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23/02/2024

Beaucoup d’hommes à Paris ressemblent à des singes 

... Ils se rassemblent périodiquement dans un stade pour applaudir les Petits Singes Gueulards, leurs idoles millionnaires à qui ils versent cher tribut dans le même temps qu'ils râlent comme des fous contre la vie chère . Des singes, de la plus basse espèce vous dis-je ! Il faut les voir et les entendre quand les Ouistitis  Minables se mettent une peignée avec les PSG , zoo record du monde dans les gradins . 

Comme mon patriarche préféré "J’évite, autant que je peux, les uns et les autres".

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

13 Juillet 1768

Vous me donnez un thème, madame, et je vais le remplir ; car vous savez que je ne peux écrire pour écrire ; c’est perdre son temps et le faire perdre aux autres. Je vous suis attaché depuis quarante-cinq ans. J’aime passionnément à m’entretenir avec vous ; mais, encore une fois, il faut un sujet de conversation.

Je vous remercie d’abord de Cornélie vestale 1. Je me souviens de l’avoir vu jouer, il y a plus de cinquante ans ; puisse l’auteur la voir représenter encore dans cinquante ans d’ici ! mais malheureusement ses ouvrages dureront plus que lui ; c’est la seule vérité triste qu’on puisse lui dire.

Saint ou profane 2, dites-vous, madame ? Hélas ! je ne suis ni dévot ni impie . Je suis un solitaire, un cultivateur enterré dans un pays barbare. Beaucoup d’hommes à Paris ressemblent à des singes . Ici ils sont des ours. J’évite, autant que je peux, les uns et les autres ; et cependant les dents et les griffes de la persécution se sont allongées jusque dans ma retraite ; on a voulu empoisonner mes derniers jours. Ne vous acquittez pas d’un usage prescrit, vous êtes un monstre d’athéisme ; acquittez-vous-en, vous êtes un monstre d’hypocrisie. Telle est la logique de l’envie et de la calomnie. Mais le roi, qui certainement n’est jaloux ni de mes mauvais vers ni de ma mauvaise prose, s’en croira pas ceux qui veulent m’immoler à leur rage. Il ne se servira pas de son pouvoir pour expatrier, dans sa soixante-quinzième année, un malade qui n’a fait que du bien dans le pays sauvage qu’il habite.

Oui, madame, je sais très bien que le janséniste La Bletterie demande la protection de M. le duc de Choiseul . Mais je sais aussi qu’il m’a insulté dans les notes de sa ridicule traduction de Tacite 3. Je n’ai jamais attaqué personne, mais je puis me défendre. C’est le comble de l’insolence janséniste que ce prêtre m’attaque, et trouve mauvais que je le sente. D’ailleurs, s’il demande l’aumône dans la rue à M. le duc de Choiseul, pourquoi me dit-il des injures en passant, à moi, pour qui M. le duc de Choiseul a eu de la bonté avant de savoir que La Bletterie existât ? Il dit dans sa préface que Tacite et lui qui ne pouvaient se quitter ; il faut apprendre à ce capelan 4 que Tacite n’aimait pas la mauvaise compagnie.

On croira que je suis devenu dévot, car je ne pardonne point . Mais à qui refusé-je grâce ? c’est aux méchants, c’est aux insolents calomniateurs. La Bletterie est de ce nombre. Il m’impute les ouvrages hardis dont vous me parlez, et que je ne connais ni ne veux connaître. Il s’est mis au rang de mes persécuteurs les plus acharnés.

Quant aux petites pièces innocentes et gaies dont vous me parlez, s’il m’en tombait quelqu’une entre les mains, dans ma profonde retraite, je vous les enverrais sans doute ; mais par qui, et comment ? et si on vous les lit devant le monde, est-il bien sûr que ce monde ne les envenimera pas ? La société à Paris a-t-elle d’autres aliments que la médisance, la plaisanterie, et la malignité ? ne s’y fait-on pas un jeu, dans son oisiveté, de déchirer tous ceux dont on parle ? Y a-t-il une autre ressource contre l’ennui actif et passif dont votre inutile beau monde est accablé sans cesse ? Si vous n’étiez pas plongée dans l’horrible malheur d’avoir perdu les yeux (seul malheur que je redoute), je vous dirais : lisez, et méprisez ; allez au spectacle, et jugez ; jouissez des beautés de la nature et de l’art. Je vous plains tous les jours, madame . Je voudrais contribuer à vos consolations. Que ne vous entendez-vous avec madame la duchesse de Choiseul pour vous amuser des bagatelles que vous désirez ? Mais il faut alors que vous soyez seules ensemble . Il faut qu’elle me donne des ordres très positifs, et que je sois à l’abri du poison de la crainte qui glace le sang dans des veines usées. Montrez-lui ma lettre, je vous en supplie . Je sais qu’elle a, outre les grâces, justesse dans l’esprit et justice dans le cœur ; je m’en rapporterai entièrement à elle 5.

Adieu, madame ; je vous respecte et je vous aime autant que je vous plains, et je vous aimerai jusqu’au dernier moment de notre courte et misérable durée.

V. »

1 Tragédie du président Hénault, sous le nom de Fuzelier, jouée le 27 juillet 1713 , et imprimée en 1768 avec les presses de Walpole à Strawberry Hill . (G.Avenel.)

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k715690

et page 482 - : https://ia904505.us.archive.org/18/items/correspondancec01dude/correspondancec01dude.pdf

2 « Soyez saint ou profane » a écrit Mme Du Deffand, « je ne cesserai point d'entretenir une correspondance qui me fait tant de plaisir ; » Voir page 484 : https://ia904505.us.archive.org/18/items/correspondancec01dude/correspondancec01dude.pdf

4 Le mot capelan, pauvre prêtre, est une variante méridionale de chapelain ; Littré n'en porte qu'un exemple de Marot .

5 La marquise Du Deffand commenta pour Walpole cette lettre de V* et plus spécialement ce passage dans les termes suivants : « Je viens de recevoir de Voltaire une lettre de quatre pages, en réponse à celle que je lui avais écrite en lui envoyant Cornélie ; je crois vous avoir dit que je lui faisais des reproches sur ce qu'il disait de La Bletterie dans le discours à son vaisseau . En conséquence, il se répand en invectives contre ce vieux bonhomme, ce n'est pas de l'animosité, c'est de la rage ; il veut que je montre sa lettre à la grand-maman, je le ferai, et elle en sera fort irritée ; il me propose de lui adresser pour moi tous ses petits brimborions, je lui ai déjà mandé qu'il le pouvait ; mais il voudrait lier une correspondance avec cette grand- maman, à qui il a déjà écrit une ou deux fois, et qui est déterminée à ne lui pas répondre directement, elle lui fait passer ce qu'elle veut lui dire par M. Dupuits, mari de Mlle Corneille [...] .»( Lewis, IV, 111-112).

Voir pages 484 et suiv. - : https://ia904505.us.archive.org/18/items/correspondancec01dude/correspondancec01dude.pdf

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