digne de soutenir notre arche ; mais

Qu’importe de quel bras Dieu daigne se servir !3

Frère Helvétius réussira sans doute auprès de Frédéric ; s'il pouvait partir de là quelques traits qui secondassent les vôtres, ce serait une bonne affaire .

Adieu, mon cher maître et mon cher frère ; je m'affaiblis beaucoup, et je compte aller bientôt dans le sein d'Abraham qui n'était, comme dit l'Alcoran, ni juif ni chrétien. »

2 « Que de fous ! Je ne fus jamais à telle fête », vers des Plaideurs de Racine cité par d'Alembert à la fin de sa lettre .

mais je pense qu'il est bien difficile d'exiger de lui une promesse en forme

... Lui, qui  ?

Tout politique au pouvoir actuellement et qui doit répondre aux attentes de soixante millions d'individus sans compter les chats et les petits cochons .

 

 

« A Jacob Tronchin

[avril 1765] 1

La Fontaine a fait assurément bien de l'honneur à ces cent nouvelles du coin de la rue 2. C'est là tirer de l'or du fumier . Je vous remercie monsieur de m'avoir fait connaître la source où il a puisé quelquefois .

Je ne manquerai pas assurément à la première occasion que j'aurai de faire souvenir M. le duc de Choiseul de ses bontés, et des espérances qu'il nous a données , mais je pense qu'il est bien difficile d'exiger de lui une promesse en forme . Il est d'ailleurs si affligé à présent de l'inexécution de tous ses ordres à la Cayenne que ces moments-ci ne sont pas mollia fandi tempora 3. Mille tendres respects .

V. »

1L'édition Tronchin est limitée à un court extrait non daté ; Droz date de février 1758et donne François Tronchin comme destinataire ; Delattre suggère Jacob Tronchin et place la lettre en avril-mai 1765 .

Elle se situe à la suite d'un lettre de Choiseul du 3 avril 1765 : « Il est vrai que j'ai eu du chagrin pour ma colonie de Cayenne ; des sots, des fripons, et pis que cela des ignorants qui croyaient en savoir beaucoup, m'ont entraîné dans de fausse démarches ; je suis corrigé, ce n'est pas une matière aisée à traiter que celle de colonies ; j'apprends tous les jours que je suis plus ignorant que je ne croyais la veille ; à force d'application, j'arriverai au bien , à ce que j'espère […] L'histoire du canton de Schvitz fait plus d'honneur à ce canton qu'il ne mérite ; nous n'avions d'eux que soixante-seize hommes à notre service ; ils reviennent tous successivement, le canton reviendra aussi, et , s'il ne revient pas , nous aurons ses hommes et il n'aura pas nos pensions . M. de Villette a de l'esprit, mais cet esprit est renfermé dans une mauvaise tête ; si cependant il avait un bon cœur, il n'y aurait rien de perdu […] je donnerai volontiers mon consentement à tout ce que son père demandera pour lui . Vivez heureux, tranquille, ma chère marmotte, ne vous embarrassez ni des jésuites, ni des parlements[…] . »

Voir : http://w3public.ville-ge.ch/bge/odyssee.nsf/Attachments/arch_tronchin_141-397frameset.htm/$file/arch_tronchin_141-397.pdf

2 Les Cent nouvelles nouvelles , dont La Fontaine s'est inspiré dans quelques contes ? Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cent_nouvelles_nouvelles

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86000684/f5.image

3 Les occasions favorables pour parler ; d'après L'Enéide, IV, 293-294 , de Virgile ; voir : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/V04-173-295.html

28/07/2020

Vous avez de bons conseils, consultez-les et faites ce qu'ils vous diront 

... De Sarlozy à Macron ?

L'ex-président, hôte-homme-à-tics, se fait de la pub pour son "Le temps des tempêtes", livre de plage pour le temps des trempettes . Ah pognon , quand tu nous tient !

 

 

« A Charles Manoël de Végobre

à Genève

M. Debrus sait sans doute que M. le duc de Praslin a parlé fortement au Conseil pour faire avoir une gratification à Mme Calas, sans préjudice de la prise à partie contre laquelle monsieur le vice-chancelier s’était déclaré d'abord 1. Si M. Debrus n'en est pas encore instruit, monsieur de Végobre est supplié de le lui apprendre .

Je crois qu'on peut tirer un très grand parti du manuscrit que monsieur de Végobre m'a confié ; mais je pense qu'il y faut mettre beaucoup plus de modération, et que l'ouvrage doit paraître venir d'un auteur impartial . Il ne servirait, dans l'état où il est, qu'à mettre les Toulousains en fureur, et il ferait beaucoup plus de tort que de bien aux protestants . J'en raisonnerai avec monsieur de Végobre quand je serai assez heureux pour avoir l'honneur de le voir .

A Ferney 13è avril 1765 . »

1 Élie de Beaumont écrit le 11 avril à V* : « Quelqu'un vous mandera peut-être aujourd'hui que le roi vient de faire un traitement à la famille Calas . Mme Calas vint me voir hier matin et me fit part qu'elle était mandée chez M. le vice-chancelier pour 11 heures pour recevoir la volonté du roi . Vers midi son fils Pierre vint chez moi me dire que le roi leur donnait 36 000 livres savoir 30 000 livres de gratification et 6000 pour les frais de leurs voyages . Après les premiers remerciements ils lui demandèrent si Sa Majesté leur défendait par là prise à partie . M. le vice-chancelier leur répondit : « Vous avez de bons conseils, consultez-les et faites ce qu'ils vous diront . » Cette réponse a cela de bon qu'elle n'annonce nullement que la prise à partie déplaise au roi comme les Toulousains d'ici l'avaient répandu d'abord . On doute néanmoins qu’elle puisse avoir lieu si les esprits des magistrats du Conseil ne sont pas un peu animés, tantae molis est [trad. : tout est une entreprise difficile] de punir parmi nous des prévaricateurs dont les charges excèdent 40 000 livres . Le dernier résultat de l'assemblée tenue chez M. d'Argental le mercredi 3 avril a été que pour être conséquent et raisonnable il fallait aussi prendre à partie les treize juges de la Tournelle plus coupables encore que les capitouls puisqu'ils étaient préposés par la loi pour les rectifier . Pour cela il faut la permission du Conseil et l'on craint fort que ces petits rois plébéiens ne paraissent assez puissants pour que par une faiblesse honorée du nom de politique on refuse de la permettre . On dit même qu'ils font à Toulouse la bonne contenance de vouloir faire imprimer la procédure, et qu’ils ont rendu arrêt portant défense d'afficher notre jugement d'absolution . Mais ce dernier fait n'est pas confirmé . On pense qu'il n'y a que des défenses verbales qui après tout produiront le même effet . »

 

 

27/07/2020

Il me paraît que la douane des pensées est beaucoup plus sévère que celle des fermiers-généraux, et qu’il est plus aisé de faire passer des étoffes en contrebande que de l’esprit et de la raison

... Marre des intégristes de toutes sortes, politiques, alimentaires, religieux, musicaux, littéraires, ... Marre des intolérants soi-disant bien pensants !

Astérix — Wikipédia

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13è avril 1765 1

Votre lettre du 6è avril mon cher frère, ne m'est parvenue que le 12 parce que j'ai manqué d'envoyer à Genève . Elle ne m'apprend point que vous avez reçu la sentence et l'arrêt contre Sirven , que probablement vous avez eu depuis . Si malheureusement ce paquet avait été arrêté à la poste comme un peu gros, je pense que M. Jeannel vous le ferait rende aisément, en lui faisant voir ce qu'il contient . Vous saurez que le bruit avait couru à Toulouse que l'arrêt des maîtres des requêtes ne regardait que la forme , et que moi votre frère je serait admonesté pour m'être mêlé de cette affaire . Il se trouve au contraire que c'est moi qui ai l'honneur d'admonester tout doucement Messieurs ; mais les meilleurs admonesteurs ont été M. d'Argental et et vous .

Si nous pouvons parvenir à faire une seconde correction à ceux qui ont pendu l'ami Sirven et sa femme, nous deviendrions très redoutables .

Ne trouvez-vous pas singulier que ce soit du fond des Alpes et du quai Saint-Bernard que partent les flèches qui percent les tuteurs des rois toulousains ?2

Je compte enfin à présent sur les bienfaits dont le roi honorera la pauvre veuve Calas ; et alors elle pourra en toute sûreté prendre à partie les juges qui auraient dû prévenir ce dernier affront, en indemnisant la famille qu'il ont persécutée . J'exhorte maintenant cette famille à la prise à partie ; ce sera une grande époque, et une grande leçon .

Je pense entièrement comme vous sur la pièce dont vous me parlez ; je trouve cet ouvrage aussi mal fait que mal écrit ; mais je ne le dis qu'à vous .

Il est bien triste assurément que Gabriel ait laissé échapper quelques exemplaires de la Destruction, mais je ne crois pas que ce soit cette imprudence qui ait produit les difficultés qu’Archimède éprouve. Il me semble que l’enchanteur Merlin n’aurait jamais pu s’empêcher de présenter ce livre à l’examen et n’aurait point hasardé d’être déchu de sa maîtrise. Il me paraît que la douane des pensées est beaucoup plus sévère que celle des fermiers-généraux, et qu’il est plus aisé de faire passer des étoffes en contrebande que de l’esprit et de la raison. La maxime du père Canaye 3 subsiste toujours , point de raison chez les Welches. Ils sont de toute façon plus welches que jamais.

Il n’y a qu’un très petit nombre de Français ; pusillus grex 4, comme dit l’autre  . Cependant ce petit troupeau augmente tous les jours. J’ai vu depuis peu des officiers et des magistrats qui ne sont point du tout welches, et j’ai béni Dieu. Entretenons le feu sacré. Je vous salue, je vous embrasse en esprit et en vérité . Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl , suivant la copie Beaumarchais et suivie des autres éditions, joint des extraits de cette lettre à un texte incomplet de celle du 16 avril 1765 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1765-partie-14.html

2 Allusion aux capitouls de Toulouse qui avaient contribué à la condamnation de Calas . V* les désigne par cette périphrase parce que les capitouls, représentants de la ville, avaient interposé leur autorité entre le comte de Toulouse, suzerain de la ville, et les bourgeois toulousains .

3 Dans la Conversation du maréchal d'Hocquincourt avec le père Canaye, de Saint-Evremond, 1706, le père Canaye félicite la maréchal de croire « sans savoir pourquoi » : « Point de raison ! Que Dieu vous a fait , monseigneur , une belle grâce ! » . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Conversation_du_mar%C3%A9chal_d%E2%80%99Hocquincourt_avec_le_p%C3%A8re_Canaye

4 Le petit troupeau ; évangile selon Luc, XII, 32 : https://www.prionseneglise.fr/textes-du-jour/evangile/2016-08-07

26/07/2020

Je suis un bien mauvais correspondant, madame, mais je n'en suis pas moins sensible aux bontés dont vous m'honorez

... Mea culpa Mam'zelle Wagnière ...

 

 

« A Anne-Marie Cholier, baronne de Verna

12 avril 1765, à Ferney 1

Je suis un bien mauvais correspondant, madame, mais je n'en suis pas moins sensible aux bontés dont vous m'honorez . Il est digne d'une âme comme la vôtre d'être touchée du sort des Calas . On a déclaré leur innocence ; mais en cela, on n'a rien appris à l'Europe . Il est question de les dédommager . Ce procès a coûté des sommes immenses . On se flatte que le roi daignera consoler cette malheureuse famille par quelques libéralités . Si on est réduit . J'ai eu l'honneur de voir quelquefois chez moi M. de Servan, l'un de vos avocats généraux 2. C'est un jeune homme plein de mérite, qui sera cher à tous ceux qui auront le bonheur de le connaître . J'ai l'honneur d'être avec bien du respect etc . Permettez-moi d'en dire autant à M. votre fils que je n'oublierai jamais . »

1 D'après l'édition « Trois lettres de Voltaire à Mme la baronne de Verna, à Grenoble », 1786, qui comporte deux lacunes, marquées par trois lignes de points pour la première après Si on est réduit, et par une ligne et demie de points après l'un de vos avocats généraux .