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11/09/2012

Je n'ai jamais vu d'ailleurs d'ouvrage plus digne à la fois de mépris et de châtiment; mais je crois à présent le parlement et le public occupés de soins plus pressants que celui de juger un petit libelle

 ... Comme celui de Richard Millet (chez Gallimard), intitulé "Eloge littéraire d'Anders Breivik" .

Voir : http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/08/27/l-apologie-de-breivik-par-richard-millet-cree-la-polemique-chez-gallimard_1751851_3260.html

et bien sûr ne pas manquer Patrick Besson : http://www.lepoint.fr/editos-du-point/patrick-besson/saint-germain-des-pres-zone-urbaine-sensible-06-09-2012-1503310_71.php

 Ci-dessous mon "Eloge de l'oeuvre de Richard Millet"

éloge de l oeuvre de richard millet 4916.JPG

 Sous titre : "Vision du futur de la dite oeuvre : Garbage !"

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 20 décembre [1756].

Mon cher ange, j'ai vu cette infamie que l'on impute à La Beaumelle, et que je n'impute qu'à un diable, et à un sot diable. Il y a deux endroits assez piquants contre moi dans cette rapsodie digne des halles 1, qu'on a osé imprimer sous mon nom. Je n'ai jamais vu d'ailleurs d'ouvrage plus digne à la fois de mépris et de châtiment; mais je crois à présent le parlement et le public occupés de soins plus pressants que celui de juger un petit libelle 2. Je me console par la juste espérance que les honnêtes gens et les gens de goût me rendront justice. Vous y contribuez plus que personne, vos amis vous secondent il serait bien étrange que la vérité ne triomphât pas, quand c'est vous qui l'annoncez.
Si cette affreuse calomnie a des suites, je suis très-sûr que vous serez le premier à m'en instruire. Je crois qu'à présent je n'ai rien à faire qu'à déplorer tranquillement la méchanceté des hommes. M. le duc de La Vallière m'a mandé les mêmes choses que vous il veut bien se charger d'assurer Mme de Pompadour de mon attachement et de ma reconnaissance pour ses bontés, et il répond qu'elle ne prêtera point l'oreille à la calomnie 3.
Ce n'est pas assurément le temps que M. le maréchal de Richelieu entame ce que votre amitié généreuse lui a suggéré, et je suis bien loin de lui laisser seulement envisager que je veuille mettre ses bontés à l'épreuve 4. Pour Rome sauvée et les autres pièces, ce sont là des choses qu'on peut demander hardiment. Je n'y ai pas manqué, et j'espère que vous vous joindrez à moi.
Zulime ne sera plus Zulime, elle changera de nom sans changer de caractère 5. Le lieu de la scène ne sera plus le même. Il y aura quelques scènes nouvelles; et, comme les deux derniers actes sont absolument différents de ceux qui furent joués, la pièce sera en effet toute neuve. Le reste viendra quand il pourra, quand j'aurai de la santé, de la force, de la tranquillité; quand la calomnie ne viendra plus assiéger mon ermitage, désoler mon coeur, et éteindre mon pauvre génie. Je vous embrasse avec larmes, mon respectable ami.
Il n'est pas douteux que La Beaumelle n'ait été l'auteur et l'éditeur, avec ses associés, de cet abominable ouvrage; je le reconnais à cent traits. Voilà pour la seconde fois qu'il fait imprimer mes propres ouvrages 6 farcis de tout ce que sa rage pouvait lui dicter. Il y a des horreurs contre le roi même. Leur platitude ne les rend pas moins criminelles. Ce libelle est un crime de lèse-majesté, et il se vend impunément dans Paris. »

 1 Une version de La Pucelle .

3 Allusion aux vers qui commencent ainsi, dans les variantes du chant II de la Pucelle:
Telle plutôt cette heureuse grisette

Que la nature ainsi que l’art forma

Pour le b….. ou bien pour l’Opéra,

Qu’une maman avisée et discrète

Au noble lit d’un fermier éleva,

Et que l’amour, d’une main plus adrète,

Sous un monarque entre deux draps plaça.

6 Le Siècle de Louis XIV et, plus récemment, La Pucelle.

 

Heureusement il y a toujours d'honnêtes gens parmi les monstres, et des gens de goût parmi les sots

 ... Et pour vivre bien, agréablement, il est bon que les monstres et les sots restent minoritaires, ce dont on peut douter parfois quand on voit les "une" des journaux .

 Les honnêtes gens et gens de goût n'ont pas la vedette , ne sont pas vendeurs .

Il est vrai qu'ils ont peu d'intérêt pour ces lecteurs assidus , quotidiens, qui se jettent d'abord sur la page des annonces nécrologiques , puis sur les faits divers/chiens écrasés de leur canton, l'horoscope, le programme télé, les nouvelles (mauvaises) du monde , et enfin pour les plus érudits les pages du foot.

 

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http://photograffeurs.over-blog.net/article-conscience-sans-connaissances-n-est-que-ruine-de-l-homme-72155724.html

 

 

« A M. THIERIOT.

Le 19 décembre [1756]

On m'a enfin envoyé de Paris une de ces abominables éditions de la Pucelle. Ceux qui m'avaient mandé, mon ancien ami, que La Beaumelle et d'Arnaud avaient fabriqué cette œuvre d'iniquité, se sont trompés, du moins à l'égard de d'Arnaud. Il n'est pas possible qu'un homme qui sait faire des vers ait pu en griffonner de si plats et de si ridicules. Je ne parle point des horreurs dont cette rapsodie est farcie elles font frémir l'honnêteté comme le bon sens, je ne sais rien de si scandaleux ni de si punissable. On dit qu'on a découvert que La Beaumelle en était l'auteur, et qu'on l'a transféré de la Bastille pour le mettre à Vincennes dans un cachot mais c'est un bruit populaire qui me paraît sans fondement. Tout ce que je sais, c'est qu'un tel éditeur mérite mieux. Voilà assurément une manœuvre bien criminelle. Les hommes sont trop méchants. Heureusement il y a toujours d'honnêtes gens parmi les monstres, et des gens de goût parmi les sots. Quiconque aura de l'honneur et de l'esprit me plaindra qu'on se soit servi de mon nom pour débiter ces détestables misères. Si vous savez quelque chose sur ce sujet aussi triste qu'impertinent, faites-moi l'amitié de m'en instruire.
Mandez-moi surtout si vous avez votre diamant 1. Je m'intéresse beaucoup plus à vos avantages qu'à ces ordures, dont je vous parle avec autant de dégoût que d'indignation.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur. »

 

la paix, la concorde, l'union, la douceur d'une vie égale, espèce de félicité qu'on trouve rarement dans les cours

 ... De récréation .

 http://www.dailymotion.com/video/x865t1_alain-souchon-laurent-voulzy-j-ai-d_music

 ... Royales !

http://www.purepeople.com/article/prince-harry-nu-et-entoure-de-filles-nues-lors-d-un-strip-billard-a-las-vegas_a105740/1

Quoique ! 

... Luxe, calme et volupté coexistent dans une même famille :

http://www.purepeople.com/article/kate-middleton-et-william-unis-pour-un-hommage-plein-d-emotions-a-lady-di_a106736/1

 

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« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA.

Aux Délices, 14 décembre [1756].

Madame, le jeune gentilhomme anglais nommé M. Keat 1, qui aura l'honneur de rendre cette lettre à Votre Altesse sérénissime, me fait crever de jalousie. Ce n'est pas que son mérite, qui n'inspire que des sentiments agréables, fasse naître en moi la triste passion de l'envie; mais il a le bonheur de voir et d'entendre Votre Altesse sérénissime. Ce bonheur m'est refusé; il y a là de quoi mourir de douleur. Il peut du moins rendre bon témoignage de mon chagrin il peut dire si je regrette autre chose dans le monde que le séjour de Gotha.
Il arrivera peut-être dans le temps qu'on donnera quelque bataille, qu'on prendra quelque ville dans le voisinage de vos États. Mais il verra dans la cour de Votre Altesse sérénissime ce qu'il aime, la paix, la concorde, l'union, la douceur d'une vie égale, espèce de félicité qu'on trouve rarement dans les cours, félicité que vous donnez, madame, et que vous goûtez.
Puisse l'année 1757 être aussi heureuse pour elle et pour toute son auguste famille qu'elle commence malheureusement pour ses voisins ! Je me mets à ses pieds pour cette année et pour toutes celles de ma vie. »

1George Keate, poète anglaisdont V* parle dans sa lettre du 14 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/03/d...

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keate

 

10/09/2012

le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération

... Auraient pu dire François Hollande, Ayrault et Vals réunis .

Et d'ajouter "Ah!  ça ira ! ça ira !..."

(NDLR -   La cédille prend ici toute sa valeur pour éviter, autant que possible, de retomber dans les excès de langage sarkoziens "Ah ! caïra! caïra !" que la faune délinquante de Marseille pourrait encore prendre comme une insulte et tabasser les forces de l'ordre, encore une fois)

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« DE M. D'ALEMBERT.

A Paris, ce 13 décembre [1756].

Vous avez, mon cher et illustre maître, très-grande raison sur l'article Femme 1 et autres; mais ces articles ne sont pas de mon bail: ils n'entrent point dans la partie mathématique, dont je suis chargé, et je dois d'ailleurs à mon collègue 2 la justice de dire qu'il n'est pas toujours le maître ni de rejeter ni d'élaguer les articles qu'on lui présente. Cependant le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération; et je crois pouvoir vous promettre que le septième volume n'aura pas de pareils reproches à essuyer.
J'ai reçu les articles que vous m'avez envoyés, dont je vous remercie de tout mon cœur. Je vous ferai parvenir incessamment l'article Histoire contresigné. Nos libraires vous prient de vouloir bien leur adresser dorénavant vos paquets sous l'enveloppe de M. de Malesherbes, afin de leur en épargner le port, qui est assez considérable. Quelqu'un s'est chargé du mot Idée. Nous vous demandons l'article Imagination; qui peut mieux s'en acquitter que vous? Vous pouvez dire comme M. Guillaume 3 : Je le prouve par mon drap.
Le roi tient actuellement son lit de justice pour cette belle affaire du parlement et du clergé;
Et l'Église triomphe ou fuit en ce moment 4.
Tout Paris est dans l'attente de ce grand événement, qui me parait à moi bien petit en comparaison des grandes affaires de l'Europe. Les prêtres et les robins aux prises pour les sacrements vis-à-vis 5 les grands intérêts qui vont se traiter au parlement d'Angleterre, vis-à-vis la guerre de Bohême et de Saxe, tout cela me parait des coqs qui se battent vis-à-vis des armées en présence.
Personne ne croit ici que les vers contre le roi de Prusse 6 soient votre ouvrage, excepté les gens qui ont absolument résolu de croire que ces vers sont de vous, quand même ils seraient d'eux. J'ai vu aussi cette petite édition de la Pucelle; on prétend qu'elle est de l'auteur du Testament politique d'Albéroni 7; mais, comme on sait que cet auteur est votre ennemi, il me parait que cela ne fait pas grand effet. D'ailleurs les exemplaires en sont fort rares ici, et cela mourra, selon toutes les apparences, en naissant. Je vous exhorte cependant là-dessus au désaveu 8 le plus authentique, et je crois que le meilleur est de donner enfin vous-même une édition de la Pucelle que vous puissiez avouer. Adieu, mon cher et illustre maître; nous vous demandons toujours pour notre ouvrage vos secours et votre indulgence.
Mon collègue vous fait un million de compliments. Permettez que Mme Denis trouve ici les assurances de mon respect. Vous recevrez, au commencement de l'année prochaine, l'Encyclopédie. Quelques circonstances, qui ont obligé à réimprimer une partie du troisième volume, sont cause que vous ne l'avez pas dès à présent. Iterum vale, et nos ama. »

2 Diderot .

3 Dans l'Avocat Patelin, comédie de Brueys, acte III, scène Il.Page 69 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5675024b/f72.image

4 Bajazet, acte I, scène 2 page 21 : http://readerv4.numilog.com/?BookId=07AC0D69-71D3-4ECA-9A47-A22650F965DF&ExpCode=bnf&cr

« Et le sultan triomphe ou fuit en ce moment . »

5 C'est par ironie que ce mot est employé ici; voir : page 413 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113219/f415.image

8 Ce que fera V* dans ses lettres de décembre à Pierre Rousseau et du 26 mars 1757 à Thieriot .

 

09/09/2012

En fait d'amour, il faut parler et faire

 ... L'un et l'autre sont parfaitement nécessaires, variables, inconstants, faciles ou non, au fil du temps .

 

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« A M. DE CHENEVIÈRES 1.
[décembre 1756]
Grand merci, mon cher confrère, de votre petite pastorale 2.
Vous possédez la langue de Cythère;
Si vos beaux faits égalent votre voix,
Vous êtes maître en l'art divin de plaire.
En fait d'amour, il faut parler et faire;
Ce dieu fripon ressemble assez aux rois
Les bien servir n'est pas petite affaire.
Hélas il est plus aisé mille fois
De les chanter que de les satisfaire.

Il se peut pourtant que vous ayez autant de talents pour le service de Mysis 3 que vous en avez pour faire de jolis vers en ce cas, je vous fais réparation d'honneur.
Si vous avez quelque nouvelle intéressante, je vous prie de m'en faire part, quoique en prose. Je vais faire lire Mysis à Mme Denis la paresseuse, qui n'écrit point, mais qui vous aime véritablement. »

1 François de Chenevières, premier commis au bureau de la guerre, né le 22 novembre 1699, à la Rochefoucauld, mort le 13 novembre 1779, a publié Détails militaires, 1750-68, six volumes in-12°, et les Loisirs de M. de C* 1764, deux volumes petit in-12°. (Beuchot.) Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_de_Chennevi%C3%A8res

2 Il avait envoyé son ballet de Mysis et Glaucé à Voltaire.

3 L'Amour est déguisé sous les traits de Mysis dans ce ballet .

 

08/09/2012

Il est triste pour la capitale qu'elle n'ait pas assez d'émulation pour imiter au moins la province.

 ... Pourquoi mon démon intérieur me souffle-t-il quelques paroles d'une chanson de Brassens ? Le subconscient est décidément un grand maître de l'humour/humeur noir(e) .

 http://www.youtube.com/watch?v=IKGl2mWju_4&feat...

 

nous en province aussi 4661.jpg


 Ne m'en tenez pas rigueur !

 Sourire malgré tout, pour ne pas pleurer .

 

 

« A M. PALISSOT.

30 novembre [1756].

Votre lettre, monsieur, est venue très à propos pour me consoler du départ de M. d'Alembert et de M. Patu. Ils ont passé quelques jours dans mon ermitage 1, qui est un peu plus agréable que vous ne l'avez vu 2. Il mériterait le nom qu'il porte si j'y jouissais d'un peu de santé. Pardonnez à l'état où je suis, si je ne vous écris pas de ma main. Je dois sans doute à votre amitié les bontés dont M. le duc d'Ayen 3 et Mme la comtesse de La Marck veulent bien m'honorer; je me flatte que vous voudrez bien leur présenter mes très-humbles remerciements. Je suis si sensible à leur souvenir que je prendrais la liberté de leur écrire si je n'étais pas tenu au lit par mes souffrances, qui ont beaucoup redoublé. Mon dessein était d'accompagner M. Patu jusqu'à Lyon, et d'y entendre Mlle Clairon sur le plus beau théâtre de France. Il est triste pour la capitale qu'elle n'ait pas assez d'émulation pour imiter au moins la province. Adieu, monsieur; conservez- moi les sentiments d'amitié que vous me témoignez. Je vous assure qu'il me sont bien chers.
M. Vernes 4, qui vient de m'envoyer votre adresse, que vous ne m'aviez pas donnée, vous fait ses compliments. »

1 Les Délices .

2 Au mois d'octobre 1755.

3 Louis de Noailles, né à Versailles le 21 avril 1713; connu, de 1737 à 1766, sous le titre de duc d'Ayen, et ensuite sous celui de duc de Noailles; nommé maréchal de France le 30 mars 1777. La Correspondance contient, à son adresse, une lettre du 30 mars 1777. La comtesse de La Marck (Marie-Anne-Françoise de Noailles), nommée dans la lettre du 1er décembre 1755, à Palissot, était une des soeurs du duc d'Ayen. (CL.) Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/22/c-est-le-jugement-dernier-pour-ce-pays-la-il-n-y-a-manque-qu.html

 

07/09/2012

il est difficile d'être court et plein, de discerner les nuances, de ne rien dire de trop et de ne rien omettre

... Comme disaient Passe-Partout et Passe-Muraille après leur douzième pastis en compagnie du père Fouras .

 

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Je n'en dirai pas plus à ce propos , afin de ne pas vous ennuyer, mais sachez cependant qu'il s'en passe de belles à Fort Boyard quand les tigres sont encagés . Il en est qui m'ont affirmé que le fort tanguait (Félindra et la Luciole ), et je n'en doute pas .

 

 

 

« A M. D'ALEMBERT.

29 novembre [1756].

J'envoie, mon cher maître, au bureau qui instruit le genre humain, Gazette, Généreux, Genre de style, Gens de lettres, Gloire et Glorieux, Grand et Grandeur, Goût, Grâce, et Grave 1.
Je m'aperçois toujours combien il est difficile d'être court et plein, de discerner les nuances, de ne rien dire de trop et de ne rien omettre. Permettez-moi de ne traiter ni Généalogie ni Guerre littéraire; j'ai de l'aversion pour la vanité des généalogies je n'en crois pas quatre d'avérées, avant la fin du XIIIe siècle, et je ne suis pas assez savant pour concilier les deux généalogies absolument différentes de notre divin Sauveur 2.
A l'égard des Guerres littéraires, je crois que cet article, consacré au ridicule, ferait peut-être un mauvais effet à côté de l'horreur des véritables guerres. Il conviendrait mieux au mot Littéraire, sous le nom de Disputes littéraires, car, en ce cas, le mot guerre est impropre, et n'est qu'une plaisanterie.
Je me suis pressé de vous envoyer les autres articles, afin que vous eussiez le temps de commander Généalogie à quelqu'un de vos ouvriers. On a encore mis ce maudit article Femme dans la Gazette littéraire de Genève, et on l'a tourné en ridicule tant qu'on a pu. Au nom de Dieu, empêchez vos garçons de faire ainsi les mauvais plaisants croyez que cela fait grand tort à l'ouvrage. On se plaint généralement de la longueur des dissertations; on veut de la méthode, des vérités, des définitions, des exemples.
On souhaiterait que chaque article fut traité comme ceux qui ont été maniés par vous et par M. Diderot.
Ce qui regarde les belles-lettres et la morale est d'autant plus difficile à faire que tout le monde en est juge, et que les matières paraissent plus aisées c'est là surtout que la prolixité dégoûte le lecteur.
Voudra-t-on lire dans un dictionnaire ce qu'on ne lirait pas dans une brochure détachée? J'ai fait ce que j'ai pu pour n'être point long mais je vous répète que je crains toujours de faire mal, quand je songe que c'est pour vous que je travaille. J'ai tâché d'être vrai c'est là le point principal.
Je vous prie de me renvoyer l'article Histoire, dont je ne suis point content, et que je veux refondre, puisque j'en ai le temps. Vous pourriez me faire tenir ce paquet contre-signé chancelier, à la première occasion.
Vous ou M. Diderot, vous ferez sans doute Idée et Imagination; si vous n'y travaillez pas, et que la place soit vacante, je suis à vos ordres. Je ne pourrai guère travailler à beaucoup d'articles d'ici à six ou sept mois j'ai une tâche un peu différente à remplir mais je voudrais employer le reste de ma vie à être votre garçon encyclopédiste. La calomnie vient de Paris par la poste me persécuter au pied des Alpes. J'apprends qu'on a fait des vers sanglants 3 contre le roi de Prusse, qu'on a la charité de m'imputer. Je n'ai pas sujet de me louer du roi de Prusse mais, indépendamment du respect que j'ai pour lui, je me respecte assez moi-même pour ne pas écrire contre un prince à qui j'ai appartenu.
On dit que La Beaumelle et d'Arnaud ont fait imprimer une Pucelle de leur façon, où tous ceux qui m'honorent de leur amitié sont outragés; cela est digne du siècle. Il y aura un bel article de Siècle à faire, mais je ne vivrai pas jusque-là. Je me meurs je vous aime de tout mon cœur et autant que je vous estime.
Mme Denis vous en dit autant. »

2 Voir saint Mathieu, ch. I, et saint Luc, ch. III.