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01/05/2023

Je vous prédis que vous serez malheureux si vous ne vous dérobez pas à l'envie et à la malignité; et je vous répète que vous n'avez d'autre parti à prendre que de vivre avec un petit nombre d'amis dont vous soyez sûr

... Je trouve ces paroles plus franches que celle de la politicarde Marine Le Pen qui fait son numéro grand-guignolesque ce jour : bête à pleurer, franche comme un âne qui recule .

 

 

« A Charles Michel, marquis du Plessis-Villette

Ferney, le 20 septembre 1766 [1767] 1

Je vous pardonne, mon cher marquis, d'avoir oublié un vieillard malade et inutile, longtemps pénétré, dans sa retraite, de l'affliction la plus profonde; mais je ne vous pardonne pas de vous livrer au public 2, qui cherche toujours une victime, et qui s'acharne impitoyablement sur elle ; on ne vous dit peut-être pas à quel point il enfonce le poignard dans les plaies qu'il a faites lui-même. Je vous prédis que vous serez malheureux si vous ne vous dérobez pas à l'envie et à la malignité; et je vous répète que vous n'avez d'autre parti à prendre que de vivre avec un petit nombre d'amis dont vous soyez sûr.

Vous vous plaignez de quelques tours qu'on vous a joués . J'aimerais mieux qu'on vous eût volé deux cent mille francs que de vous voir déchirer par les harpies de la société, qui remplissent le monde. Il faut absolument que vous sachiez que cela a été poussé à un excès qui m'a fait une peine cruelle. On dit : « Voilà comme sont faits tous les petits philosophes de nos jours. » On clabaude à la cour, à la ville. Vous sentez combien mon amitié pour vous en a souffert. Vous êtes fait pour mener une vie très heureuse, et vous vous obstinez à gâter tout ce que la nature et la fortune ont fait en votre faveur.

Je vous dirai encore qu'il ne tient qu'à vous de faire tout oublier. Je vous demande en grâce que vous soyez heureux. Je ne veux pas qu'un beau diamant soit mal monté. Pardonnez ma franchise; c'est mon cœur qui vous parle; il ne vous déguise ni son affliction, ni ses sentiments pour vous, ni ses craintes . Je vous aime trop pour vous écrire autrement.

Je vous invite plus que jamais à vous livrer à l'étude. L'homme studieux se revêt à la longue d'une considération personnelle que ne donnent ni les titres, ni la fortune. Celui qui travaille n'a pas le temps de faire mal parler de soi. Je vous parle ainsi, parce que vous me devez compte de cette heureuse facilité, et de vos belles dispositions pour les lettres. Je vous pardonne si vous écrivez, et surtout si vous m'écrivez. Vous voilà quitte de ma morale; mais, si vous étiez ici, je vous avertis qu'elle serait beaucoup plus longue.

Mme Denis pense absolument de même ; quiconque s'intéressera à vous vous dira les mêmes choses.

Pardonnez, encore une fois, aux sentiments qui m'attachent à vous. »

1 Copie-Beaumarchais-Kehl qui dérive de l'édition ; édition Œuvres du marquis de Villette, 1782 quia été suivie, sauf la date , corrigée par Beuchot .

2 Le marquis de Villette venait de faire imprimer son Éloge historique de Charles V , 1767, in-4°. C'était le sujet du prix d'éloquence proposé l'année précédente par l'Académie française, et que remporta La Harpe . V* en possédera la seconde édition de 1770 .

Voir : https://books.google.fr/books?id=rPgUAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

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