07/02/2013
Il s'intitula fort mal à propos singe de la philosophie
... Car il en est le guignolo, et je parle ici du trop célèbre BHL, bien connu de sa mère et de sa concierge qui, ici, gardent l'anonymat, BHL pour sa part gardant la main sur son portefeuille .
« A Madame Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Épinay.
[novembre-décembre 1757]
Madame, quand je vous appelai la véritable philosophe des femmes, cela n'empêcha pas que notre docteur 1 ne fût le véritable philosophe des hommes. Il s'intitula fort mal à propos singe de la philosophie. Plût à Dieu que je fusse son singe - Mais, madame, faut-il que la pluie empêche deux têtes comme la vôtre et. la sienne de venir raisonner dans mon ermitage? Nous aurons l'honneur de venir chez vous, madame, quand vous l'ordonnerez, quand vous voudrez nous recevoir, et que je serai quitte de ma colique.
Je vous présente mon respect.
V. »
16:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
Le docteur pense que je me porte bien parce que je ne suis pas mort
... Et pour confirmer son avis, je me garde bien d'aller le consulter ; nous nous en trouvons bien tous deux, lui n'ayant rien à découvrir, moi restant le meilleur gardien de ma carcasse .
Dr Knock disait que "tout homme sain est un malde qui s'ignore", et moi je dis que tout malade est un homme sain qui a eu l'imprudence de voir un médecin .
« A François Tronchin
conseiller d’État [à Genève]
[novembre – décembre 1757]
M. de Boisy 1 m'a gratifié d'arbres de quarante pieds de haut . Cela devient mon cher ami un de vos immeubles . C'est à vous à partager le reconnaissance . Je vous supplie de lui faire comprendre que je ne suis point un ingrat .
J'apprends qu'il est à Genève . Vous savez que je ne sors jamais, que je passe ma vie dans les souffrances et en robe de chambre . Le docteur pense que je me porte bien parce que je ne suis pas mort . Il se trompe beaucoup . Je suis sur la roue au moment que je vous écris . Je vous demande infiniment de me justifier auprès de M. de Boisy .
Pour Mme d'Epinay elle doit bien savoir que ce n'est pas de bon gré que je ne suis pas tous les jours à ses pieds. »
1 Isaac de Budé, seigneur de Boisy : http://gw5.geneanet.org/rossellat?lang=fr;iz=18662;p=isaac;n=de+bude;oc=1
V* avait parlé le 4 janvier 1756 (lettre à François Tronchin) de Bernard de Boisy (1676-17 avril 1756) seigneur de Fernex, fils de Guillaume de Budé, seigneur de Boisy (1643-1729) .
10:42 | Lien permanent | Commentaires (0)
06/02/2013
Puisse-t-il madame respecter vos grands yeux noirs et vos pauvres nerfs
... Fermez les yeux et répétez après moi : tout est calme, luxe et volupté, ôôôômmmm mani padme ôôôômmmm !
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
[novembre-décembre 1757]
Heureusement Mme d'Epinay ne craint point le froid . Sans cela je craindrais bien pour elle ce maudit vent du nord qui tue tous les petits tempéraments . Puisse-t-il madame respecter vos grands yeux noirs et vos pauvres nerfs . Quand honorerez-vous notre cabane de votre présence ?
V. »
15:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
vous me faites bien de l'honneur de croire que je suis assez sage pour inspirer la sagesse
... Rire de moi , et assez fou pour rester raisonnable .
Folle sagesse
http://actualitemlj.blogspot.fr/
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay 1
[novembre-décembre 1757]
Vraiment madame vous me faites bien de l'honneur de croire que je suis assez sage pour inspirer la sagesse . Je serai seulement le témoin de celle de monsieur votre fils 2, de tout son mérite, et de son envie de vous plaire . Je vois bien qu'il vous a gâtée . Vous êtes si accoutumée à le voir au dessus de son âge que quand il s'en rapproche vous êtes tout étonnée . Il vous a accoutumée à une perfection bien rare, il vous a rendue difficile . Je serai enchanté de le voir , lui et son aimable mentor . Mais pourquoi suis-je à la fois si près et si éloigné de la mère ? pourquoi me suis-je interdit Genève ? pourquoi ne suis-je plus que jardinier ? Je devrais vous faire ma cour tous les jours et je serais le plus assidu de vos courtisans si mon goût décidait de mes marches . Mais vous étendez votre empire sur les absents comme sur les présents . Personne ne sent plus tout votre mérite, ne vous est attaché plus véritablement et avec plus de respect que le Suisse
V. »
2 Louis-Joseph Lalive d’Épinay (25 septembre 1746 - 10 avril 1813), qui sera militaire, éditeur et musicien.
14:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
05/02/2013
César disait que les Français étaient quelquefois plus qu'hommes, et quelquefois moins que femmes
... Que dirait-il de nos jours ? La même chose, je crois . "Plus qu'hommes" ça me laisse pensif, "moins que femmes" je n'imagine pas et je pense que les femmes ne doivent pas porter dans leurs coeurs un empereur-dictateur qui les mets au bas de l'échelle des valeurs .
Le progrès matériel n'a rien vraiment changé à la nature humaine en général, et à la française en particulier .
Le Français reste un grand consommateur de fruits de mer
« A M. Élie BERTRAND.
Premier pasteur de l’Église française à Berne
26 novembre [1757].
Mon cher et humain philosophe, l'aîné Cramer est en Portugal 1, le cadet court et fait l'amour; je lui parlerai de souscrire, et je crois qu'il le fera.
César disait que les Français étaient quelquefois plus qu'hommes, et quelquefois moins que femmes. Ils n'ont pas été hommes avec le roi de Prusse.
Il ne faut pas renoncer sitôt à sa religion pour quelques objections spécieuses. On vous a envoyé des pétrifications. Eh bien y en a-t-il de plus singulières que la concha Veneris et la langue du chien marin 2? Cependant ni les chiens marins ne sont venus déposer leur langue en Calabre, ni Vénus n'y a laissé son bijou. On vous a montré des coquilles. Eh bien! y avait-il de meilleures huîtres que dans le lac Lucrin?3 et tous les lacs n'ont- ils pas pu fournir des huîtres et des poissons ? Que la mer soit venue à cinquante lieues dans les terres, qu'elle forme et qu'elle absorbe des îles, cela est commun mais qu'elle ait formé la chaîne des montagnes du globe, cela me parait physiquement impossible 4. Tout est arrangé, tout est d'une pièce.
Si quid novisti rectius istis, Candidus imperti 5.
Interim, vale, et me ama.
V.
Je fais un beau jardin que la mer n'engloutira pas. »
1 Sur Gabriel Cramer, voir lettre du 24 février 1757 à Pierre Rousseau : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/06/calvin-etait-un-tres-mechant-homme-altier-dur-vindicatif-et.html
et sur ses voyages, voir lettre du 5 novembre 1757 à Gabriel Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/24/je-ne-hais-pas-d-avoir-des-doubles-de-tous-les-livres-d-usag.html
2 Chien marin : http://dvlf.uchicago.edu/mot/chien-marin . Voir : http://www2.unil.ch/BCU/informations/expositions/2002/florilege/poissons.htm
3 Lac Lucrin , en Italie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Lucrin
4 En 1746, V* avait déjà donné ses vues sur ce point dans Dissertation …. sur les changements arrivés dans notre globe .Voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Dissertation_sur_les_changements_du_globe/%C3%89dition_Garnier
Bernard en 1752 édita un Mémoire sur la structure intérieure de la terre et plus tard donnera le Dictionnaire universel des fossiles propres et des fossiles accidentels . Voir : http://books.google.fr/books?id=vwwKAAAAIAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
et : http://books.google.fr/books?id=js8QAAAAIAAJ&printsec...
V* resta sur sa position de l'impossibilité d'avoir des fossiles marins au sommets de montagnes . Il en parlera encore dans son Homme aux quarante écus ; voir chapitre VI : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-conte-l-homme-aux-quarante-ecus---partie-2-69201927.html
16:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je vous ai demandé mon cher monsieur bien des choses pour me consoler
... Car il ne me reste que des yeux pour pleurer, ne pouvant pas m'offrir d'être une fashion victim en ces derniers jours de soldes .
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
Le roi de Prusse avoue qu'il a eu cent hommes de tués et deux cent soixante de blessés dans notre bataille des éperons . Voyez la malice d'avoir placé de l'artillerie sur des plateaux sans que nos généraux s'en soient doutés .1
Je vous ai demandé mon cher monsieur bien des choses pour me consoler . J'ajoute à mes insolences une veste d'or écrasé à fond cramoisi . J'attends toutes les bontés de M. Robert Tronchin, son fermier va vite planter , et finir .
V.
25 [novembre 1757] »
1 On trouve aussi ce paragraphe placé comme post scriptum dans la lettre du 23 novembre 1757 à J.R Tronchin .
14:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
il est toujours bien doux de n'être pas haï de ceux qu'on admire
... Tout comme il est possible d'aimer ceux qu'on n'admire pas .
Je pense que ceux qui n'aiment que ceux qu'ils admirent se privent de bien des joies, et qu'au fond ils se donnent une importance qu'ils n'ont pas , qu'ils se trouvent bien sûr admirables eux-mêmes et que leur égo s'enfle par personne interposée (voir fans clubs ) . Je n'ai pas grande sympathie pour cette attitude exclusive .
Doux !
et admirable ?
et aimable ?
« A Madame Louise-Dorothée Von MEININGEN, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, près de Genève, 24 novembre [1757].
Madame, la lettre dont Votre Altesse sérénissime m'honore est un grand témoignage de la générosité de votre cœur. Vos États ont été le théâtre de la guerre, et vous daignez penser à moi. Quel jour, madame, que celui où elle a daigné m'écrire 1! C'est celui où cette nation, dans laquelle vous avez trouvé des gens aimables, était bien malheureuse; c'est celui où un roi, à qui ses ennemis ne peuvent refuser leur admiration, se couvrait de gloire par la plus habile conduite et par le plus grand courage. Il a dû repasser par vos États, madame, des milliers de blessés. Encore si c'étaient de vos maudits Croates, qui sont si incivils? Mais ce sont des gens très-polis, et qui certainement avaient eu pour Votre Altesse sérénissime tout le respect qu'on lui doit. Plût à Dieu que cette sanglante journée fût au moins un acheminement à une paix générale ! C'est tout ce que je peux dire. Je plains ma nation; je m'intéresse tendrement à tout ce qui vous touche, madame. J'admire l'homme dont Votre Altesse sérénissime me parle; je la remercie de tout ce qu'elle aura daigné lui dire de moi. Je n'ai en vérité d'autre objet, d'autre espérance que la retraite, et à mon âge la tranquillité est le comble de la fortune. Mais il est toujours bien doux de n'être pas haï de ceux qu'on admire. C'est à vos bontés, madame, que je dois les siennes. Il a été assez grand pour me confier ses malheurs, et il est peut-être actuellement si occupé qu'il ne me parlera pas de ses succès, ou, s'il daigne m'en parler, ce sera avec une modération qui relèvera sa gloire.
Je me mets à vos pieds, madame, avec la plus vive reconnaissance, avec le plus profond et le plus tendre respect. Je ne regrette que de ne pouvoir être témoin des progrès des princes vos enfants, et de ne point voir leur auguste mère. Je présente les mêmes respects et les mêmes regrets à monseigneur.
La grande maîtresse des cœurs 2 ne donne-t-elle pas du bouillon à quelque blessé dans le meilleur monde possible? 3»
2 Julienne-Françoise de Buchwald, née de Neuenstein, grande gouvernante de la duchesse Louise-Dorothée, naquit le 7 octobre 1707, et mourut le 19 décembre 1789. Charles de Dalberg a fait son éloge dans un petit ouvrage intitulé : Madame de Buchwald. Seconde édition. Erfurt, 1787, vingt-quatre pages in-8. Frédéric II dira d'elle dans une lettre à sa sœur la margrave de Baireuth, le 17 septembre 1757 : « Madame de Buchwald me paraît une femme très-estimable, et qui vous conviendrait beaucoup : de l'esprit, des connaissances, point de prétentions, et un bon caractère. » : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/27_1/346/text/
3 Cette dernière phrase est écrite en marge sur le manuscrit . Elle laisse supposer que Candide est en gestation .
11:29 | Lien permanent | Commentaires (0)