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01/02/2024

Personne n'est sûr de voir le lendemain

... Est-ce bien sûr ? Paroles d'optimiste ? Jusque là tout va bien .

 

 

« A Gabriel Cramer

Jeudi au soir [vers juin 1768]

Monsieur Caro est prié de considérer que la vie est courte, et que depuis le temps que l'exact Bigex et le laborieux Wagnière ont envoyé la table des matières 1 , ils n'ont reçu aucun signe de vie de la part du gros Suisse qui dirige la typographie grammairienne . Personne n'est sûr de voir le lendemain . Je prie monsieur Caro de songer que je suis dans ma soixante et quinzième, et que le temps presse . »

1 La « table générale » du volume X de l'édition quarto qui est dite « rédigée par M. Bigex ».

vous me ferez un vrai plaisir de m'instruire

... M. Attal , nous sommes à votre écoute : https://www.lemonde.fr/economie/live/2024/02/01/en-direct...

 

 

« A Gabriel Cramer

[juin 1768]

Mon cher Gabriel, vous me ferez un vrai plaisir de m'instruire si la planche subsiste encore . Je vous demande en grâce de me le mander .

L'Histoire générale est toute prête, et se recommande à vous . Vous savez combien j’ai à cœur que cet ouvrage devenu très curieux et très instructif soit imprimé avant la mort de l’auteur .

Que dites-vous du voyage d'un lieutenant général et compagnie à Versoix ?

Pourquoi n'ai-je nulle nouvelle de Mme Gabrielle ? Cela n'est pas honnête ? »

Caro, il faut s'aider dans la vie

... En famille, en voisins, en humains .

 

 

« A Gabriel Cramer

Mardi au soir [juin 1768]1

Caro, il faut s'aider dans la vie . Je vous prie très instamment de me faire avoir les volumes intitulés Lettres et mémoires de Mornay 2.

S'il y a quelque chose dans la bibliothèque de Genève touchant les premiers états de Blois, je vous prie aussi de me le faire avoir . Je ne garderai ces deux livres qu'un jour, et je vous aurai obligation deux ans si je vis deux ans .

Comme la vie est très courte et que je suis très pressé, je vous demande en grâce de me procurer ces deux livres avec tout la diligence que l’amitié inspire . »

1 Édition Gagnebin . Pour la date, voir note suivante .

2 Sur cet ouvrage, voir lettre de septembre-octobre 1767 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/05/10/me-procurer-des-instructions-necessaires-6442377.html

et voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8620760s/f7.item

V* dut chercher à l'emprunter après avoir lu l'ouvrage dont d'Alembert lui parle au début d'une lettre du 15 juin, laquelle dût lui parvenir à peu près vers le même moment : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-avec-d-alembert-partie-49.html

L'ouvrage visé par d'Alembert est l'Examen de la nouvelle histoire de Henri IV, de M. de Bury, 1768 , auquel La Beaumelle avait peut-être eu part . V* l'ouvrage  : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k319144h/f8.item

Voir aussi la Correspondance littéraire, VIII, 101-104 .

Je vous prie de joindre cette somme en son temps à celle dont vous avez bien voulu vous charger

...C'est la phrase que l'on entend le plus fréquemment en ce moment pour satisfaire le monde paysan et calmer le jeu de casse-casse ( cache-cache en auvergnat ) . Valse des millions . On a les mêmes échos du côté de Bruxelles .

Et pendant ce temps-là tout semble baigner (dans l'huile ) au Maroc : http://leblogfellahtrade.hautetfort.com/

 

 

« A Gaspard-Henri Schérer

A Ferney 15è juin 1768

J'ai l'honneur de vous envoyer, monsieur, trois lettres de change de 4761 livres 11 sous 1. Je vous prie de joindre cette somme en son temps à celle dont vous avez bien voulu vous charger . Vous pourrez reprendre sur cette somme le double louis qui manquait au denier envoi ; sinon M. Lavergne vous le remboursera .

J'ai l'honneur d'être , monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Une mention de Schérer sur l'original, outre l'endos « reçue le 16 » donne le détail de ces trois lettres de change : 4000 livres sur Charly ; 461 livres 11 sols sur Maradan ; 300 livres sur Granjond.

je me suis bien gardé d'entrer dans aucun détail

... Motus vivendi.

 

 

« Au cardinal Claude-Antoine Clariardus de Choiseul-Beaupré

[juin 1768] 1

[Lettre flatteuse et judicieuse où il lui expose les conditions prévalant en Franche-Comté.]

1 Cette lettre est connue par la mention qu'en fait V* dans sa lettre du 24 juin 1768 à Mme Denis : « J'ai écrit au cardinal une lettre flatteuse et mesurée dans laquelle je me suis bien gardé d'entrer dans aucun détail, et dont il ne pourra jamais abuser, quand même il aurait la malhonnêteté de me point répondre . » Pour en comprendre la raison, voir aussi la lettre du 31 mai 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/01/20/je-ne-puis-ni-dire-un-mot-ni-faire-un-pas-qui-ne-soit-public-6481220.html

Chaque nation de l’Europe s’enfle comme la grenouille ... on se perd dans cette horrible multitude de faits inutiles, tous anéantis les uns par les autres

... Bien entendu la France n'y échappe pas, et le recours à une énième motion de censure de la gauche ce lundi passera aux oubliettes et rejoindra celles de la droite, et pendant ce temps-là ceux qui nous nourrissent sont sur le macadam , gaspillent temps et argent : https://www.bfmtv.com/politique/parlement/gabriel-attal-s... 

Va-t-on voir ce qu'un d'eux me disait il y a déjà plus de vingt ans : "Vous verrez,  on viendra un jour nous voir comme on va voir les tribus indiennes dans leurs réserves ! " On y est presque ; au rythme où se vide la campagne productive et la population paysanne,  il faudra compter sur les émigrés comme on le fait déjà pour les métiers les moins valorisés et le bas clergé catholique .

 

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

A Ferney, 13 Juin 1768

Mon héros dit qu’il n’a eu qu’une fois tort avec moi, et que j’ai toujours tort avec lui 1; je pense qu’en cela même mon héros a grand tort.

Il se porte bien, et je vis dans les souffrances et dans la langueur ; il est par conséquent encore jeune, et je suis réellement très vieux ; il est entouré de plaisirs, et je suis seul au pied des Alpes. Quel tort puis-je avoir de ne lui pas envoyer des rogatons qu’il ne m’a jamais demandés, dont on ne se soucie point, qu’il n’aurait pas même le temps de lire ? Dieu me garde de donner jamais une ligne de prose ou de vers à qui n’en demandera pas ! Voyez Horace, si jamais vous lisez Horace . Il n’envoyait jamais de vers à Auguste, que quand Auguste l’en pressait 2. Je songe pourtant à vous, monseigneur, plus que vous ne pensez ; et, malgré votre indifférence, j’ai devant les yeux la bataille de Fontenoy, le conseil de pointer des canons devant la Colonne, la défense de Gênes, la prise de Minorque, les Fourches Caudines de Closter-Severn, dont le ministère profita si mal. J’aurai achevé dans un mois Le Siècle de Louis XIV et de Louis XV. Vous voyez que je vous rends compte des choses qui en valent la peine.

Vous m’avez quelquefois bien maltraité, et fort injustement ; car lorsque vous me reprochâtes, avec quelque dureté, que je n’avais point parlé de l’affaire de Saint-Cast 3, il n’était question pour lors que d’un précis des affaires générales, précis tellement abrégé qu’il n’y avait qu’une ligne sur les batailles de Raucoux et de Laufelt, et rien sur les batailles données en Italie. Il n’en est pas de même à présent ; je donne à chaque chose sa juste étendue ; je tâche de rendre cette histoire intéressante, ce qui est extrêmement difficile, car toutes les batailles qui n’ont point été décisives sont bientôt oubliées ; il ne reste dans la mémoire des hommes que les événements qui ont fait de grandes révolutions. Chaque nation de l’Europe s’enfle comme la grenouille ; chacun a son histoire détaillée, qui exige plusieurs années de lecture. Comment percer la foule ? Cela ne se peut pas ; on se perd dans cette horrible multitude de faits inutiles, tous anéantis les uns par les autres ; c’est un océan, un abîme dans lequel je ne me flatte de pouvoir surnager que par le nouveau tour que j’ai pris de peindre l’esprit des nations, plutôt que de faire des recueils de gazettes. On ne va plus à la postérité que par des routes uniques . Le grand chemin est trop battu, et on s’y étouffe.

Quand vous aurez un moment de loisir, j’espère que vous serez de mon avis.

Il y a loin de ce tableau de l’Europe à Gallien . Si ce malheureux avait pu se corriger, il aurait travaillé avec moi, il serait devenu savant et utile ; mais il paraît que son caractère n’est pas exempt de folie et de perversité.

Je ne vous parlerai ni d’Avignon, ni de Benevent, ni de ma petite église paroissiale où je dois édification, puisque je l’ai bâtie. Je garde un silence prudent, et je ne m’étends que sur des sentiments qui doivent être approuvés de tout le monde, sur mon tendre et respectueux attachement pour vous, qui n’a pas longtemps à durer, quelque inviolable qu’il soit, parce que je n’ai pas longtemps à vivre.

V. »

2 Horace, Épîtres, I, xiii, v. 3 : http://www.roma-quadrata.com/horaceepitres.html#ep13

3 C'est en septembre 1758 que les Anglais, ayant débarqué près de Saint-Malo furent vigoureusement repoussés à Saint-Cast : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Saint-Cast#:~:t....