13/02/2024
cette précieuse liberté sans laquelle la vie est un fardeau
...Nos paysans nous l'ont rappelé un peu brutalement , en France nous sommes les champions pondeurs de lois et normes , et ce, depuis un temps infini . Ministres, députés et sénateurs, c'est à qui laissera sa trace écrite dans le fouillis des codes de toute nature . Voir pour info , et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg : https://www.vie-publique.fr/discours/290438-conseil-21072...
Allons, du balai !
« A François de Caire 1
Ingénieur en chef , etc.
à Versoix
Supposé, monsieur, que M. de Marcheval 2 soit aussi bon, aussi indulgent, aussi philosophe que vous, il me fera autant de plaisir que d'honneur . Mais si vous ne venez pas me soutenir, que deviendrai-je ? Je suis seul et très malade . M. Dupuits m'a quitté hier avec un autre ami qui me consolait .
Si vous pouvez venir, monsieur, vers les 2 heures, je vous supplierai de vouloir bien vous rendre le maître de la maison , de dîner comme vous pourrez avec M. de Marcheval, de me souffrir entre vous deux, de me voir aller et venir sans vous mettre en peine, et de jouir avec moi de cette précieuse liberté sans laquelle la vie est un fardeau .
Agréez mon respect, monsieur, mais agréez davantage les sentiments que vous m'avez inspirés, et qui vont tout droit à l'amitié .
Le vieux malade V.
A Ferney à 7 heures 1/4 du matin 30è juin 1768 . »
1Sur cette correspondance voir aussi : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10086362q/f12.item
et : https://www.versoix-region.ch/?page=150&obj=8080
et page 62 (8) : https://www.histoiresuisse.ch/walter/cours/versoix_voltaire.pdf
et : https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1954_num_112_1_449502
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12/02/2024
vous savez mieux que moi ce qu’il faut en penser
... https://www.francetvinfo.fr/
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
29è juin 1768 à Ferney
Vous conservez donc des bontés, monseigneur, pour ce vieux solitaire ! Je les mets hardiment à l’épreuve. Je vous supplie, si vous pouvez bien me dire ce que vous savez de la fortune qu’a laissée votre malheureux lieutenant-général Lally, ou plutôt de la fortune que l’arrêt du Parlement a enlevée à sa famille. J’ai les plus fortes raisons de m’en informer. Je sais seulement qu’outre les frais du procès, l’arrêt prend sur la confiscation cent mille écus pour les pauvres de Pondichéry ; mais on m’assure qu’on ne put trouver cette somme. On me dit, d’un autre côté, qu’on trouva quinze cent mille francs chez son notaire, et deux millions chez un banquier, ce dont je doute beaucoup. Vous pourriez aisément ordonner à un de vos intendants de prendre connaissance de ce fait.
Je vous demande bien pardon de la liberté que je prends ; mais vous savez combien j’aime la vérité, et vous pardonnez aux grandes passions. Je ne vous dirai rien de la sévérité de son arrêt. Vous avez sans doute lu tous les mémoires, et vous savez mieux que moi ce qu’il faut en penser.
Permettez-moi de vous parler d’une chose qui me regarde de plus près. Ma nièce m’a appris l’obligation que je vous ai d’avoir bien voulu parler de moi à M. l’archevêque de Paris. Autrefois il me faisait l’honneur de m’écrire ; il n’a point répondu à une lettre que je lui ai adressée il y a trois semaines 1. Dans cet intervalle, le roi m’a fait écrire, par M. de Saint-Florentin, qu’il était très mécontent que j’eusse monté en chaire dans ma paroisse, et que j’eusse prêché le jour de Pâques 2. Qui fut étonné ? ce fut le révérend père Voltaire. J’étais malade ; j’envoyai la lettre à mon curé, qui fut aussi étonné que moi de cette ridicule calomnie, qui avait été aux oreilles du roi. Il donna sur-le-champ un certificat qui atteste qu’en rendant le pain bénit, selon ma coutume, le jour de Pâques, je l’avertis, et tous ceux qui étaient dans le sanctuaire, qu’il fallait prier tous les dimanches pour la santé de la reine dont on ignorait la maladie dans mes déserts, et que je dis aussi un mot touchant un vol qui venait de se commettre pendant le service divin.
La même chose a été certifiée par l’aumônier du château et par un notaire au nom de la communauté. J’ai envoyé le tout à M. de Saint-Florentin, en le conjurant de le montrer au roi, et ne doutant pas qu’il ne remplisse ce devoir de sa place et de l’humanité.
J’ai le malheur d’être un homme public, quoique enseveli dans le fond de ma retraite. Il y a longtemps que je suis accoutumé aux plaisanteries et aux impostures. Il est plaisant qu’un devoir que j’ai très souvent rempli ait fait tant de bruit à Paris et à Versailles. Madame Denis doit se souvenir qu’elle a communié avec moi à Ferney 3 , et qu'elle m'a vu communier à Colmar4. Je dois cet exemple à mon village, que j’ai augmenté des trois quarts . Je le dois à la province entière, qui s’est empressée de me donner des attestations auxquelles la calomnie ne peut répondre.
Je sais qu’on m’impute plus de petites brochures contre des choses respectables que je n’en pourrais lire en deux ans ; mais, Dieu merci, je ne m’occupe que du Siècle de Louis XIV ; je l’ai augmenté d’un tiers. La bataille de Fontenoy 5, le secours de Gênes 6, la prise de Minorque 7, ne sont pas oubliés ; et je me console de la calomnie en rendant justice au mérite.
Je vous supplie de regarder le compte exact que j’ai pris la liberté de vous rendre, comme une marque de mon respectueux attachement. Le roi doit être persuadé que vous ne m’aimeriez pas un peu si je n’en étais pas digne. Mon cœur sera toujours pénétré de vos bontés pour le peu de temps qui me reste encore à vivre.
Vous savez que rarement je peux écrire de ma main ; agréez mon tendre et profond respect.
V. »
1 On a déjà vu que cette lettre à Christophe de Beaumont ne nous est pas parvenue.
2 Cette lettre de Saint-Florentin est conservée, et ce qui est y dit n'a guère de quoi surprendre V* : « Le Roi a, monsieur, été informé par des plaintes qui en ont été portées à Sa Majesté, que le jour de Pâques dernier vous avez fait dans votre paroisse de Ferney une exhortation publique au peuple, et même pendant la célébration de la messe . Vous ne pourriez qu'être approuvé si dans l'intérieur de votre maison vous aviez rappelé aux habitants de votre paroisse les devoirs de la religion et ce qu'elle exige d'eux, mais il n'appartient à aucun laïc de faire ainsi une espèce de sermon dans l'église et surtout pendant le service divin. »
3 Voir lettre du 27 avril 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/12/30/nous-mettrons-tout-cela-au-net-dans-un-mois-6477846.html
4 Collini en effet rapporte le fait (Collini, p. 128 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86428j/f148.item )
5 Précis du Siècle de Louis XIV, chap. XV : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_15
6 Par Richelieu : ibid chap XXI : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_21
7 Également par Richelieu , ibid chap. XXXI : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_31
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il y a encore loin de là à la vérité démontrée
...Mais d'ici c'est plus près, non ?
L'Ia n'en sait pas plus que moi
« A Louis Dutens
29è juin 1768 à Ferney 1
Vous rendez, monsieur, un grand service à la littérature en imprimant toutes les œuvres de Leibnitz 2 . Vous faites à peu près comme Isis qui rassembla, dit-on, les membres épars d'Osiris pour le faire adorer . Peut-être mon culte pour les monades, et pour l'harmonie préétablie n'est-il pas violent, mais enfin, Neuton a commenté l’apocalypse et n'en est pas moins Neuton . Leibnitz était un prodigieux polymathe 3, et ce qui est bien plus il avait du génie, mais il y a encore loin de là à la vérité démontrée . Neuton a trouvé cette vérité :
Nes propius fas est mortali attingere divos .4 »
1 Minute où le mois est changé en « février » par une autre main ; édition Louis Dutens, Mémoires d'un voyageur qui se repose : Dutensiana, 1806 , qui donne une version très déformée en date du 9 juin 1768 .
Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2072278/f2.item , ( tome III non trouvé )
2 Voir lettre du 6 novembre 1764 à Dutens : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/12/30/il-y-a-meme-bien-des-choses-qui-ressemblent-assez-aux-oracles-de-cette-viei.html
3 Si polymathie apparaît au milieu du XVIIè siècle chez Naudé, on a ici une des premières attestations anciennes de polymathe, personne qui s'adonne à plusieurs sciences à la fois . Littré n'en donne pas d'exemple .
4 D'après Catulle, LI, 2 . Et il n'est pas permis à un mortel d'approcher de plus près les dieux .
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11/02/2024
Je vous prie de vouloir bien me mander quelles mesures vous avez prises pour me faire les paiements dont vous êtes chargé
... La question se pose vivement au moment où l'on parle essentiellement d'économie(s) : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/les-debats-de-l-...
« A Charles-Henri-Chrétien Rosé
J'ai compté sur vous, monsieur. Je vous prie de vouloir bien me mander quelles mesures vous avez prises pour me faire les paiements dont vous êtes chargé . J'ose espérer que vous aurez autant d'exactitude que vous trouverez toujours en moi de facilités pour les arrangements que vous voudrez prendre .
J''ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi.
Au château de Ferney par Versoix 1 près Genève 28è juin 1768. 2»
1 Noter cette mention ; on a vu qu'un bureau de poste a été établi à Versoix ; voir lettre du 24 juin 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/02/07/il-s-imagine-que-c-est-moi-qui-ai-souleve-tous-les-esprits.html
2 L'original est endossé : « Reçue le 2 juillet / Rép le 3 ». En fait , les réponses de Rosé ne nous sont pas parvenues . Voir aussi : https://collections.geneve.ch/gazette-delices/15/voltaire.html
et lettre 15 : https://www.jstor.org/stable/24722149?read-now=1&seq=26#page_scan_tab_contents
17:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
je n'ai pas de mauvaises nouvelles à vous apprendre de Versoix
... Voyez par vous-même : https://www.versoix.ch/news/commune/ et
https://www.24heures.ch/tags/33062/versoix
Pour le reste du monde, une vie ne suffirait pas pour faire le catalogue des horreurs actuelles . Alors consacrons-nous à faire aussi bien que possible .
« A Henri Rieu
à Chouilly
Mon cher corsaire, je n'ai pas de mauvaises nouvelles à vous apprendre de Versoix . Si vous passez par nos cantons quand vous aurez fait vos foins, je vous dirai bien des choses .
Je vous prie instamment de vouloir bien demander à M. Gaussen 1 s'il a eu la bonté de faire parvenir en Angleterre les petits paquets que j’ai pris la liberté de lui envoyer . Il me fera un sensible plaisir .
Je vous embrasse bien tendrement .
V.
28è juin 1768 à Ferney. »
1 Paul Gaussen, botaniste, époux de Jane Forbes, et dont le frère Jean-Pierre Gaussen est banquier à Londres .
Voir : https://c18.net/vll/vll_fiche.php?id_vo_vll=922
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10/02/2024
Le public est d'opinion Qu'il eût dû faire Tout le contraire
... Jacques Doillon, Benoit Jacquot, Abdellatif Kechiche ,Philippe Garrel, Luc Besson, Christophe Ruggia, Nicolas Bedos … et autres profiteurs du cinéma, chacun de ces hommes a agi en prédateur et doit en subir les conséquences , un talent dans un métier ne doit pas faire absoudre les saloperies de la bête humaine :
« A Jean Le Rond d'Alembert
28 juin 1768 1
Un homme qui n'a jamais fait de vers voulait lire le texte de Tacite imprimé à la suite de La Bletterie, et n'en peuvent venir à bout, tant il est mal imprimé, la colère lui a inspiré cet impromptu :
Un pédant dont je tais le nom
En illisible caractère
Imprime un auteur qu'on révère,
Tandis que la traduction
Aux yeux du moins a de quoi plaire ;
Le public est d'opinion
Qu'il eût dû faire
Tout le contraire .
Cette naïveté m'a amusé ; je souhaite qu’elle amuse tous ceux qui aiment mieux Tacite que La Bletterie . Ah ! Pourquoi M. d’Alembert n'a-t-il pas traduit tout Tacite ? Quelle différence ! Pour rendre ce Tacite, il faut avoir de l''esprit, c'est un point capital auquel notre ami La Bletterie a manqué . Cet orgueilleux phrasier 2 n'a d'autre parti à prendre que de se refaire convulsionnaire .
On embrasse bien tendrement le seul homme digne de traduire Tacite . »
1 Édition Charles Henry « Lettres inédites de Voltaire à d'Alembert d'après un manuscrit de la collection de M. Guillaume Guizot » ; Le Temps, 2 août 1884 .
2 C'est un nouveau mot à l’époque ; on le retrouve dans Le Taureau blanc, chap. IX . Littré en cite un exemple chez La Harpe, et un comme adjectif dans les œuvres de Mme de Genlis . Voir aussi A. François, Histoire de la Langue française, t . VI, p. 1309 .
Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Taureau_blanc/Chapitre_IX#cite_note-1
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Vous auriez la bonté d'avoir un compte courant avec moi, et j'en serais très flatté
... Nous sommes là bien loin du langage des banquiers raccoleurs et qui ne trouvent rien de plus attirant que de changer le nom de leur piège à monnaie, comme l'a fait le Crédit Lyonnais = LCL et comme vient de faire la Société Générale = SG . Moins de lettres, est-ce pour économiser l'encre, être à la mode de la Télé style NPLP ou TLMVSP, ou pour faire oublier certaines opérations déshonorantes ?
Quoiqu'il en soit, le client se fait arnaquer à coups de frais gonflés sans mesure ni contrôle . Toutes les banques ont en commun un animal totem --qui est loin d'être le lion--, le rat, rongeur détestable .
« A Gaspard-Henri Schérer 1
A Ferney 27è juin 1768 2
J'ai reçu , monsieur, votre lettre du 22 . J'ai l'honneur de vous envoyer deux lettres de change pour le paiement de Pâques, l'une de 1221 livres, l'autre de 623 livres . Je vous prie de vouloir bien les inscrire sur votre livre, et de me permettre de vous adresser toutes celles que je pourrai recevoir .
J'ai l'honneur d'être avec bien de la reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire.
P.S. – Voudriez-vous bien avoir la bonté de payer pour moi au sieur Serran fils aîné, fabricant près des Terreaux, quarante-cinq livres pour le compte du sieur Briasson, libraire à Paris, à qui je les dois . Je vous serai très obligé . Je vous demande bien pardon de cette peine que je vous donne .
Je pense, monsieur, qu'il serait plus commode pour vous de faire un total de six mille livres des derniers envois , et de garder le reste pour le joindre aux nouveaux envois que je compte avoir l'honneur de vous faire le mois prochain . Vous auriez la bonté d'avoir un compte courant avec moi, et j'en serais très flatté . »
1 Suisse, 1728-1784 . Voir : https://c18.net/vo/vo_pages.php?nom=vo_sc_wagniere
et page 43- : https://books.openedition.org/editionsehess/215?lang=fr
2 Original signé, endossé « […] reçue le 28 . Les relations postales de l'époque sont particulièrement sûres et rapides .
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