26/12/2021
On est fort las, je crois, des anciens Romains . On ne se pique plus de déclamer les vers comme on faisait du temps de Baron
... Et fort heureusement .
Il est d'autres talents, comme celui de Haroun, que je viens de découvrir avec un énorme plaisir (seulement maintenant, la honte soit sur moi, asinus ) : https://www.youtube.com/watch?v=OMkHT3fRQJY
Qui est-il ? https://www.youtube.com/watch?v=WwSAlW-rHTc
Voir, lire, écouter aussi ceci par ex. : https://fr.aleteia.org/2019/12/26/lechange-savoureux-entre-lhumoriste-haroun-et-un-pretre-catholique/
« A Jacques Lacombe, Libraire
Quai de Conti
à Paris
19è septembre 1766
Je persiste dans mon opinion, monsieur ; je crois que vous faites très bien de n’imprimer que peu d’exemplaires de la tragédie 1 de mon ami . Elle n’est point théâtrale ; elle ne va point au cœur ; il en convient lui-même. Il n’y a qu’un très petit nombre de gens qui aiment l’Antiquité. Encore une fois, il n’est pas juste que vous fassiez un présent pour un ouvrage qui peut ne vous produire aucune utilité. On trouvera d’autres façons de faire une galanterie à la personne 2 à qui on destinait ce présent. Il est vrai que si l’édition peu nombreuse que vous faites réussissait contre mon attente, mon ami vous fournirait un morceau assez curieux concernant la littérature et le théâtre, que vous pourriez joindre au reste de l’ouvrage ; alors, si vous étiez content du succès de la seconde édition, vous pourriez donner au comédien qu’on vous indiquerait la petite rétribution dont vous parlez. Au reste, je ne crois pas que le ton sur lequel la comédie est aujourd’hui montée permette qu’on joue des pièces de ce caractère. On est fort las, je crois, des anciens Romains . On ne se pique plus de déclamer les vers comme on faisait du temps de Baron ; on veut du jeu de théâtre ; on met la pantomime à la place de l’éloquence . Ce qui peut réussir dans le cabinet devient froid sur la scène. Voilà bien des raisons pour vous engager à ne tirer d’abord qu’un très petit nombre d’exemplaires. Au reste, l’auteur de cet ouvrage ne veut point se faire connaître ; c’est un homme retiré qui craint le public, et qui n’aspire point à la réputation. Pour moi, je n’aspire qu’à votre amitié. J’ajoute qu’il y a quelques vers dans la pièce qui sont assez de mon goût, et dans ma manière d’écrire. Plusieurs jeunes gens m’ont fait cet honneur quelquefois ; ils ont imité mon style en l’embellissant. Je sens bien qu’on pourra me soupçonner , mais on aura grand tort assurément, et je ne doute pas que votre amitié ne me rende le service de dissiper ces soupçons.
Adieu, monsieur ; je suis infiniment touché de tous les sentiments que vous me témoignez. »
1 Le Triumvirat ; voir lettre du 1er septembre 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/26/cette-piece-n-est-en-aucune-maniere-dans-le-gout-de-la-natio-6351575.html
2 Lekain .
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Consolons-nous, mon cher frère, dans l’amour de la raison et de la vertu . Comptez que l’une et l’autre font de grands progrès. Saluez, de ma part, nos frères Barnabé, Thaddée, et Timothée
... Honneur à vous Desmond Tutu .
https://fr.wikipedia.org/wiki/Desmond_Tutu
A l'écoute des opprimés
« A Etienne-Noël Damilaville
19 septembre 1766
Tout ce qui est à Ferney, mon cher frère, doit vous être très-obligé de la lettre pathétique et convaincante que vous nous avez envoyée 1 Nous pensons tous qu’il n’y a d’autre parti à prendre, après une pareille lettre, que de demander pardon à celui qui l’a écrite. Mais j’avais proposé aux juges de Calas de s’immortaliser en demandant pardon aux Calas, la bourse à la main , ils ne l’ont pas fait.
Je vous ai déjà parlé de la bonté de M. le duc de Choiseul, et de la noblesse de son âme : je vous ai dit avec quel zèle il daigne demander M. Chardon pour rapporteur des Sirven ; il sera notre juge comme il l’a été des Calas . Soyez très sûr qu’il met sa gloire à être juste et bienfaisant.
Votre attestation, mon cher frère, celle de M. Marin, celle de M. Deodati, me sont d’une nécessité absolue. M. le prince de Soubise a un bibliothécaire qui ramasse toutes les pièces curieuses imprimées en Hollande . Ce malheureux recueil de mes prétendues lettres sera sans doute dans sa bibliothèque, s’il n’y est déjà. M. le prince de Soubise le verra, et l’a peut-être vu : un homme de cet état n’a pas le temps d’examiner, de confronter ; il verra les justes éloges que je lui ai donnés tournés en infâmes satires ; il se sentira 2 outragé, et le contre-coup en retombera infailliblement sur moi. Ce n’est point Blin de Sainmore qui est l’éditeur de ce libelle ; c’est certainement celui qui a fait imprimer mes lettres secrètes . Les trois lettres sur le gouvernement en général, imprimées au devant du recueil, sont d’un style dur, cynique, et plus insolent que vigoureux, affecté depuis peu par de petits imitateurs. Ce n’est point là le style de Blin de Sainmore. On a accusé Robinet 3 ; je ne l’accuse ni ne l’accuserai : je me contenterai de réprimer la calomnie dans les journaux étrangers. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que le livre est répandu partout, hors à Paris. Il est heureux du moins de pouvoir détruire si aisément la calomnie.
Les protestants se plaignent beaucoup de notre ami M. de Beaumont 4, qui réclame en sa faveur les lois rigoureuses sur les protestants, contre lesquelles il semble s’être élevé dans l’affaire des Calas. J’aurais voulu qu’il eût insisté davantage sur la lésion dont il se plaint justement, et qu’il eût fait sentir adroitement combien il en coûtait à son cœur d’invoquer des lois si cruelles. J’ai peur que son factum pour lui-même ne nuise à son factum pour les Sirven, et ne refroidisse beaucoup ; mais enfin tout mon désir est qu’il réussisse dans les deux affaires auxquelles je prends un égal intérêt.
Je ne sais comment vous êtes avec Thieriot ; je ne sais où il demeure ; je crois qu’il passe sa vie, comme moi, à être malade et à faire des remèdes ; cela le rend un peu inégal dans les devoirs de l’amitié ; mais il faut user d’indulgence envers les faibles. Je vous prie de lui faire passer ce petit billet 5.
Vous aurez incessamment quelque chose ; mais vous savez combien il est dangereux d’envoyer par les postes étrangères des brochures de Hollande. Nous recevons des livres de France, mais nous n’en envoyons pas. Tous les paquets qui contiennent des imprimés étrangers sont saisis, et vous savez qu’on fait très bien, attendu l’extrême impertinence des presses bataves.
J’ai chez moi M. de La Borde, qui met Pandore en musique . Je suis étonné de son talent. Nous nous attendions, Mme Denis et moi, à de la musique de cour 6, et nous avons trouvé des morceaux dignes de Rameau. Tout cela n’empêche pas que je n’aie Belleval et Broutet 7 extrêmement sur le cœur. Consolons-nous, mon cher frère, dans l’amour de la raison et de la vertu . Comptez que l’une et l’autre font de grands progrès. Saluez, de ma part, nos frères Barnabé, Thaddée, et Timothée. »
1 Lettre de La Chalotais ; voir lettre du 12 mars 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/21/je-me-sens-beaucoup-de-tendresse-pour-les-penseurs-6322903.html
2 La copie Beaumarchais et toutes les éditions mettent trouvera .
4 Voir lettre du 15 septembre 1766 à Élie de Beaumont : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/19/je-ne-crois-pas-monsieur-qu-on-puisse-reculer-6355944.html
et lettre à d'Argental du 8 octobre 1766 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-40.html
5 Lettre du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/25/il-y-avait-eu-huit-mille-maisons-de-detruites-et-huit-mille-6356958.html
6 J.-B. de La Borde était valet de chambre du roi.
7 L’un dénonciateur, l’autre juge du chevalier de La Barre ; voir https://fr.wikisource.org/wiki/Relation_de_la_mort_du_chevalier_de_La_Barre
et la lettre du 9 septembre 1766 de d'Alembert : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6494
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il y avait eu huit mille maisons de détruites et huit mille familles désolées, sans compter les morts et les blessés. Voilà les vrais orages, le reste est le malheur des gens heureux
... Dédicace spéciale à tous ceux qui pleurent de n'avoir pas reçu le dernier smartphone ou ont été privés de restaurant/ boîte de nuit/ bistrot, faute de pass-sanitaire valide .
Noël est passé, je peux me remettre en colère .
Une mention spéciale pour les manifestants de métropole et outremer , anti-vax détestables, qui crachent sur ceux qui les nourrissent et les soignent . Continuez comme ça, irresponsables et obtus, malfaisants , le virus saura vous faire taire .
« A Nicolas-Claude Thieriot
à Paris
19 septembre 1766
Mon ancien ami, j’ai été très touché de votre lettre. La société a ses petits orages comme les affaires ; mais tous les orages passent. Votre correspondant me mande qu’on a rebâti huit mille maisons en Silésie 1. Cela prouve qu’il y avait eu huit mille maisons de détruites et huit mille familles désolées, sans compter les morts et les blessés. Voilà les vrais orages, le reste est le malheur des gens heureux.
J’ai été un peu consolé en apprenant que la cour des aides a versé l’opprobre à pleines mains sur le nommé Broutet, l’un des juges les plus acharnés d’Abbeville. Ce malheureux était en effet incapable de juger, puisqu’il avait été rayé du tableau des avocats. Le jugement était donc contre toutes les lois. Un vieux jaloux, avare et fripon, a été le premier mobile de cette abominable aventure, qui fait frémir l’humanité. Voilà encore de vrais orages, mon ancien ami ; il faut cultiver son jardin. Je ne voulais qu’un jardin et une chaumière ,
Di melius fecere, bene est ; nihil amplius opto.2
Je viens d’être bien étonné ; M. de La Borde, premier valet de chambre du roi, m’apporte deux actes de son opéra de Pandore ; je m’attendais à de la musique de cour : nous avons trouvé, Mme Denis et moi, du Rameau. Peut-être nous trompons-nous, mais ma nièce s’y connaît bien ; pour moi, je ne suis qu’un ignorant.
J’ai une chose à vous apprendre, c’est que feu Mgr le dauphin, dans sa dernière maladie, lisait Locke et Malebranche.
Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur. Où logez-vous à présent ? »
1 C'est une des nouvelles données par Frédéric II à V* dans sa lettre du 1er septembre 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6482
2 D'après Horace, Satires, II, vi, 4 ; Les dieux ont fait davantage : tant mieux ; je ne désire rien au-delà .
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