13/01/2022
S’il arrive un malheur, armez-vous de courage. Il faut s’attendre à tout. -- Est-il donc arrivé ? -- Non, mais ayez un cœur plus grand, plus élevé.
... Cette recommandation, cette prière n'a que très peu de chance d'être exaucée par les candidats aux élections . Heureusement le monde des soignants fait face envers et contre tout .
https://www.hospitalia.fr/Exposition-Faire-Face-Soignants...
« A Jacques Lacombe
Quai de Conti
à Paris
15è octobre 1766
Je suis très aise, monsieur, que ce ne soit pas vous qui ayez fait des lettres sous le nom de la reine Christine 1. La candeur de votre caractère ne s’accorde pas avec cette petite fraude littéraire. Votre sosie ne vous vaut pas, et il mérite d’être bien battu par Mercure 2. Il est permis de cacher son nom ; mais il ne l’est pas de prendre le nom d’autrui, à moins que ce ne soit celui de Guillaume Vadé. Mon ami, qui cache son nom, vous importune beaucoup. Il se rend enfin à une de mes objections sur ces trois vers du petit monologue de Fulvie, scène iv du quatrième acte :
Vous tomberez, tyrans, vous périrez, perfides !
Vos mains ont trop instruit nos mains au parricides,
Le sang vous abreuva ; votre sang va couler.
En effet, Fulvie ne fait que répéter ce qu’elle a déjà dit . Cela cause de la langueur, et ces moments doivent être vifs et rapides. Voici comme il change tout ce morceau.
Après ce vers qui finit la scène iii du quatrième acte,
Je t’invoque, Brutus, je t’imite ; frappons ;
Scène 4è
Fulvie, Julie, Albine.
Julie
Il m’échappe, il me fuit. Ô ciel ! m’a-t-il trompée ?
Autel, fatal autel ! Mânes du grand Pompée,
Votre fils devant vous m’a-t-il fait prosterner
Pour trahir mes douleurs et pour m’abandonner !
Fulvie
S’il arrive un malheur, armez-vous de courage.
Il faut s’attendre à tout.
Julie
Quel horrible langage !
S’il arrive un malheur ! Est-il donc arrivé ?
Fulvie
Non, mais ayez un cœur plus grand, plus élevé.
Julie
Il l’est, mais il gémit ; vous haïssez, et j’aime.
Je crains tout pour Pompée, et non pas pour moi-même ;
Que fait-il ?
Fulvie
Il vous sert. Les flambeaux dans ces lieux
De leur faible clarté ne frappent plus mes yeux,
etc.,
comme dans le manuscrit.
Je vous prie, monsieur, au nom de mon ami et au mien, d’imprimer suivant cette nouvelle leçon, et de faire un carton, si ce morceau a déjà été sous presse. Il faudra observer de changer l’ordre des scènes, car le petit monologue de Fulvie, qui faisait la quatrième scène, étant supprimé, il se trouve que la cinquième scène devient la quatrième, la sixième devient la cinquième, et ainsi du reste.
Vous sentez, combien j’ai d’excuses à vous faire de vous accabler de tant de minuties. Je vous ruine en ports de lettres ; mais vous ennuyer est encore pis. L’amitié sera mon excuse ; je compte sur la vôtre. Ne doutez pas du véritable attachement que je vous ai voué depuis que je suis en commerce avec vous.
V. »
1 Elles étaient d’un Lacombe, d’Avignon. Voir la lettre du 26 septembre 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/06/c-est-le-plus-infame-calomniateur-qui-ait-jamais-barbouille-du-papier.html
2 Souvenir d'Amphitryon de Molière, Ac. I, sc. 2 : https://www.commentaire-de-francais.com/2019/03/01/commentaire-compos%C3%A9-sur-moli%C3%A8re-amphitryon-acte-i-sc%C3%A8ne-2/
17:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il n’y a pas moyen de faire un aigle d’un papillon
... Ainsi parlera Sarah Knafo à l'heure du bilan de son action de promotion de son bien-aimé Eric Zemmour . Comment faire un aigle à partir d'une mite ? Seul David Copperfield en serait capable et encore seulement pour la forme, la valeur d'un tel aigle restant celle d'un parasite . Le candidat misogyne , ne l'oublions pas, est de son propre aveu poussé par sa compagne illégitime qui me parait plus animée d'un esprit de femme jalouse que de femme d'Etat .
« A Etienne-Noël Damilaville
15 octobre 1766
Mon cher ami, j’ai lu le factum de M. Hume 1 . Cela n’est écrit ni du style de Cicéron, ni de celui d’Addison. Il prouve que Jean-Jacques est un maître fou, et un ingrat pétri d’un sot orgueil ; mais je ne crois pas que ces vérités méritent d’être publiées . Il faut que les choses soient, ou bien plaisantes, ou bien intéressantes, pour que la presse s’en mêle. Je vous répéterai toujours qu’il est bien triste pour la raison que Rousseau soit fou ; mais enfin Abadie l’a été aussi 2. Il faut que chaque parti ait son fou, comme autrefois chaque parti avait son chansonnier.
Je pense que la publicité de cette querelle ne servirait qu’à faire tort à la philosophie. J’aurais donné une partie de mon bien pour que Rousseau eût été un homme sage ; mais cela n’est pas dans sa nature . Il n’y a pas moyen de faire un aigle d’un papillon . C’est assez, ce me semble, que tous les gens de lettres lui rendent justice ; et d’ailleurs sa plus grande punition est d’être oublié.
Ne pourriez-vous pas, mon cher frère, écrire un petit mot à M. de Beaumont, à Launay, chez M. de Cideville, où je le crois encore, et réchauffer son zèle pour les Sirven ? S’il n’avait entrepris que cette affaire, il serait comblé de gloire, et toute l’Europe le bénirait. J’ai annoncé son factum à tous les princes d’Allemagne comme un chef-d’œuvre, il y a près d’un an . Le factum n’a point paru ; on commence à croire que je me suis avancé mal à propos, et l’on doute de la réalité des faits que j’ai allégués. Est-il possible qu’il soit si difficile de faire du bien ? Aidez-moi, mon cher ami, et cela deviendra facile.
M. Boursier attend le mémoire de M. Tonpla 3, qui probablement arrivera par le coche. Le protecteur 4 est toujours bien disposé ; il m’écrit souvent pour l’établissement projeté ; mais je vois bien que M. Boursier manquera d’ouvriers. Il est vieux et infirme, comme moi ; il aurait besoin de quelqu’un qui se mît à la tête de cette affaire. Il y a un château tout prêt 5, avec liberté et protection ; est-il possible qu’on ne trouve personne pour jouir d’une pareille offre ? Je vois que la plupart des affaires de ce monde ressemblent au conseil des rats 6. J’ai deux personnes à encourager, Boursier 7 et Sirven : l’un et l’autre se désespèrent.
J’ai beaucoup d’obligation à M. Marin, pour une affaire moins considérable. On a imprimé un recueil de mes lettres en deux volumes, à Avignon, sous le nom de Lausanne 8 . On dit que ces lettres sont aussi altérées et aussi indignement falsifiées que celles qui ont été imprimées à Amsterdam. M. Marin a donné ses soins pour que cette rapsodie n’entrât point dans Paris . Il en échappera pourtant toujours quelques exemplaires. Que voulez-vous ? c’est un tribut qu’il faut que je paye à une malheureuse célébrité qu’il serait bien doux de changer contre une obscurité tranquille. Si je pouvais me faire un sort selon mon désir, je voudrais me cacher avec vous et quelques-uns de vos amis, dans un coin de ce monde . C’est là mon roman, et mon malheur est que ce roman ne soit pas une histoire. Il y a une vérité qui me console, c’est que je vous aime tendrement, et que vous m’aimez . Avec cela on n’est pas si à plaindre.
Voici un billet pour frère Protagoras 9 ; je le recommande à vos bontés. »
1 Exposé succinct de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. Rousseau avec les pièces justificatives ; Londres, 1766, in-12 de xiv et 127 pages dans la traduction française, qui est l’ouvrage de Suard. Suard ne se borna pas au rôle de traducteur ; il fit des additions. On croit que l’Avertissement des éditeurs est de d’Alembert.
Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k718136.texteImage
2 Jacob Abbadie . Voir page 302 : https://fr.wikisource.org/wiki/Examen_important_de_Milord_Bolingbroke/%C3%89dition_Garnier/Traduction#302
3 Une réponse de Diderot à la lettre de V* du 23 juillet 1766 . La présente mention permet de la dater des environs du 10 octobre, mais elle n'arriva que le 7 novembre 1766 ; voir lettre du 7 novembre 1766 à Damilaville : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-45.html
4 Frédéric II, roi de Prusse.
5 À Clèves.
6 Allusion à la fable de La Fontaine « Conseil tenu par les rats » : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/conseilrats.htm
7 Voltaire lui-même.
8 M. de Voltaire peint par lui-même, ou Lettres de cet écrivain ; 1766, in-12 ; il y a des éditions de 1768, 1771, 1772. La préface et les notes sont attribuées à La Beaumelle. Le ton est donné par l'épigraphe : « J'ai des adorateurs et je n'ai pas un ami . » . Voir : https://books.google.ht/books?id=JAxbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
11:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/01/2022
Les fous atrabilaires, les furieux, sont plus remarqués dans notre nation que dans toute autre
... Je ne sais si c'est tout à fait vrai, mais notre histoire française actuelle est riche en furieux, les anti-ceci-cela, démolisseurs forcenés . Il est à souhaiter que la sélection naturelle nous en débarrasse au plus tôt .
Pour me dépolluer de cette ambiance détestable j'écoute Leny Esccudero, un grand , digne de Brassens et Brel : https://www.bing.com/videos/search?q=Leny+Escudero&do...
A écouter attentivement : https://www.bing.com/videos/search?q=Leny+Escudero&&a...
« A Jean Le Rond d'Alembert
15 octobre [1766]
Mon vrai philosophe, Jean-Jacques est un maître fou, et aussi fou que vous êtes sage. La lettre de M. Hume 1 me prouve que les Anglais ne sont point du tout hospitaliers, puisqu’ils n’ont pas donné une place dans Bedlam à Jean-Jacques. Ce petit bonhomme aurait été enchanté d’y être logé, pourvu qu’on eût mis son nom sur la porte, et que les gazettes en eussent parlé. Au moins les folies de cette espèce ne font pas grand mal ; mais nous en avons eu à Toulouse et à Paris d’une espèce plus dangereuse. Les fous atrabilaires, les furieux, sont plus remarqués dans notre nation que dans toute autre. Je m’imagine que mon ancien disciple 2 vous a écrit ce qu’il en pensait . Il est admirable sur ce chapitre. Je le crois enfin devenu tout à fait philosophe. Je me trompe fort, ou plus il vieillira, plus il sera humain et sage. Je voudrais savoir si vous écrivez toujours à une certaine dame qui donne des carrousels 3 ; elle donne quelque chose de mieux ; elle a minuté de sa main un édit sur la tolérance universelle. L’Église grecque n’était pas plus accoutumée que la latine à ce dogme divin. Si elle continue sur ce ton, elle aura plus de réputation que Pierre le Grand.
Ne pourriez-vous point me dire ce que produira, dans trente ans, la révolution qui se fait dans les esprits, depuis Naples jusqu’à Moscou ? Je n’entends pas les esprits de la Sorbonne ou de la halle, j’entends les honnêtes esprits.
Je suis trop vieux pour espérer de voir quelque chose, mais je vous recommande le siècle qui se forme.
Adieu, je me console en vous écrivant, et vous me rendrez heureux quand vous m’écrirez. »
1 V* a certainement en vue la publication A Concise and Genuine Account of the Dispute between Mr Hume and Mr Rousseau, traduit par J.-B. Suard sous le titre Exposé succinct de la contestation qui s'est élevée entre M. Hume et M. Rousseau .
Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k718136.texteImage
2 Frédéric II.
3 Catherine II .
17:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
la tolérance est d’accord avec la religion et avec la politique. Apparemment que ce qui convient à la Russie n’est pas praticable dans d’autres États
... On en veut pour preuve l'actualité ukrainienne : https://www.20minutes.fr/monde/3214067-20220110-ukraine-americains-russes-entament-pourparlers-cruciaux-lundi
Kanye West bouffi de suffisance ne doute pas de pouvoir rencontrer Poutine et de devenir résident russe . Osera-t-il demander la nationalité russe comme l'a obtenue notre Gérard Depardieu national ? Les Ukrainiens ne doivent pas compter sur une quelconque prise de position en leur faveur, le rappeur milliardaire U.S. ne les a pas choisi pour en faire ses compatriotes d'adoption : https://www.20minutes.fr/arts-stars/people/3215303-202201...
« A Etienne-Noël Damilaville
10 octobre 1766 1
Mon cher ami, j’ai trouvé dans une de vos lettres, reçue le 4 octobre, un paquet de Russie. L’impératrice daigne m’écrire qu’elle établit la tolérance universelle dans tous ses États . Elle a la bonté de me communiquer la teneur de l’édit. Cet article, écrit de sa main, porte ces propres mots 2 : Que la tolérance est d’accord avec la religion et avec la politique. Apparemment que ce qui convient à la Russie n’est pas praticable dans d’autres États. Vous savez que nous ne nous piquons ni vous ni moi, dans notre obscurité, de raisonner sur les volontés des souverains. Je vous mande seulement le fait tel qu’il est. Je crois vous avoir instruit que le sieur Deodati m’a écrit. J’attends aussi des certificats de plusieurs autres personnes ; et, quand je les aurai, je ferai un petit mémoire 3 pour le passé, le présent, et l’avenir. La justification est si claire que je n’aurai pas besoin de me mettre en colère ; j’userai de la plus grande modération, et tous les journaux pourront se charger de ce mémoire. Je crois seulement que nous serons obligés de supprimer quelque chose du commencement de votre déclaration, qui pourrait effaroucher les ennemis des lettres.
Je me flatte, mon cher frère, que je recevrai bientôt le mémoire de feu M. de La Bourdonnais 4, avec tout ce que j’attends.
Je suis très curieux, je vous l’avoue, de lire la lettre de Jean-Jacques à M. Hume 5. On dit que c’est un chef-d’œuvre d’impertinence.
L’intérêt que vous prenez à M. et à Mme de Beaumont ne vous a-t-il pas engagé à lire le factum de son adverse partie ? Un seul mémoire ne met jamais au fait. Si le mémoire de M. de La Roque pouvait se trouver dans votre paquet, je serais bien content.
Vous n’avez rien reçu par M. de La Borde ; mais l’ainé Calas doit arriver à Paris avant cette lettre, et M. de La Borde devait aller de Ferney en Anjou.
Ô qu’il serait doux de vivre ensemble, et de se rassembler cinq ou six sages loin des méchants et loin des obstacles ! Comme on est bridé et garrotté de tous côtés !
Avez-vous des nouvelles d’Élie ? Ce pauvre Sirven se désespère. Je lui ai donné vingt fois des espérances qui l’ont trompé. Je suis la cause innocente de ses larmes ; il fait pitié.
Adieu, mon cher frère . Vos lettres sont ma plus grande consolation. »
1 L'édition Correspondance littéraire ne donne pas le destinataire .
2 Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome44.djvu/342
ou https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6393
3 C’est l’Appel au public : https://fr.wikisource.org/wiki/Appel_au_public/%C3%89dition_Garnier
4 Mémoire pour M. de La Bourdonnais (avec le Supplément par de Gennes), 1750-1751, deux volumes in-4°, ou quatre volumes in-12.
5 Elle est du 10 juillet 1766.
12:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
11/01/2022
je n’en suis pas moins sensible à toutes les choses obligeantes que vous me dites, et que je voudrais bien mériter
... A vos commentaires ...
« À Gay de Noblac
Au château de Ferney, près Genève, 9 octobre [1766] 1
Les maladies qui affligent ma vieillesse, monsieur, ne m’ont pas permis de répondre plus tôt à la lettre que vous avez bien voulu m’écrire le 4 septembre ; je n’en suis pas moins sensible à toutes les choses obligeantes que vous me dites, et que je voudrais bien mériter ; je les dois aux bontés dont M. le maréchal de Richelieu, votre gouverneur, m’honore. Je ne suis pas assez vain pour croire les mériter, mais je suis assez reconnaissant pour être honteux de vous avoir remercié si tard.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Voltaire. »
1 L'édition Beuchot indique que le destinataire est un avocat de Bordeaux ; sa lettre n'est pas connue .
10:58 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il n’y a point assurément de façon de pisser plus noble que celle de mon héros et le cardinal chez qui vous pissâtes, n’aurait pas eu votre générosité
... A chacun son héros !
* James se réserve le droit de ne pas nommer le sien (ça commence par V) .
Tête à tête avec distanciation sociale réglementaire : au moins deux jets de pisse .
Petite récréation : http://www.frawsy.net/art-et-culture-2-qu-est-il-passe-par-la-tete-des-auteurs-de-ces-statue-a118209058
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
8è octobre 1766 au château de Ferney
Il n’y a point assurément de façon de pisser plus noble que celle de mon héros et le cardinal de Tencin, chez qui vous pissâtes, n’aurait pas eu votre générosité. Votre jeune homme 1 est arrivé dans mon couvent ; je l’y ai fait moine sur-le-champ ; il aura des livres à sa disposition. J’ai un ex-jésuite 2 qui a professé vingt années, et qui pourra lui donner de bons conseils sur ses études, et diriger sa conduite. J’ai le bonheur d’avoir une espèce de secrétaire 3 qui a beaucoup de mérite, et avec lequel il passera son temps agréablement. Toute notre maison vit dans une union parfaite ; il ne tiendra qu’à lui d’y être aussi consolé qu’on peut l’être quand on n’a pas le bonheur de vous faire sa cour. Il m’a paru vif, mais bon enfant . J’en aurai tous les soins que je dois à un jeune homme que vous protégez, et que vous daignez me recommander. S’il se tourne au bien, il n’aura d’obligation qu’à vos extrêmes bontés du bonheur de sa vie. C’est un enfant que le hasard vous a donné ; vous l’avez élevé et corrigé, et j’espère que vos bienfaits auront formé son cœur.
J’abuse de votre générosité, monseigneur. Puisqu’elle ne se dément point pour cet enfant, daignerez-vous l’employer pour une famille entière du pays que vous avez gouverné ? J’ai déjà pris la liberté d’implorer vos bontés pour les d’Espinas 4, gens de très bon lieu, nés avec du bien, appartenant aux plus honnêtes gens du pays, et réduits à l’état le plus cruel, après vingt-trois ans de galères, pour avoir donné à souper à un prédicant. Si on ne leur rend pas leur bien, il vaudrait mieux les remettre aux galères.
Vous pouvez avoir égaré le mémoire que j’avais eu l’honneur de vous envoyer ; souffrez que je vous en présente un second 5. Vous me demanderez de quoi je me mêle de solliciter toujours pour des huguenots . C’est que je vois tous les jours ces infortunés, c’est que je vois des familles dispersées et sans pain, c’est que cent personnes viennent crier et pleurer chez moi, et qu’il est impossible de n’en être pas ému.
On dit que vous allez chercher à Vienne une future reine. Vous ressemblez en tout au duc de Bellegarde, à cela près qu’il ne prenait point d’îles, et qu’il n’imposait pas des lois aux Anglais.
Agréez mon respect et mon attachement, qui ne finiront qu’avec ma vie.
V. »
1 Il s’appelait Claude Galien, et n'était apparemment pas fils naturel de Richelieu , et il se conduisit si mal chez Voltaire que celui-ci le renvoya honnêtement en le plaçant chez M. Hennin, résident de France à Genève. Hennin fut obligé de chasser Galien, qui se faisait appeler Galien de Salmoran (voyez les lettres à Hennin, des 4 et 13 janvier 1768 ; à Richelieu, des 6 et 22 du même mois). Galien alla en Hollande, où il publia la Rhétorique d’un homme d’esprit, 1792, in-8°., le Bréviaire des politiques, 1769 , et Le Spectacle de la nature, poème didactique, 1770 . En 1774 il sera en Russie .
Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-1.html
et : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-3.html
2 Le père Adam .
3 Jean-Louis Wagnière .
4 Voir lettre du 19 août 1766 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/11/quand-on-peut-avec-des-paroles-tirer-une-famille-d-honnetes-6348839.html
5 Voir la note de V* qu'on retrouve sur la copie Beaumarchais-Kehl : « Affaires des religionnaires, Vivarais ; Intendance de Languedoc . Jean-Pierre Espinas, d’une honnête famille de Château-Neuf, paroisse de Saint-Félix, près de Vernons en Vivarais, ayant été vingt-trois ans aux galères pour avoir donné à souper et à coucher dans sa maison à un ministre de la religion prétendue réformée, et ayant obtenu sa délivrance par brevet du 23 de janvier 1763, se trouvant chargé d’une femme mourante et de trois enfants réduits à la mendicité, remontre très-humblement à Sa Majesté que son bien ayant été confisqué pendant vingt-six ans, à condition que la troisième partie en serait distraite pour l’entretien de ses enfants, jamais lesdits enfants n’ont joui de cette grâce. Il conjure Sa Majesté de daigner lui accorder la possession de son patrimoine, pour soulager sa vieillesse et sa famille. »
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10/01/2022
On ne peut certainement entendre qu’un homme fasse mieux une chose que ceux qui ne la font pas
... Il y a ceux qui font et ceux qui disent qu'ils feront .
« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon
8 octobre [1766] 1
On ne peut certainement entendre qu’un homme fasse mieux une chose que ceux qui ne la font pas. On ne peut entendre qu’une pièce soit mieux représentée par ceux qui y jouent que par ceux qui n’y jouent pas. On doit encore moins entendre que des personnes du monde, qui jouent la comédie pour leur plaisir, aient des talents supérieurs à ceux des plus grands acteurs de Paris.
Ce qu’il faut encore moins entendre, c’est qu’on ait prétendu comparer personne à Mlle Clairon.
Ce qu’il faut surtout entendre, et ce qui est d’une vérité incontestable, c’est qu’on a pour Mlle Clairon tous les sentiments qu’elle mérite et qu’on ne démentira jamais. Le pauvre vieillard lui sera toujours attaché avec des sentiments aussi vifs que s’il était jeune . Il admirera ses talents, et il admirera encore la force qu’elle eut d’en priver 2 un public ingrat ; il aimera sa personne jusqu’au dernier moment de sa vie. »
1 Cette lettre a été publiée pour la première fois dans le Supplément au recueil des Lettres de M. de Voltaire (1808, deux volumes in-8° ou in-12), comme adressée à Mlle Clairon. Elle porte l’adresse de Thibouville dans l’édition des Œuvres de Voltaire en douze volumes in-8°. Beuchot lui a conservé l’adresse à Mlle Clairon, et l’a placée au 8 octobre 1760 , corrigé par Moland selon la copie portant la date 1766,elle ne peut être que de 1766.
Note de Beuchot : « Il est à croire que cette actrice n’avait pas été flattée de la comparaison que Voltaire établissait parfois entre elle et Mme Denis, sa nièce. »
2 Voir lettre du 15 avril 1766 à Mlle Clairon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/14/q...,
lettre du 18 avril 1766 à d'Argental
lettre du 23 avril 1766 à Damilaville
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