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16/06/2012

Vraiment vous avez bien autre chose à faire qu'à lire mes rêveries; mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service.

 ... C'est possiblement l'effet de mes propres élucubrations , malheureux lecteurs !

Mais je suis absolument sûr que les lettres de Volti piqueront votre curiosité et votre intérêt . Ce ne sont pas des mouches tsé-tsé .

 http://www.deezer.com/music/track/1108022

insomnie_pm-1.jpg

http://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.asp...

 http://www.deezer.com/music/track/8240123


 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 28 mars [1756]

Si je n'avais pas une nièce, mon héros, vous m'auriez vu à Lyon. Je vous aurais suivi à Toulon, à Minorque. Vous auriez eu votre historien avec vous, comme Louis XIV. Que les vents et la
fortune vous accompagnent ! Je ne peux répondre d'eux, mais je réponds que vous ferez tout ce que vous pourrez faire. Si jamais vous pouvez avoir la bonté de me faire parvenir un petit journal de votre expédition, je tâcherai d'en enchâsser les particularités les plus intéressantes pour le public, et les plus glorieuses pour vous, dans une espèce d'Histoire générale qui va depuis Charlemagne
jusqu'à nos jours. Je voudrais que mon greffe fût celui de l'immortalité. Vous m'aiderez à l'empêcher de périr. Il est venu à mon ermitage des Délices des Anglais qui ont vu votre statue à Gênes 1, ils disent qu'elle est belle et ressemblante. Je leur ai dit qu'il y avait dans Minorque un sculpteur bien supérieur. Réussissez, monseigneur; votre gloire sera sur le marbre et dans tous les cœurs. Le mien en est rempli ; il vous est attaché avec la plus vive tendresse et le plus profond respect.
Je me flatte que vous serez bien content de M. le duc de Fronsac 2. On dit qu'il sera digne de vous; il commence de bonne heure.
Oserai-je vous demander une grâce ? Ce serait de daigner vous souvenir de moi, avec M. le prince de Wurtemberg, qui sert, je crois, sous vos ordres 3, et qui m'honore des bontés les plus constantes.
Vous m'avez parlé de certaines rapsodies sur Lisbonne et sur la Religion naturelle. Vraiment vous avez bien autre chose à faire qu'à lire mes rêveries; mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service. »

3 Il participe à la bataille de Minorque : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Minorque_(1756)

 

 

Vous me tournez la tête encore plus que vous ne la coiffez

... Voir aussi : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6149062f/f354

dernier portait de voltaire.jpg

 

 

 

« A mademoiselle Charlotte PICTET

Quand vos yeux séduisent les cœurs,
Vos mains daignent coiffer les têtes
Je ne chantais que vos conquêtes,
Et je vais chanter vos faveurs.

Voilà ce que c'est, ma belle voisine, de faire des galanteries à des jeunes gens comme moi 1. Ils vont s'en vanter partout. Vous me tournez la tête encore plus que vous ne la coiffez, mais vous en tournerez bien d'autres.
Mille tendres respects à père et mère, etc. »

 

1 MIle Charlotte Pictet, fille de Pierre Pictet avait fait présent à Voltaire d'un bonnet qu'elle avait peint de sa main. Elle devint la femme de Samuel Constant de Rebecque. (Beuchot.)

 

14/06/2012

vous, qui êtes avocat; conciliez le passé avec le présent

 ... Ce que je fais, moi qui ne suis pas avocat, en usant du matériel électronique pour diffuser la pensée de cet homme extraordinaire qu'est Voltaire . Colini doit en baver d'envie, lui qui se dit esclave "barbouilleur" du "maigre philosophe".

 Barbouilleurs de rêves

barbouilleurderêves.jpg

 http://www.youtube.com/watch?v=dUdOWfs4pOQ

 

« DE COLINI A M. DUPONT ,

A Monrion, près de Lausanne, 20 mars 1756.

Je ne m'attendais pas à la lettre charmante que je viens de recevoir; je me croyais oublié de vous et du reste du genre humain pour ne faire connaitre ma lourde existence qu'à l'homme dont je suis le barbouilleur. Je vous remercie tendrement, orateur aimable, de votre souvenir; je vous remercierais encore bien plus tendrement, si Mme Dupont vous eût chargé d'un petit mot pour moi dans votre lettre. Des Suisses pourraient-ils me faire oublier un homme comme vous Peut-il y avoir une Lausanienne, quelque jolie qu'elle soit, qui puisse effacer de mon cœur la reconnaissance que je dois à vos anciennes bontés? Pouvez-vous penser que l'amour me fait négliger l'amitié? Ne peut-on pas aimer à la fois une maitresse et un ami ? Schœpflin 1 vous dira que je lui parle toujours de vous dans toutes mes lettres. J'oserais vous importuner quelquefois si le digeste, le code, Bartole 2, Cujas 3, et tant d'autres gros docteurs dont vous êtes souvent entouré, ne m'effrayaient pas.

Je vais vous parler de mes occupations des bords du lac Léman, et des livres que nous faisons. Vous seriez bien étonné si vous voyiez actuellement ce maigre philosophe que vous vites jadis dans un caveau de la rue des Juifs 4. Quel changement ! Il est tout aussi maigre que vous l'avez vu; mais il a une maison de campagne assez bien ornée près de Genève; il en a une autre près de Lausanne, et il est en marché pour en louer une autre à Rolle, qui est à peu près à moitié chemin de Genève à Lausanne. Cette dernière maison le décidera à aller plus souvent de Monrion aux Délices et des Délices à Monrion. Il a six chevaux 5, quatre voitures, cocher, postillon, deux laquais, valet de chambre, un cuisinier français, un marmiton, et un secrétaire c'est moi qui ai cet honneur. Les diners qu'on donne aujourd'hui sont un peu plus splendides que ne l'étaient ceux qu'on donnait à Colmar, et on a presque tous les jours du monde à diner. Voilà pour le luxe; faites à présent vos réflexions, et vous, qui êtes avocat; conciliez le passé avec le présent.

L'article des belles-lettres ne va pas mal; je ne cesse d'écrire, et je suis obligé de vous dire que nous faisons plus de besogne en un jour que votre abbé matériel n'en fait en un an. L'Histoire universelle est toute faite; elle se rejoint au Siècle de Louis XIV, et fait ainsi un cours d'histoire complet, depuis Charlemagne jusqu'à la dernière guerre. Cet ouvrage aurait effrayé tout autre historien que le nôtre. Vous savez qu'on n'a jamais fait d'histoire aussi aisément et à meilleur marché; mais il ne faut dans cette histoire qu'y goûter la beauté du style et y profiter de quelques réflexions et de quelques coups de pinceau qui font de temps en temps le tableau de l'univers en peu de traits. Tout cela n'a rien coûté à notre historien. Vous trouverez dans cette Histoire universelle un grand chapitre sur Louis XIII , on ne l'a fait qu'avec le secours du seul Le Vassor 6, dont ce chapitre est un très-petit extrait fait par un homme de goût 7. L'édition des Ouvres mêlées va être finie, et je pense que MM. Cramer la mettront bientôt en vente.

L'édition de l'Histoire universelle ne se débitera qu'après. J'ignore par quel moyen vous comptez vous procurer un exemplaire de cette nouvelle édition des Œuvres. Vous ne ferez pas mal de tâcher de l'avoir, vous y trouverez une foule de pièces nouvelles. Mais ce qui vous surprendra (et que ceci soit dit entre nous), c'est que vous y trouverez une pièce qu'on vous fit lire il y a quelque temps: c'est un poème sur la Religion naturelle. Le titre fait sentir que cet ouvrage n'est pas d'un chrétien, et je crois que l'auteur a mieux rempli son but que votre abbé n'a rempli le sien sur l'immatérialité de l'âme. Personne ne sait que cet ouvrage sera inséré dans cette nouvelle édition; les Cramer, qui ont débité un petit avis sur cette édition, n'en parlent pas, et je vous prie en grâce de n'en rien dire à personne, afin de ne pas inspirer de curiosité aux fanatiques et aux prêtres, toujours prêts à courir sur ceux qui ont la réputation de vouloir leur cogner sur les doigts. Est-il possible que notre philosophe ne sente point le tort que cet ouvrage peut lui faire? On lui a toujours reproché d'être déiste; il a voulu toujours soutenir que non, pour éviter les tracasseries et les persécutions, actuellement il a l'aveuglement d'imprimer qu'il l'est, et de croire que cet ouvrage ne lui fera qu'honneur. Cette pièce, précédée d'une autre, fait la clôture de l'édition, sous le titre de Supplément aux Mélanges de littérature, etc. Cette autre pièce placée sous ce titre est encore un poème sur la Destruction de Lisbonne, ou Examen de cet axiome TOUT EST BIEN. Vous savez que c'est Pope qui a dit que tout ce qui est est bien. Les tremblements de terre qui ont renversé Lisbonne ont fait dire à notre poète que tout n'est pas bien; il fit un poème sur cet événement terrible, et lorsque ce poème n'était encore qu'une ébauche, il eut la bêtise de le lire à quelques Suisses. Ces Suisses, s'imaginant que le poète combattait l'axiome de Pope, crurent qu'il n'admettait que la proposition contraire, savoir que dans ce monde tout est mal. Cette bévue de quelques Suisses n'a pas laissé de lui faire quelque petite tracasserie. Le poète se plaint, à la vérité, que nous habitions un globe qui parait miné, et que nous soyons exposés à des événements si affreux; mais il se résigne à la volonté de Dieu. Comme je suis convaincu du secret de votre part, je vais vous transcrire le commencement de ce poème.
O malheureux mortels! ô terre déplorable! 1
O de tous les fléaux assemblage effroyable!
D'inutiles douleurs éternel entretien
Philosophes trompés, qui criez Tout est bien,
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants, l'un sur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours.
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous, etc.

Je vous ai ennuyé plus que de raison. Pardonnez ce griffonnage je vous ai écrit fort à la hâte et avec crainte. N'oubliez pas un homme qui vous sera attaché toute sa vie. Schœpflin vous dira que je voudrais pouvoir quitter les bords de ce lac à la première occasion. S'il se présente quelque chose, cher ami, ne m'oubliez pas, vous ne sauriez croire combien je vous. serai obligé, et combien mon esclavage est dur. Je présente mes tendres respects à Mme Dupont. Adieu recommandez-moi à ceux qui ont quelque bonté pour moi. Je vous serai tendrement et inviolablement attaché toute ma vie.

COLINI. »

 

1 Jean-François Schoepflin le jeune, imprimeur à qui V* avait pr^té de l'argent et donne à imprimer les Annales de l'Empire . V* connut aussi Jean-Daniel Schoepflin, historien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Daniel_Schoepflin

2 Ancien jurisconsulte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartole

3 Jacques Cujas, jurisconsulte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Cujas

4 Où Voltaire logeait à Colmar.

5 Il y a sur ces six chevaux une anecdote fort originale et bien peu connue. A peine installé aux Délices, M. de Voltaire fit acquisition d'un étalon danois excessivement vieux, avec lequel il se proposait d'établir un haras dans sa terre. Il avait cette demi-douzaine de vieilles juments dont parle Colini, pour le traîner, lui et sa nièce; et pour réaliser son beau projet, il se résolut, un matin, aller à pied pour livrer les six demoiselles aux plaisirs de l'étalon il espérait être dédommagé de cette petite gêne par une belle race de chevaux danois nés aux Délices. Ses essais ne furent point heureux les efforts du vieux Danois ne fructifièrent point, et Voltaire écrivit, à cette occasion, un chapitre sur les causes de la stérilité. Mais voici le curieux. On assure que le philosophe, avant d'avoir reconnu. l'impuissance de son Danois, tout fier de la race nouvelle qu'il allait perpétuer en France, donnait chaque jour, après le diner, aux personnes qui venaient le voir le spectacle des joyeux ébats de son sultan; il voulait surtout le montrer aux femmes qui venaient diner chez lui « Venez, mesdames, s'écriait-il, voir le spectacle le plus auguste; vous y verrez la nature dans toute sa majesté. »
Cette folie donna à M. Huber, si connu pour ses découpures, l'idée d'un petit tableau en ce genre, qui se vendit quinze louis. (Note du premier éditeur.)

6 Michel Le Vassor : Histoire du règne de Louis XIII , 1700 : http://books.google.fr/books?id=t2heIRqrgTMC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

7 Voilà un. ouvrage assez lestement apprécié; et, pour un homme d'esprit, M. Colini en montre bien peu dans ce jugement, que l'opinion publique n'a pas confirmé. Il aurait fallu, peut-être, que M. de Voltaire inventât les faits de l'Histoire universelle, pour plaire à M. Colini sans doute, alors, il eût dit que c'était un ouvrage neuf. (Note du premier éditeur.)

 

13/06/2012

Je n'ai point songé dans cet ouvrage à avoir de l'esprit, mais à donner à ceux qui en ont de fréquentes occasions de réfléchir

 

 

… «  Je n'ai pas songé dans ce tweet à semer la zizanie au sein du PS et des législatives, mais donner mon avis qui vaut bien celui des pontes du parti . »

Persiste et signe (selon James, et ceux qui gardent leur sang froid ) : Valérie Trierweiler

Dernière minute, voir : http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Tweet.-Recadree-par-Hollande-et-Ayrault-Valerie-Trierweiler-assume_39382-2086669_actu.Htm

Madame, je vous salue .


J'ajouterai que sont autrement détestables, -bien que non étonnants au sein de l'UMP en dérive, - les propos d'une lâcheté remarquable de la Nadine Morano qui lèche le cul bleu de Marine , de même que quelques uns qui sentent venir la perte d'un pactole électoral . Beau panier de crabes , mais attention, toxiques .


Prenons un peu de hauteur !

Feu vert pour la gauche

Feu rouge pour la droite

Feu rouge pour l'ex majorité qui va droit dans le mur

 

feu vert a gauche oui .JPG


 

 

« A M. BERTRAND

Aux Délices, 18 mars 1756.

Mon cher philosophe, on est quelquefois bien honteux de remplir ses devoirs. J'ai cru en remplir un en vous envoyant ce gros recueil, mais soyez bien sûr que je sens combien un tel hommage est à plusieurs égards indigne d'un homme qui pense si bien. A force d'avoir écrit on finit par souhaiter de n'avoir jamais écrit, on sent la vanité et le néant de tous ces amusements de l'oisiveté. S'il y a dans ce ramas informe quelque chose qui demande grâce pour le reste, et qui puisse vous faire passer un demi-quart d'heure sans ennui, je serais presque consolé d'avoir perdu tant de temps dans ces pénibles et frivoles occupations. Peut-être l'Histoire générale qu'on imprime méritera-t-elle un peu plus vos regards, parce que j'ai choisi des matières plus intéressantes. Je n'ai point songé dans cet ouvrage à avoir de l'esprit, mais à donner à ceux qui en ont de fréquentes occasions de réfléchir. Ce seront les lecteurs sages qui feront mon livre, et il sera meilleur entre vos mains que dans d'autres,
J'étais las des historiens qui m'apprenaient que Volfang épousa Éléonore et que Jean succéda à Pierre. J'ai voulu voir quid turpe, quid utile, quid non 1. Et vous le verrez bien mieux que moi.
Mme de Freudenreich est-elle à Berne? Voulez-vous bien lui présenter mes respects et ceux de toute ma famille, que j'ai rassemblée au bord du lac? Ne m'oubliez pas, je vous en supplie, auprès de monsieur le banneret si vous lui écrivez.
Je crois que le siège du port Mahon tire à sa fin, et qu'avant le mois d'août les habitants des Iles Cassérides 2 n'auront plus d'ile dans la Méditerranée. Il est bon que chacun reste chez soi.
Je vous embrasse tendrement, mon cher ami.

V. »


1 Horace : Qui quid sit pulchrum , quid turpe, quid utile, quid non,
Plenius ac melius Chrysippo ac Crantore dicit

= Sur le beau, le honteux, l'utile et leurs contraires,

Il en dit plus et mieux que Chrysippe et Crantor .

2 V* évoque ici une des options de ces iles légendaires qui auraient pu être les Iles Britanniques .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Eles_Cassit%C3%A9rides

 

 

12/06/2012

ce mal ne fait le bien de personne, à moins qu'on ne dise que votre constipation a été prévue de Dieu pour le bonheur des apothicaires

... " Ah ! ce que le dessein de Dieu pour l'Homme peut être chiant, parfois . "

Signé FUCA.

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« A madame de  FONTAINE.

A Monrion, 17 mars [1756]

Ma chère enfant, je savais, il y a longtemps, qu'Esculape-Tronchin était à Paris et j'ai été fidèle à un secret qu'il ne m'avait pas dit. Je le déclare indigne de sa réputation s'il ne vous donne pas un cul et des tétons. Vous ferez très-bien de venir avec MM. Tronchin et Labat; une femme ne peut se damner en voyageant avec son directeur, ni mal se porter en courant la poste avec son médecin.
Votre frère a donc quitté son pot à beurre 1 pour vous; et il va soutenir la cause du grand-conseil contre les gens tenant la cour du parlement. Nous l'embrassons tendrement, votre sœur et moi. Nous comptions aller faire un petit tour à Lyon, pour la dédicace du beau temple dédié à la comédie, que la ville a fait bâtir moyennant cent mille écus. C'est un bel exemple que Lyon donne à Paris, et qui ne sera pas suivi, mais l'autel ne sera pas prêt, et on ne pourra y officier qu'à la fin de juin 2. Nous viendrons ou vous recevoir à Lyon, ou nous vous y reconduirons des petites Délices du lac. Enfin nous nous verrons, et tout s'arrangera, et je dirai Tout est bien.

C'est Satan qui a fait imprimer l'ébauche de mon sermon. J'ai, dans un accès de dévotion, augmenté l'ouvrage de moitié, et j'ai pris la liberté de raisonner à fond contre Pope, et de plus, très- chrétiennement. Il y a sans doute beaucoup de mal sur la terre, et ce mal ne fait le bien de personne, à moins qu'on ne dise que votre constipation a été prévue de Dieu pour le bonheur des apothicaires. Je souffre depuis quarante ans, et je vous jure que cela ne fait de bien à personne. La maladie de M. de Séchelles 3 ne fera aucun bien à l'État. Pour la comédie 4 de La Noue, elle lui fera quelque bien, quoiqu'on dise qu'elle ne vaut pas grand' chose.
Votre sœur se donne quelquefois des indigestions de truite, et fait toujours sa cour à Alceste 5 et à Admète. Je fais de mon côté de la mauvaise prose et de mauvais vers. Je griffonne quelques articles pour l'Encyclopédie; je bâtis une écurie, je plante des arbres et des fleurs, et je tâche de rendre l'ermitage des Délices moins indigne de vous recevoir. Je vous embrasse tendrement, vous et les vôtres, et frère et fils, et vous recommande un cul et des tétons, ma chère nièce. »

 

1 Sans doute l'abbaye de Scellières, où l'abbé Alexandre-Jean Mignot allait de temps en temps. Voir : http://www.ville-ge.ch/bge/imv/gazette/29/a_propos.html

3 Voyez la note 1, tome XXXVI, page 55 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411352q/f58.image

4 La Coquette corrigée, citée plus haut dans la lettre du 8 janvier 1756 à d'Argental , reprise avec succès le 27 novembre 1756. Mme Denis, auteur de la comédie très-inconnue de la Coquette punie, prétendait que La Noue lui avait pillé « les plus belles situations et les meilleurs vers de sa pièce » (Correspondance littéraire de Grimm, V, 394, édition de 1829.) Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/05/04/la-cour-d-espagne-envoie-quatre-vaisseaux-de-guerre-a-buenos.html

5 Mme Denis avait entrepris une tragédie d'Alceste.

 

Je fais aussi la guerre aux Anglais à ma façon.

 ... Comme dit Laurent Blanc avec Nasri !

http://www.laposte.net/thematique/sports/football/article...

Je me garde bien de regarder le foot à la télé, ce sport me laissant de marbre, au mieux agacé, au pire dégoûté .

 http://www.deezer.com/music/track/6107261

war rior.jpgSuperWarrior


 

 

 

« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 12 mars [1756]

Il faut, mon ancien ami, que l'âge ait dépravé mon goût. Je n'ai pu tâter des deux plats que vous m'avez envoyés par M. Bouret. Je vous remercie, et je ne peux guère remercier l'auteur. Si vous avez l'ancienne Religion naturelle, en quatre chants 1, je vous prie de me l'envoyer.
Si vous avez à vous défaire d'un nombre de livres curieux, envoyez-moi la liste et le prix.
Si vous aimez les vers honnêtes et décents, voici ceux 2 qui termineront le sermon sur Lisbonne, lâchez-les pour apaiser les Cerbères.
Quel est l'ignorant qui veut qu'on mette l'ouvrier au lieu du potier 3? Cet ignorant-là n'a pas lu saint Paul.
Il ne tient qu'à moi d'aller voir l'opéra de Mérope, de la composition du roi de Prusse, qu'il fait exécuter le 27 mars 4; mais je n'irai pas.
En retrouvant votre dernière lettre, j'ai vu que vous m'y disiez de vous envoyer la nouvelle édition de mon Petit Carême par la poste, et que vous vouliez la faire réimprimer sur-le-champ, à l'usage des âmes dévotes. J'obéis donc à votre bonne intention, mon ancien ami. Si on ne veut pas se servir de la préface des éditeurs de Genève, il en faut une qui soit dans le même goût, et qui dise combien ces deux poèmes ont été tronqués et défigurés. Il est très-triste assurément qu'on les ait imprimés sans avoir mon dernier mot; mais le voici. Je fais aussi la guerre aux Anglais à ma façon.
J'espère que M. le maréchal de Richelieu leur prouvera, à la sienne, qu'il y a pour eux du mal dans ce monde 5. Je vous embrasse. »

 

2 Vers 207 et suivants du Poème sur le Désastre de Lisbonne : http://fr.wikisource.org/wiki/Po%C3%A8me_sur_le_d%C3%A9sastre_de_Lisbonne

3 Vers 91 du même poème, que Voltaire appelle ici son Petit Carême. : « Le vase, on le sait bien, ne dit point au potier :
« Pourquoi suis-je si vil, si faible et si grossier ? »

On lit aussi dans Isaïe, chap. XLV, v. 9 « Numquid dicet lutum Agulo suo, etc. » : http://www.biblia-cerf.com/BJ/is45.html

4 Musique de Graun : http://operabaroque.fr/GRAUN.htm

5 Allusion à l'optimisme de Pope.

 

11/06/2012

Il faut que vous souteniez la cause de la veuve, de l'orphelin, et du juif d'Alsace.

... Ce qui nous met en lumière ceux qui avaient besoin d'avocats en cette deuxième moitié de XVIIIè siècle , et que Voltaire saura lui aussi défendre par ses engagements et écrits .

Emporté par les flots ...

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... de l'injustice .

 

 

 

« A M. DUPONT,
Avocat.

Aux Délices, 10 mars [1756]

Mon cher ami, le séjour de Colmar n'a point été triste pour moi; j'y travaillais, je vous voyais, et je vous regrette. J'ai passé l'hiver à Monrion avec notre ami de Brenles. Nous aurions bien voulu que le temps des vacances eût été en hiver, et que vous eussiez pu venir dans cet ermitage. Celui où je suis à présent vous plairait davantage j'ai trouvé, en arrivant, des fleurs épanouies dans mes parterres.
Comptez que les environs du lac Léman ne sont point barbares, les habitants le sont encore moins. Il n'y a point de ville où il y ait plus de gens d'esprit et de philosophes qu'à Genève. Ma maison ne désemplit pas, et j'y suis libre. Je suis au désespoir que votre destinée vous fixe à Colmar, car probablement je n'y retournerai pas, et vous ne viendrez point à mes Délices. Il faut que vous souteniez la cause de la veuve, de l'orphelin, et du juif d'Alsace. Courage ! plaidez et aimez les deux Suisses qui vous aiment, et qui font mille compliments à Mme Dupont. Ne nous oubliez pas auprès de monsieur et de madame 1, etc. »

1 M. et Mme de Klinglin.