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24/04/2021

tout est tracasserie, et personne ne s’entend

... Elysée versus Matignon versus Parlement versus Sénat versus le bon sens !

 

 

« À Etienne-Noël Damilaville.

Ferney, 3 janvier 1766. 1

M. le duc de Choiseul m’a écrit 2, mon cher frère, qu’il avait parlé pour la pension de M. d’Alembert, qu’il n’y avait nul mérite, et qu’il n’avait été qu’un enfonceur de portes ouvertes.

Voilà ses propres paroles ; je vous prie instamment de les rapporter à notre cher philosophe. Avouons donc que M. le duc de Choiseul a une belle âme. Ce qu’il a fait pour les Calas le prouve assez . Rendons-lui justice. Il y a eu du malentendu dans la protection qu’il a donnée à l’infâme, pièce de Palissot3. Il lui avait fait entendre que les philosophes décrieraient le ministère. Nous ne devons point avoir de meilleur protecteur que ce ministre généreux, qui a de l’esprit comme s’il n’était point grand seigneur ; qui a fait de très-beaux vers4, même étant ministre ; qui a sauvé bien des chagrins à de pauvres philosophes ; qui l’est lui-même autant que nous ; qui le paraîtrait davantage si sa place le lui permettait.

Mon cher frère, tout est tracasserie, et personne ne s’entend. On m’a rendu un compte très fidèle de la prétendue5 lettre à Mme du Deffant, dont quelques fragments ont couru sous mon nom. Elle n’en à point donné de copies, quelques indiscrets en ont retenu des bribes. Il s’agissait d’une mauvaise plaisanterie que je reprochais à Mme du Deffant . Vous savez en pareil cas combien on altère le texte.

Lisez ces vers6 avec vos amis, mais n’en laissez point prendre de copie. Je ne veux pas me brouiller avec les moines de Sainte-Geneviève ; Soufflot7 trouverait mes vers mauvais.

Je vous embrasse tendrement. »



1 L'édition Correspondance littéraire, pas plus que le manuscrit ne désigne le destinataire .

2 Lettre du 26 décembre 1765 . A propos de Choiseul : https://www.persee.fr/doc/rhmc_0996-2743_1904_num_6_6_4349

3 Les Philosophes .

4 Le duc de Choiseul s’était donné pour l’auteur de l’ode contre le roi de Prusse. Voyez lettre du 13 juin 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/10/la-morale-est-un-peu-moins-ennuyeuse-en-vers-bien-frappes-qu-5637586.html

5La Correspondance littéraire porte : « On m'a rendu un compte très fidèle de la présente lettre [...] », ce qui n'a guère de sens .

Selon Beuchot : « C’est dans la Correspondance de Grimm (mars 1766) qu’a été publiée la lettre à Damilaville, du 3 janvier, et on y lit « présente lettre à Mme du Deffant ». Il est évident que le mot présente est une faute. Un éditeur récent a mis prétendue, correction qui ne rend pas la phrase plus claire. Je n’ose affirmer que la lettre à Mme du Deffant, dont il est question ici, soit celle du 27 janvier 1764 (voir lettre du 27 janvier 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/02/04/on-n-est-occupe-que-des-enormes-sottises-qu-on-fait-de-tous-cotes-le-raison.html ), que des indiscrets avaient fait imprimer. »

6 L’Épître à Henri IV .

7 Jacques-Germain Soufflot, architecte, né à Irancy, près d’Auxerre, en 1714, mort en 1781, constructeur de la salle de spectacle et de quelques autres monuments à Lyon, était chargé de la construction de la nouvelle église Sainte-Geneviève, aujourd’hui le Panthéon, à Paris.

. Dans le poème de V* on lit : La fille qui naquit aux chaumes de Nanterre, /Pieusement célèbre en des temps ténébreux ;/N’entend point nos regrets, n’exauce point nos vœux,/De l’empire français n’est point la protectrice.

Ste Geneviève a été invoquée par une procession et des prières publiques lors des désastres de 1709 ( voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_famine_de_1709 ) Robert Challes écrit dès l'année suivante dans les Difficultés sur la religion proposées au père Malebranche ( https://mazarinum.bibliotheque-mazarine.fr/records/item/2221-redirection ) : « On a bien mis de nos jours un tableau de Sainte Geneviève au nom de toute la ville de Paris et du royaume pour la remercier du secours reçu par l'intercession de cette bonne patronne l'année 1709 . hé ! Vérité éternelle ! Où fut-il donc, ce secours ? Les blés pourris en terre reverdirent-ils ? Tous les peuples n'en furent-ils pas aux abois ? Un tiers n’en moururent-ils pas de faim? Hé bien, dans deux cents ans, sur la foi de ce tableau, on fera le récit d'un miracle que l'on n'osera nier avec une si bonne attestation . »

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