11/05/2017
Tout ce qu’on doit faire, à mon avis, c’est de remontrer fortement qu’il est de son intérêt et de son honneur d’employer utilement un homme qui a été quinze ans utile ; et je suis persuadé que par cette voie on pourra obtenir un poste avantageux
... On croirait entendre Manuel Valls qui, faute d'un vrai métier tient à vivre de la politique, et fait ses manoeuvres d'approche auprès de notre président . "Utile quinze ans " : laissez-moi rire, quinze mois semblent suffisants pour faire le compte . Combien sont-ils ceux qui font leur cour au mouvement En Marche pour se re/caser ?
Pas de passe-droits en tout cas !
On n'est pas loin de la réalité ...
« A Etienne-Noël Damilaville
Le 25 juin [1762]
Les frères des Délices ont reçu les lettres du 19 Juin de leur cher frère. Ils cherchent le Contrat social . Ce petit livre a été brûlé à Genève dans le même bûcher que le fade roman d’Émile ; et J.-J. a été décrété de prise de corps comme à Paris. Ce Contrat social ou insocial n’est remarquable que par quelques injures dites grossièrement aux rois, par le citoyen du bourg de Genève, et par quatre pages insipides contre la religion chrétienne. Ces quatre pages ne sont que des centons 1 de Bayle. Ce n’était pas la peine d’être plagiaire. L’orgueilleux Jean-Jacques est à Amsterdam 2, où l’on fait plus de cas d’une cargaison de poivre que de ses paradoxes.
L’affaire de mon frère 3 m’intéresse bien davantage . Mais si monsieur le contrôleur-général a promis à un ancien ami, personne ne pourra s’y opposer, ni être bien reçu à le solliciter. Tout ce qu’on doit faire, à mon avis, c’est de remontrer fortement qu’il est de son intérêt et de son honneur d’employer utilement un homme qui a été quinze ans utile ; et je suis persuadé que par cette voie on pourra obtenir un poste avantageux.
Je suis toujours en peine d’un Meslier envoyé à mon frère pour le marquis d’Argence, en son château de Dirac, près d’Angoulême . Je prie mon frère de m’en donner des nouvelles. Je répète que le Despotisme oriental 4 pourrait bien avoir été pincé, pour avoir été indiscrètement envoyé en forme de livre.
La Mort de Socrate 5 est un beau sujet dans une république où l’on peut mettre sur le théâtre l’injustice, l’ignorance, la sottise, et la cruauté des juges. Je souhaite que ce sujet réussisse en France.
Voulez-vous des Meslier et autres drogues ? j’en pourrai découvrir dans les greniers du pays. »
2 Faux bruit, il est à Yverdon .
3 L'avancement de Damilaville .
4 Voir lettre du 26 janvier 1762 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/01/17/nos-infames-ennemis-se-dechirent-les-uns-les-autres-c-est-a-5899929.html
5 Tragédie de Sauvigny, jouée l'année suivante .
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10/05/2017
Ah ! quel plaisir pour des âmes comme les vôtres, quand vous aurez retiré de l’abîme une famille entière ! Il ne vous en coûtera que de parler
...
«A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grace Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
25 juin 1762 1
Mes divins anges, Jean-Jacques est un fou à lier, qui a manqué à tous ses amis, et qui n’avait pas encore manqué à madame de Luxembourg 2. S’il s’était contenté d’attaquer l’infâme, il aurait trouvé partout des défenseurs, car l’infâme est bien décriée. Il a trouvé le secret d’offenser le gouvernement de la bourgade de Genève, en se tuant de l’exalter. On a brûlé ses rêveries dans la bourgade, et on l’a décrété de prise de corps comme à Paris ; heureusement pour lui, son petit corps est difficile à prendre. Il est, dit-on, à Amsterdam 3. Je suis fâché de tout cela. Eh ! que deviendra la philosophie ? Mes divins anges, ces messieurs de la poste sont plus rétifs que leurs chevaux. On va donc jouer Socrate ; Dieu veuille que Socrate ne soit pas aussi froid que sa ciguë !4
Verra-t-on Henri IV 5 à la comédie, ou se contentera-t-on de le voir sur le pont Neuf ?
Le Droit du Seigneur est-il oublié ? C’est pourtant un beau droit ; et il y avait une drôle de dédicace 6 pour M. de Choiseul.
J’ai accablé mes anges d’importunités et de mémoires pour des Suisses . Je leur en demande bien pardon.
Mais je les conjure plus que jamais de protéger de toutes leurs ailes la veuve du roué et la mère du pendu. Comptez que ces gens-là sont innocents comme vous et moi . Je ne doute pas que la veuve infortunée ne soit venue vous implorer ! Ah ! quel plaisir pour des âmes comme les vôtres, quand vous aurez retiré de l’abîme une famille entière ! Il ne vous en coûtera que de parler , vous serez comme les enchanteurs qui faisaient fuir les démons avec quatre mots.
Mes anges, c’est une étrange pièce que cette Zelmire 7, et le parterre est un étrange parterre.
Est-il vrai que M. le duc et madame la duchesse de Choiseul étaient en grande loge au triomphe de Palissot 8 ? et que ce Palissot avait donné à Bellecour un discours à prononcer quand on demanderait l’auteur, l’auteur, l’auteur ?
Et que dites-vous de cet autre Palissot de Fleury, qui crie 9 tant contre la tolérance 10, et qui dit que Jean-Jacques écrit contre l’existence de la religion chrétienne ? Quel est le plus fin de Jean ou d’Omer ?
Ah ! quel siècle, quel siècle ! »
1 Le manuscrit olographe est passé à la vente Dubrunfaut , le 22 décembre 1884 .
2 Elle avait protégé la publication de l'Emile .
3 Il était en fait à Yverdon .
4 Allusion à La Mort de Socrate, d'Edmée-Louis Billardon de Sauvigny, représentée le 9 mai 1762 .
5 La partie de chasse, de Collé .
6 On n'a pas cette dédicace qui ne fut jamais publiée, mais V* put s'en inspirer pour écrire celle des Scythes en 1767 .
7 Par du Belloy .
8 Le Rival par ressemblance ou les Méprises, (aussi connues sous le titre des Ménechmes) comédie en cinq actes, jouée le 7 juin 1762 .
9 Dans son réquisitoire contre l'Emile du 9 juin 1762 .
10 Dans la bouche de certains théologiens, tolérance était un terme péjoratif, comme dans l’accusation formulée par Rousseau dans l'Emile : « Que seraient, d'ailleurs, des sujets élevés dans de pareilles maximes, sinon des hommes préoccupés du scepticisme et de la tolérance?[...] »(Viridet, p. 6 )
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09/05/2017
comme nos arrangements sont indispensables, et très aisés à faire, nous les terminerons à la première entrevue
... C'est, j'espère, ce que se disent Emmanuel Macron, son premier ministre et les membres du nouveau gouvernement . Alea jacta est .
Ou un mauvais avocat .
« A François Guillet, baron de Monthoux
Aux Délices, 24 juin 1762
Mme Denis et moi, monsieur, nous serons bien plus aises de vous voir avec Mme de Monthoux que de finir nos comptes .
Cependant comme nos arrangements sont indispensables, et très aisés à faire, nous les terminerons à la première entrevue .
Vous connaissez les sentiments respectueux avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire. »
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Destructif de tout gouvernement. Comment trouvez-vous ce mot ?
... Parfaitement juste concernant les projets du FN (= Fake News ), heureusement remis aux calendes grecques .
Conclusions du procureur général Jean-Robert Tronchin, suite à la demande d’examen des ouvrages de Rousseau par le Petit Conseil. 19 juin 1762 (AEG, P.H. 4861)
« A Gabriel Cramer
[vers le 22 juin 1762]
Destructif de tout gouvernement.1
Comment trouvez-vous ce mot ?
Eh bien point de feuille de Jules César Shakespear . »
1 Ces mots figurent à la fin de la Conclusion de M. le procureur général J.-R. Tronchin sur le Contrat social et l'Emile datée du 19 juin 1762 . Voir : http://ge.ch/archives/15-condamnation-de-lemile-contrat-social-1761-1762
et : http://www.jstor.org/stable/40940638?seq=1#page_scan_tab_contents
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08/05/2017
Vous êtes fait pour protéger le mérite ; c’est là, dans tous les temps, le partage des hommes supérieurs
... M. Macron, vous êtes prié de faire honneur à cette affirmation de Voltaire .
Foin du piston, où l'âne frottant l'âne [asinus asinum fricat], on n'a plus , venant de nos chers politiques qu'une odeur d'écurie . Mention spéciale à Marine Le Pen et Dupont-Aignan, symboles de l'amour vache, d'où une odeur d'étable / détestable .
Alors En Marche, d'un bon pas .
Hymne à la joie: https://www.youtube.com/watch?v=wRvoB6faG8w
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
A Genève 22 juin [1762]
Ma misérable santé, Monseigneur, me confine à présent auprès du docteur Tronchin. Je me joins à la foule de ces dévots, qui vont au temple d’Epidaure. Je vous assure que, quoique je sois dans la patrie de Jean-Jacques Rousseau, je trouve que vous avez très grande raison, et je ne suis point du tout de son avis. Il n'y a que lui qui soit assez fou pour dire 1 que tous les hommes sont égaux et qu'un État 2 subsister sans subordination . Il a poussé la démence de ses paradoxes jusqu'à dire que si un prince trouvait la fille du bourreau honnête et jolie 3, il devrait l'épouser, et que son mariage devrait être approuvé de tout le monde 4.
Je me flatte que vous distinguez les gens de lettres de Paris de ce philosophe des Petites-Maisons . Mais vous savez que, dans la littérature comme dans les autres états, il y a un peu de jalousie. On accusait Corneille d’avoir favorisé le duel, et d’avoir violé toutes les bienséances dans le Cid ; on reprochait à Racine d’avoir mis les principes du jansénisme dans le rôle de Phèdre . Descartes fut accusé d’athéisme, et Gassendi d’épicurisme . La mode aujourd’hui est de prétendre que les géomètres et les métaphysiciens inspirent à la nation le dégoût des armes, et que si on a été battu sur terre et sur mer, c’est évidemment la faute des philosophes. Mais vous savez que les Anglais sont bien plus philosophes que nous, et que cela ne les a pas empêchés de nous battre.
Vous vous doutez bien, dans le fond de votre cœur, qu’il y a eu d’autres causes de nos malheurs, lesquelles ne ressemblent en rien à la philosophie. Vous êtes trop clairvoyant et trop juste pour vous laisser séduire par les cris de quelques envieux qui, ne pouvant atteindre au mérite de quelques génies que vous avez encore en France, tâchent de les décrier, afin qu’il ne reste plus à la nation aucune gloire. Vous êtes fait pour protéger le mérite ; c’est là, dans tous les temps, le partage des hommes supérieurs. Les bontés mêmes que vous avez toujours eues pour moi me font croire que vous en aurez pour ceux qui valent mieux que moi. Si la calomnie m’impute quelquefois des ouvrages que je n’ai point faits, elle empoisonne ceux dont ils sont les auteurs. Voyez comme on a traité ce pauvre Helvétius, pour un livre 5 qui n’est qu’une paraphrase des pensées du duc de La Rochefoucauld . Il n’y a qu’heur et malheur en ce monde. Mon heur est de vous être attaché jusqu’au dernier moment de ma vie avec le plus tendre et le plus profond respect.
V. »
2 V* a oublié « peut »
3Dans l'Emile , chapitre V : voir page 129 : http://www.rousseauonline.ch/pdf/rousseauonline-0022.pdf
4 L'édition de Kehl supprime la seconde moitié de ce paragraphe depuis Il n'y a que lui … : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-18-123050279.html
5 De l'esprit . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/De_l%27esprit
15:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je vous écris encore pour vous prier de ne pas m'oublier
... dit Fanfoué Hollande au peuple français en général, et à Julie Gayet en particulier, avant de devenir un membre supplémentaire du club des présidents retraités aux pensions disproportionnées .
On ne t'oubliera pas Fanfoué, l'histoire s'en chargera .
« A François Guillet , baron de Monthoux, à Annemasse . Recommandée à M. Mirabaud, à Genève.
21 juin 1762 , aux Délices
Monsieur, j'ai déjà eu l'honneur de vous écrire 1 que je suis dans la nécessité de régler mes affaires et que je vous priais d'envoyer un homme qui terminât nos comptes ou d'avoir la bonté de venir vous-même à votre loisir .
J'ai vainement attendu votre réponse .
Je vous écris encore pour vous prier de ne pas m'oublier .
J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire »
1 Voir lettre du 31 mai 1762 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/04/18/il-est-necessaire-que-nous-fassions-notre-compte-afin-que-no-5934233.html
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07/05/2017
mettre toute votre humanité, toute votre vertu, toutes vos bontés, à faire connaître la vérité
... Bonne base de programme, non ? pour votre quinquennat M. Macron !
Nous en attendons de même des membres de votre gouvernement, bien que statistiquement les risques d'en avoir de moins sincères ne soit pas négligeable, aussi limitez en le nombre au strict nécessaire .
A suivre ...
Un animateur ! ça manquait cruellement jusqu'à présent .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grace Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
21 juin 1762
Mes divins anges, je suis persuadé plus que jamais, de l'innocence des Calas et de la cruelle bonne foi du parlement de Toulouse, qui a rendu le jugement le plus inique sur les indices les plus trompeurs . Il y a quelques mois que le conseil cassa un arrêt de ce même parlement , qui condamnait des créanciers légitimes à faire réparation à des banqueroutiers frauduleux . L'affaire présente est d'une tout autre conséquence ; elle intéresse des nations entières, et elle fait frémir d'horreur . On cherche toutes les protections possibles auprès de M. le comte de Saint-Florentin . On a imaginé que La Popelinière pourrait faire présenter à ce ministre la veuve Calas par André ou La Guerche .
Probablement La Popelinière m'écrira une lettre qu'il adressera chez vous . Je vous supplie de l'ouvrir . La veuve Calas qui doit venir vous demander votre protection lira cette lettre de La Popelinière, et se conduira en conséquence .
Daignez, mes anges, mettre toute votre humanité, toute votre vertu, toutes vos bontés, à faire connaître la vérité dans une affaire aussi essentielle . La poste va partir, je n'ai ni le temps, ni la force de vous parler d'autre chose, que de l'innocence opprimée, qui trouvera des protecteurs tels que vous.
Mille tendres respects .
V. »
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