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06/09/2012

je regarderais comme une démence bien condamnable à mon âge des plaisanteries qui ont pu m'amuser il y a trente ans

 ... Mais , soit démence sénile prématurée, soit Alzheimer, je n'ai pas en mémoire des plaisanteries de trente ans que je puisse condamner de nos jours .

Il est vrai qu'une activité de père de famille banale ne permet pas d'écarts plaisants qu'on doive regretter avec le recul . Sage , trop sage .Tant pis !

Les plaisanteries que je peux pratiquer actuellement seront couvertes par la prescription avant que je sois à même de les condamner . Heureusement !

Des deux, lequel/laquelle est le/la plus joyeux/se ?

 Black is black !

blackisblack 9731.JPG

 http://www.youtube.com/watch?v=VVWNZPOUhO8

 

« A M. Pierre ROUSSEAU 1

à Liège.

Aux Délices, 28 novembre [1756].

J'ai vu dans votre journal de novembre, monsieur, des vers qu'on m'attribue 2; ils commencent ainsi

C'est par ces vers, enfants de mon loisir,
Que j'égayais les soucis du vieil âge;
0 don du ciel, etc.


Sans examiner si ces vers sont bons ou mauvais, je peux vous jurer, monsieur, que non-seulement je n'en suis pas l'auteur, mais que je regarderais comme une démence bien condamnable à mon âge des plaisanteries qui ont pu m'amuser il y a trente ans. Ceux qui achèvent ainsi sous mon nom des ouvrages si peu décents sont assurément plus coupables que je ne le serais d'en faire mon occupation. Je ne me reconnais dans aucune des éditions qui ont paru du petit poème dont vous me parlez. J'ai encore vu dans vos précédents journaux une prétendue lettre de moi à M. le maréchal de Richelieu, où il est dit qu'on a perdu le Pinde 3 je n'ai jamais écrit cette lettre. Plus j'estime votre
journal, qui ne me parait fait que pour la vérité, et plus je crois de mon devoir de vous la faire connaître.
Je reçois dans ce moment une lettre de M. de Caussade 4, datée de Liège. Il me parle d'un projet d'abréger et de rectifier les Mémoires de Mme de Maintenon 5. Tout ce que je peux répondre, c'est
qu'il n'y a dans ces Mémoires que des choses triviales, entièrement défigurées, ou des anecdotes entièrement fausses. On peut s'en convaincre par les dates seules des événements. Ces sortes
d’ouvrages excitent d'abord la curiosité, et tombent ensuite dans un éternel oubli.
Je fais mes compliments à M. de Caussade, et j'ai l'honneur d'être, etc. »

2 Ces vers sont l'épilogue de l'édition de 1756; ils sont maintenant placés avec les variantes du XXIè chant de La Pucelle d'Orléans . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-vingt-et-unieme-86642161.html

5 Éditées par Laurent Angliviel de La Beaumelle, une des raisons qui l'ont mené à la Bastille . Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206443s/f3.image.r=...

 

05/09/2012

l'esprit se flétrit par la douleur

... Il n'y a guère que dans les livres, dans la Bible, que la douleur est source de plénitude . Quelle "coïonnerie" que l'autoflagellation , pour autant que l'on ne soit masochiste, bien sur ! Dans ce cas, je pense que c'est un esprit flétri qui martyrise un corps insupportable . Ni sadique, ni masochiste , je me contente d'une saine "normalité" qui suffit à mon bonheur .

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 28 novembre [1756].

Comment voulez-vous, mon cher ange, que je fasse des Zulime et des chevaleries, quand les calomnies de Paris viennent me glacer dans mes Alpes ? Cette infâme édition que La Beaumelle et d'Arnaud avaient, dit-on, faite de concert, n'a que trop de cours. Je vois les personnes à qui je suis le plus attaché, attaquées indignement sous mon nom. Mme de Pompadour y est outragée d'une manière infâme et comment encore se justifier de ces horreurs? comment écrire à Mme de Pompadour une lettre qui ferait rougir et celui qui l'écrirait et celle qui la recevrait ? On parle aussi de vers sanglants contre le roi de Prusse, que la même malignité m'impute 1. Je vous avoue que je succombe sous tant de coups redoublés. Le corps ne s'en porte pas mieux, et l'esprit se flétrit par la douleur. S'il me restait quelque génie, pourrais-je mettre à travailler un temps qu'il faut employer continuellement à détruire l'imposture ? Je n'ai plus ni santé, ni consolation, ni espérance et je n'éprouve, au bout de ma carrière, que le repentir d'avoir consacré aux belles-lettres une vie qu'elles ont rendue malheureuse. Si je m'étais contenté de les aimer en secret, si j'avais toujours vécu avec vous, j'aurais été heureux; mais je me suis livré au public, et je suis loin de vous: cela est horrible. »

 

 

04/09/2012

La France joue à présent un beau rôle dans l'Europe. On sent encore mieux cette gloire dans les pays étrangers qu'à Paris

... 1756 ?

... 2012 ?

Les deux mon général ! En tout cas, c'est ce que je souhaite, je n'aimerais pas que ce soient des images de politique-fiction .

 Pour le "respect" des Anglais évoqué ci-dessous , je veux bien attendre, mais pas trop longtemps quand même .

Comme j'ai quelques faiblesses, en voici une ; je vous laisse le soin de trouver ma voiture

morgan de toi pas de moi 9586.JPG

Un indice musical :  http://www.youtube.com/watch?v=L9nliELzH64

 

 

« A M. T H I E R I O T.

Aux Délices, 28 novembre [1756].

Je suis persuadé, mon ancien ami, que vous ne serez pas privé du petit legs que vous a fait Mme de La Popelinière 1. Son mari, qui en avait usé si généreusement avec elle, en usera de même avec vous. Il aime à faire des choses nobles. Je compterais autant sur son caractère que sur son billet. Je n'ose vous prier d'ajouter au petit paquet de livres que vous m'envoyez cette infâme édition de la Pucelle qu'on dit faite par La Beaumelle et par d'Arnaud 2. Je ne devrais pas infecter mon cabinet de ces horreurs; mais il faut tout voir. Je me flatte que les honnêtes gens ne m'imputeront pas de telles indignités. En vérité, il faudrait faire un exemple de ceux qui en imposent ainsi au public, et qui répandent le scandale sous le nom d'autrui.
On me parle encore de je ne sais quels vers 3 qui courent contre le roi de Prusse. Ceux qui me soupçonnent me connaissent bien mal. C'est le comble de la lâcheté d'écrire contre un prince à qui on a appartenu.
Je vous fais mon compliment de quitter vos moines 4. Il n'y a que leur bibliothèque de bonne et vous avez à deux pas celle du roi, qui est meilleure.
Mes respects à Mme de Sandwich 5; je crois qu'elle n'est pas fâchée des humiliations que les whigs essuient 6. La France joue à présent un beau rôle dans l'Europe. On sent encore mieux cette gloire dans les pays étrangers qu'à Paris. On entend la voix libre des nations elles parlent toutes avec respect, jusqu'aux Anglais mêmes; il leur manquait d'être humbles.
Adieu; la goutte et la calomnie me tracassent. Je vous embrasse. »

 

 

 

 

 

1 Cette dame avait légué un diamant à Thieriot.

2 Voltaire a reconnu son erreur quant à d'Arnaud; voir lettre du 19 décembre 1756 à Thieriot : page 141 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f144.image :

« Ceux qui m'avaient mandé, mon ancien ami, que La Beaumelle et d'Arnaud avaient fabriqué cette œuvre d'iniquité, se sont trompés, du moins à l'égard de d'Arnaud. Il n'est pas possible qu'un homme qui sait faire des vers ait pu en griffonner de si plats et de si ridicules. »

3 La pièce en vers « 0 Salomon du Nord. » dont il est déjà question dans la lettre du 9 novembre à Mme de Klinglin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/31/pourquoi-donc-les-francs-les-gaulois-ne-marchent-ils-pas.html

 Voir tome X., page 557 , poésie 12 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f559.image.r=o+salomon+du+nord

4 Ceux de l'abbaye Saint-Victor-des-Champs à Paris .

5 Lady Dorothy Montagüe-Sandwich, née Rochester . Elle mourra fin 1757 .

6 16 Novembre 1756 : Début du ministère whig de William Cavendishduc de Devonshire, premier ministre du Royaume Uni (fin en 1757). En fait c'est William Pitt, appelé en novembre qui va diriger la guerre selon son programme de réveil national, partageant le pouvoir avec Newcastle et Fox .

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_whig_(Royaume-Uni)

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Cavendish_(4e_duc_de...)

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Pitt_l%27Ancien

 

03/09/2012

au printemps, cent cinquante mille court-vêtus de Prussiens, traînant après eux les Saxons pour leur faire la cuisine

... Vision dantesque ! à moins que ça ne se passe sur des plages, le Prussien n'étant pas frileux peut affronter une eau à 13° et goûter la cuisine saxonne sans coup férir .

http://www.sachsen.de/fr/240.htm

 Cela est un rêve d'hotelier, un cauchemar de restaurateur, un souhait de plagiste . S'il y en a plus de cent cinquante mille, tant mieux pour notre balance commerciale . Question existencielle : ces cent cinquante mille paires de mollets teutons seront-elles accompagnées de cent cinquante mille paires de tétons teutons ?

 

mollets teutons 8041.JPG


 Mollet : http://www.keldelice.com/guide/specialites/le-gateau-mollet

 Mollets :  http://fr.wiktionary.org/wiki/yccroy

 

 

 

« A madame de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Aux Délices, 23 novembre [1756].

Ah! madame, je ne compte pas sur les Russes; qui les payerait ? Mais s'ils veulent se payer par leurs mains, ce seront de chers barbares. Dieu aide et bénisse Marie-Thérèse ! Mais je vois contre elle, au printemps, cent cinquante mille court-vêtus de Prussiens, traînant après eux les Saxons pour leur faire la cuisine; je vois les Hanovriens, les Hessois, et des guinées. Il fallait avoir mieux pris ses mesures; toutefois j'espère encore en la Providence. Le dernier mémoire de Salomon, avec pièces justificatives 1, en impose beaucoup; il faut lui opposer des succès; les raisons ne donnent pas un pouce de terrain. On m'a envoyé bien des papiers tous sont inutiles. Vivons doucement. Prions Dieu pour Marie, vous, votre amie, et moi. Si vous savez quelque chose, souvenez-vous de l'ermite qui vous est attaché jusqu'au tombeau."

1 C'est le comte de Hertzberg, né en 1725, mort en 1795, qui est auteur du Mémoire raisonné sur la conduite des cours de Vienne et de Saxe, et sur leurs desseins dangereux contre le roi de Prusse, avec les pièces originales et justificatives qui en fournissent les preuves; 1756, in-4° : http://books.google.fr/books?id=Tve9Ud3mxc4C&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

 

à Marseille, la troupe aurait grand besoin de vos leçons, et il serait fort utile que les bons acteurs de Paris allassent tous les ans inspirer le bon goût en province

… Ou inversement, car au XXIè siècle , siècle du foot roi (entre autres), le glorieux (sic) OM en remontre au PSG poussif .

http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-om-vole-paris-decolle/310613

Ce sport m'ennuie . Je ne suis pas le seul ! Et que font les hommes qui s'ennuient ?

http://www.deezer.com/music/track/56889671

 Pourquoi faut'il que les hommes s'ennuient  ?

http://www.youtube.com/watch?v=r8xcUbkQ8b4

 En cette veille de rentrée scolaire, souhaitons ne plus voir cela :

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« A M. LEKAIN.

Aux Délices, 20 novembre 1756.

Votre souvenir m'est bien agréable, mon cher monsieur; un malade n'est pas trop exact à répondre; mais je n'en suis pas moins sensible à vos succès, et à ce qui vous regarde. On a dû porter chez vous, depuis longtemps, l'exemplaire dont vous parlez. Il n'y a pas d'apparence que je puisse hasarder encore de nouveaux ouvrages pour votre théâtre, il vient un temps où l'on ne doit songer qu'à la retraite. Nous serions charmés, Mme Denis et moi, de vous voir encore dans mon ermitage, que vous trouveriez assez embelli.
Il faudrait que monseigneur de Villars vous engageât à faire un voyage à Marseille, la troupe aurait grand besoin de vos leçons, et il serait fort utile que les bons acteurs de Paris allassent tous les ans inspirer le bon goût en province. Nous vous faisons mille compliments, Mme Denis et moi.

V. »

de quel prix peuvent être à vos yeux les sentiments d'un ermite inutile ?

... Il aurait pû en être un -ermite inutile ! Il se borne à être inutile .

Qui donc ? Sarko qui envisageait une retraite monacale en cas de défaite . Mais en ce domaine comme en tant d'autres, ce faux jeton ne tiens pas parole . Et ses sentiments sont ceux d'un nanti qui se moque du monde . Ses sentiments sont sans intérêt, ses placements boursiers , si .   

 

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« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 14 novembre [1756].

Madame, j'eus hier l'honneur d'écrire à Votre Altesse sérénissime, par un Anglais nommé M. Keat 1, qui se propose de voir, en Allemagne, ce qu'il y a de plus digne d'un être pensant, et par conséquent de vous faire sa cour. Mais ne sachant pas trop quand il partira, je ne veux pas laisser arriver l'année 1757 sans renouveler à Votre Altesse sérénissime, à monseigneur le duc et à toute votre auguste maison, les respectueux sentiments qui m'attachent pour jamais à elle. Je me flatte que les princes vos enfants vous donneront toujours de plus en plus, madame, des sujets de consolation et de joie. Puisse la grande maîtresse des cœurs jouir d'une santé qui tienne de l'égalité de son âme . La vôtre, madame, aura peut-être de quoi s'exercer au milieu des orages qui semblent prêts à fondre de tous côtés dans le voisinage de ses États. Je me flatte qu'elle n'aura à faire usage que de son humanité et de sa compassion pour ses voisins, et que ses propres États seront à l'abri. C'est tout ce que peut dire un solitaire qui voit de loin toutes ces tempêtes. La Saxe paraît bien malheureuse, mais aussi la patrie que Votre Altesse sérénissime gouverne parait jusqu'à présent bien fortunée; c'est à quoi je
m'intéresse le plus. Mais de quel prix peuvent être à vos yeux les sentiments d'un ermite inutile ? Il n'y a que votre bonté qui puisse leur en donner. Conservez cette bonté, madame, à un serviteur attaché à Votre Altesse sérénissime avec le plus profond respect. »

1 George Keate, poète anglais avec qui V* correspondait ; il écrira « j'ai chez moi un Anglais qui sait boire » .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keate

 

joignez-y ce qu'il vous plaira de curieux

 ... Chat alors !

 

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« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 10 novembre [1756].

La vie est un songe, mon ancien ami; Mme de La Popelinière vient donc de finir le sien 1; je rêve encore un peu, mais je suis bientôt à bout. Notre grand Tronchin aurait guéri votre amie; il a rendu la santé à Mme de Fontaine, mais il n'en a pas fait autant à son oncle; je suis perclus, pour le présent, de la moitié du corps. J'ai engagé M. le duc de Villars à venir se faire guérir ici d'un petit rhumatisme nous l'avons crevé de truites et de gelinottes. Il s'en est retourné dans sa province avec la santé d'un athlète. Il n'en est pas de même de votre ancien ami: Je ne suis plus qu'une ombre paralytique. Il est triste de s'en aller pour jamais chacun de son côté, sans se revoir.
Si l'envie vous prend de faire un pèlerinage pour votre santé et de venir prendre des lettres de vie signées Tronchin, je vous hébergerai dans mon château de Gaillardin 2, aux Délices, ou à Monrion; je vous voiturerai, je vous crèverai. Qu'allez-vous devenir à présent? Logerez-vous chez la fille 3 du comte de Rochester, ou chez M. de La Popelinière, ou chez les moines de Saint-Victor ?
Envoyez-moi toujours Philippe V 4 et le bonhomme Derham; joignez-y ce qu'il vous plaira de curieux. Je ne sais actuellement quels livres vous demander. Je suis si malade que je ne peux plus guère lire, et je fais plus de cas d'une prise de rhubarbe que de l'Enéïde. Je ne crois pas même avoir la force de lire les excommunications de votre archevêque, ni les solécismes de la Sorbonne; on dit qu'elle a mis supplicaturi, pour supplicaturos; mais qu'ils soient ridiculi ou ridiculos, cela ne m'importe guère.
Mandez-moi quels beaux legs Mme de La Popelinière vous a laissés, et quelle belle nouvelle action son mari a faite. Si vous m'envoyez une cargaison de livres, adressez-la par la diligence à M. Robert Tronchin, banquier à Lyon. Adieu, bonsoir, je n'en peux plus. En vérité, il faudrait revoir ses vieux amis. N'avez-vous pas par hasard soixante ans, et moi soixante-deux ?
Allons, allons. »

1 Elle mourut vers le commencement de novembre 1756.

3 La comtesse de Sandwich.