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10/10/2023

Il y a des monstres auxquels il ne suffit pas de leur rogner les ongles, il faut leur couper la tête

... Le Hamas en fait indéniablement partie et il ne faut pas tarder .

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

Mardi matin, 1er mars [1768] à Ferney

Soyez très sûr, très aimable Résident, que votre Languedochienne 1 avec ses beaux yeux n'avait point vu la deuxième baliverne 2. J'avais abandonné aux curieux la première et la troisième ; mais pour la seconde, je l'avais toujours laissée dans mon portefeuille ; et j'avais des raisons essentielles pour ne point la faire paraître. Si votre dame aux grands yeux l'a eue, ce ne peut être que depuis le mois de novembre, car La Harpe partit au mois d'octobre, et c'est au commencement de novembre qu'il la donna à trois personnes de ma connaissance. Les copies se sont peu multipliées, attendu qu'on ne se soucie guère à Paris de Tollot 3 l'apothicaire, de Flournois, de Rodon, du prédicant Buchon, et autres messieurs de cette espèce 4.

Si quelqu'un avait pu me faire cette infidélité, c'était ce polisson de Gallien 5, cependant il ne l'a pas faite.

S'il était vrai que cette coïonnerie eût paru à Paris avant la voyage de La Harpe au mois d'octobre, comme il l'a dit à son retour pour se justifier, il m'en aurait sans doute averti dans ses lettres. Il m'instruisait de toutes les anecdotes littéraires; il n'aurait pas oublié celle qui me regardait de si près il n'aurait pas manqué de prévenir par cet avertissement les soupçons qui pouvaient tomber sur lui. Cependant il ne m'en dit pas un seul mot; au contraire, il donna une copie à M. Dupuits 6, et le pria de ne m'en point parler. Dupuits, en effet, ne m'en parla qu'à son retour, lorsqu'il fallut éclaircir l'affaire. La Harpe ne se justifia qu'en disant qu'il n'avait donné le manuscrit que parce qu'il en courait des copies infidèles. Il en avait donc une copie fidèle, et cette copie fidèle, je ne la lui avais certainement pas donnée.

On lui demanda de qui il la tenait. Il répondit que c'était d'un jeune homme dont il ne dit pas le nom. Huit jours après, il dit que c'était d'un sculpteur qui demeurait dans sa rue.

Je ne lui ai fait aucun reproche, mais sa conscience lui en faisait beaucoup devant moi. Il ne m'a jamais parlé de cette affaire qu'en baissant les yeux, et son visage prenait un air de pâleur qui n'est pas celui de l'innocence. Son procès est instruit. Il s'en faut beaucoup que je l'aie condamné rigoureusement, je suis trop partisan de la proportion entre les délits et les peines, et je sais qu'il faut pardonner.

Non seulement j'ai eu le bonheur de lui rendre des services essentiels, mais je lui en rendrai toujours autant qu'il dépendra de moi. Je serrerai seulement mes papiers, si jamais Mme Denis le ramène à Ferney.

Voilà, aimable Résident, l'histoire au juste. Plût à Dieu qu'il n'y eût pas de plus grande tracasserie dans le monde ! J'espère que vous verrez bientôt finir celles de Genève. Voulez-vous bien avoir la bonté de donner au porteur cette gazette de France où il est parlé des rodomontades espagnoles contre l'Inquisition? Il y a des monstres auxquels il ne suffit pas de leur rogner les ongles, il faut leur couper la tête.

Tuus sum, et semper ero.7 

V.»

2 Le second livre de La Guerre civile de Genève .

3 Jean-Baptiste Tollot, pharmacien amateur de littérature, que V* met en scène dans La Guerre civile de Genève sous le nom de Dolot ( II, 62 et suiv. : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome9.djvu/534 ) ; voir lettre à lui adressée le 21 mai 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-17.html

4 Allusion à un passage de La Guerre civile (II, 24-30 et suite ) : « Le fier Rodon, l'intrépide Flournois ,[...] : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome9.djvu/533

Dans la première édition, les noms étaient un peu différents ; on avait Roson pour Rodon, Paillart pour Pallard, Flavière pour Clavière .

5 Dans une lettre, Hennin disait à V* le 4 janvier 1768 : « Je vous ai caché jusqu'aujourd'hui, monsieur, une sottise du sieur Gallien qui vous touche […] » , voir 7119 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

V* savait à quoi s'en tenir sur Gallien .

6 Dupuits est alors effectivement à Paris ; voir lettre du 3 février 1768 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/09/09/tout-cela-est-peut-etre-une-belle-chimere-mais-on-pourrait-e-6460597.html

7 Je suis et je serai toujours à toi .

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