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27/02/2024

vos registres valent toutes les signatures

... C'est ce que les élus corses aimeraient qu'on leur dise autour d'une table bien mise à l'invitation de Gérald Darmanin : https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/autonomie-d...

et : https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/corse-du-su...

Voltaire a connu le rattachement de la Corse à la France, que dirait-il en voyant sa population demander une autonomie qui a pour prétexte des motifs culturels et en réalité obéit à des volontés de cheffaillons qui veulent leur part de gâteau désormais sans contrôle métropolitain .  Bella mansa di culi falsi .

 

 

 

« A Guillaume-Claude de Laleu

J’eus l'honneur, monsieur, de vous écrire il y a un mois une longue lettre sur mes affaires 1 dans lesquelles vous avez la bonté de me rendre tant de bons offices . Ayant mis cette lettre avec d’autres dans un paquet dont un Genevois se chargea pour Mme Denis, j'ai lieu de craindre que ce paquet que ma nièce n'a point encore reçu, n'ait été perdu irréparablement . Dans cette crise, je suis obligé de vous répéter qu’ayant promis à ma nièce une pension de vingt mille francs, à commencer au mois de mars de cette année, elle a déjà touché environ vingt-cinq mille livres . Ainsi comme elle m'a laissé pour quinze mille livres de dettes pressantes à payer pour les dépenses journalières de la maison que nous tenions, et que de mon côté j'en dois tout autant, je suis obligé de continuer jusqu'en mars 1769, en cas que je vive, à prendre les trois mille livres par mois que vous avez de rembourser à M. de Laborde .

Je vous marquais, et je vous redis que la générosité de M. de Laborde consiste à m'épargner les frais du change et de la commission qui sont très considérables à Genève, et que vous et M. de Laborde vous êtes les deux hommes de Paris à qui j'ai le plus d'obligation .

On m'a mandé d'Anjou que ce n'est point M. de Maulevrier le père qui me doit la rente que j'avais sur M. d'Estaing, mais que c'est M. de Maulevrier le fils, que les biens du père sont en direction , mais que les biens du fils n'y sont pas . J'ignore combien d'années M. de Maulevrier le fils me doit . Si vous vouliez bien me le mander, monsieur, vous me tireriez d'un grand embarras . Et selon ce qu'on me mande d'Anjou je pourrais être payé . Un mot de vous me mettra au fait .

Il faut encore que je vous dise que ce n'est qu'au mois de mars 1769 que je dois être payé de M. le duc de Virtemberg . Cet arrangement est très solide, tant pour moi que pour ma famille . J'ai fait à la fois son avantage et le mien . Mais en attendant, permettez-moi de vous demander si je pourrais tirer sur vous seulement trois mille livres, une fois payées, indépendamment des mille écus que je reçois par mois des correspondants de M. de Laborde . En ce cas, je tirerais sur vous une lettre de change vers le 1er septembre ; mais ne vous gênez point, et mandez-moi si ces mille écus vous dérangeraient .

Quand à la bonté que vous avez de vouloir terminer un compte, je le tiens tout terminé puisque ce compte est fait par vous, et que vos registres valent toutes les signatures . Mais si vous voulez absolument que M. d'Hornoy le signe, mandez-moi seulement s'il faut que je lui donne une procuration en forme, ou que je lui fasse une simple prière par écrit . Cela me parait fort égal . Tout ceci n'est qu'un arrangement d 'amis .

J'ajoute que je vous envoie un certificat de vie, et que je ne vous en fournirai pas longtemps de pareils .

J'ai l'honneur d'être avec la plus sensible reconnaissance, monsieur votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Au château de Ferney, par Versoix et Lyon, 20è juillet 1768. »

26/02/2024

ces persécutions continuelles font perdre un temps précieux

...

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon 1

J’ai l’air d’être un ingrat, mon cher ami, mon cher confrère . Vous m’avez envoyé des vers charmants, et je ne vous en ai pas remercié sur-le-champ. Mais songez toujours combien je suis vieux, et par l’âge, et par les maladies. L’envie et la calomnie poursuivent encore ma pauvre vieillesse. On ne m’a point laissé en repos dans ma retraite. Ce qu’il y a de pis, c’est que ces persécutions continuelles font perdre un temps précieux. Je n’en ai pas été moins sensible au charme de vos vers. Il n’y a peut-être qu’une personne qui en puisse être plus touchée que moi, c’est celle à qui ils sont adressés. Si j’étais son mari, je me défierais fort d’un pareil faiseur de compliments.

Vous devez avoir une Princesse de Babylone. Elle viendra sans doute vous voir à votre lever. Si vous voulez bien lui apprendre par quelle voiture il faut qu’elle parte, et à quel intendant des postes il faut qu’elle présente requête, son père vous aimera de toutes ses forces tant qu’il respirera.

V.

20è juillet 1768 par Versoix et Lyon. »

25/02/2024

personne de son espèce ne vous donnera jamais une parole positive

... Mentir en visitant le Salon de l'agriculture est une seconde nature pour un Bardella , bête à manger du son, tête à claques .

 

 

« A Gabriel Cramer

[juillet 1768]

[…] Je vous l'avais bien dit, ni M. de Sar...1 ni personne de son espèce ne vous donnera jamais une parole positive, mais M. Marin vous servira mieux que personne au monde .

Je vous conseille d'envoyer à Rouen, à Bordeaux, à Marseille, en Angleterre, en Allemagne si vous avez des correspondants, et de faire vos affaires sans dépendre de personne .

Ne faites plus de Nouveaux Mélanges, cela est aussi dangereux qu’ennuyeux. »

1 Sans doute Sartines, l'habile lieutenant de police à qui on doit précisément à cette époque ( 1766 ) l'éclairage des rues de Paris . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_de_Sartine

et : https://www.pariszigzag.fr/insolite/histoire-insolite-paris/les-reverberes-une-invention-parisienne

ne me jamais compromettre de quelque manière que ce puisse être

...en évitant de suivre ces abrutissants partis d'extrême droite ou de gauche , et pesant le pour et le contre des autres propositions, sans me faire étiqueter .

 

 

« A Gabriel Cramer

Monsieur Cramer m'avait promis qu'il me ferait avoir les lettres et les mémoires de Duplessis-Mornay 1. Il y a un mois que je les attends . Je le supplie de vouloir bien s'en souvenir .

Je me flatte que Chirol se garde bien d'envoyer sous son nom à Paris les malheureux rogatons qu'il reçoit de tous côtés . Je le crois trop honnête homme et trop sage pour me compromettre si mal à propos et si injustement . Je sais qu'il envoie toutes ces misères à M. de Saint-Florentin et à M. de Sartines ; sans doute qu’ils ne les lisent pas . J'attends de l'amitié de monsieur Cramer qu'il exigera du sieur Chirol de ne me jamais compromettre de quelque manière que ce puisse être . Je lui serai infiniment obligé .

Je lui réitère la prière que je lui ai faite, de me faire avoir douze exemplaires brochés du Siècle de Louis XIV.

V.

Mille compliments à monsieur et à madame Cramer.

Dimanche au soir [vers juillet 1768]. »

Le public veut avoir de la marchandise pour son argent

... Il serait donc bon qu'on ait la possibilité de prendre le train sans interruption compte tenu de la cherté des billets , d'autant plus que bien des grévistes sont indemnisés par leur (riche ) syndicat : https://www.capital.fr/votre-carriere/pendant-la-greve-ce...

 

 

 

« A Gabriel Cramer

[juillet 1768]

Il n'y a rien, Dieu merci, à corriger dans la feuille X . Ainsi on peut la tirer .

Panckoucke m'écrit une lettre lamentable . Il dit qu'on décrie l'édition in-4° mais comment ne pas la décrier ? Le public veut avoir de la marchandise pour son argent . Je crains bien que cette édition n'aille chez la beurrière 1. Si monsieur Cramer avait daigné me consulter ce malheur ne serait pas arrivé . »

24/02/2024

Je prends la liberté de vous envoyer ma réponse. Si vous la trouvez raisonnable, permettez que je prenne encore une autre liberté

... proclame Macron ce matin au Salon de l'Agriculture , ou à peu près ...

https://www.tf1info.fr/societe/en-direct-salon-de-l-agriculture-2024-en-pleine-crise-emmanuel-macron-en-visite-les-dernieres-infos-aujourd-hui-samedi-24-fevrier-2024-2287210.html

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Nouvelle tenue darmanienne  contre le frelon asiatique ?

 

 

« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul

15è Juillet 1768 au château de Ferney.

Madame,

La femme du protecteur est protectrice, la femme du ministre de la France pourra prendre le parti des Français contre les Anglais, avec qui je suis en guerre. Daignez juger, madame, entre M. Walpole et moi. Il m’a envoyé ses ouvrages, dans lesquels il justifie le tyran Richard III, dont ni vous, ni moi, ne nous soucions guère . Mais il donne la préférence à son grossier bouffon Shakespeare sur Racine et sur Corneille, et c’est de quoi je me soucie beaucoup.

Je ne sais par quelle voie M. Walpole m’a envoyé sa déclaration de guerre . Il faut que ce soit par M. le duc de Choiseul, car elle est très spirituelle et très polie. Si vous voulez, madame, être médiatrice de la paix, il ne tient qu’à vous ; j’en passerai par ce que vous ordonnerez. Je vous supplie d’être juge du combat. Je prends la liberté de vous envoyer ma réponse. Si vous la trouvez raisonnable, permettez que je prenne encore une autre liberté : c’est de vous supplier de lui faire parvenir ma lettre, soit par la poste, soit par M. le comte du Châtelet 1.

Vous me trouverez bien hardi ; mais vous pardonnerez à un vieux soldat qui combat pour sa patrie, et qui, s’il a du goût, aura combattu sous vos ordres.

Agréez, madame, la sincère estime, la reconnaissance et le profond respectueuse du vieillard des Alpes. » »

1 Le comte, futur duc du Châtelet, ambassadeur à Londres ; voir lettre du 8 janvier 1768 à Villevielle : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/08/01/l-hote-l-hotesse-et-toutes-les-filles-du-cabaret-sont-a-vos-6454907.html

Fils d'Emilie de Breteuil : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Marie_Florent_du_Ch%C...).

Those gracious kings are all a pack of rogues

... Je ne vise pas ici les rois couronnés, mais les détestables rois auto-proclamés de la finance , de l'industrie , du commerce, brasseurs de milliards aux mains sales . S'y ajoutent une foultitude de chefs d'Etats de l'acabit d'un Poutine . Lie de l'humanité  qui nous empoisonne .

 

 

« A Horace Walpole

Du château de Ferney pays de Gex, par Versoix et Lyon

15 juillet 1768 1

Monsieur,

Il y a quarante ans que je n’ose plus parler anglais, et vous parlez notre langue très bien. J’ai vu des lettres de vous, écrites comme vous pensez. D’ailleurs mon âge et mes maladies ne me permettent pas d’écrire de ma main. Vous aurez donc mes remerciements dans ma langue.

Je viens de lire la préface de votre Histoire de Richard III 2, elle me paraît trop courte. Quand on a si visiblement raison, et qu’on joint à ses connaissances une philosophie si ferme et un style si mâle, je voudrais qu’on me parlât plus longtemps. Votre père était un grand ministre et un bon orateur, mais je doute qu’il eût pu écrire comme vous. Vous ne devez pas dire : Quia pater major me est 3.

J’ai toujours pensé comme vous , monsieur, qu’il faut se défier de toutes les histoires anciennes. Fontenelle, le seul homme du siècle de Louis XIV qui fut à la fois poète, philosophe et savant, disait qu’elles étaient des fables convenues ; et il faut avouer que Rollin a trop compilé de chimères et de contradictions.

Après avoir lu la préface de votre histoire, j’ai lu celle de votre roman 4. Vous vous y moquez un peu de moi : les Français entendent raillerie ; mais je vais vous répondre sérieusement.

Vous avez presque fait accroire à votre nation que je méprise Shakespeare. Je suis le premier qui aie fait connaître Shakespeare aux Français ; j’en ai traduit des passages, il y a quarante ans 5, ainsi que de Milton, de Waller, de Rochester, de Driden, et de Pope. Je peux vous assurer qu’avant moi presque personne en France ne connaissait la poésie anglaise ; à peine avait-on même entendu parler de Locke. J’ai été persécuté pendant trente ans par une nuée de fanatiques, pour avoir dit que Locke est l’Hercule de la métaphysique, qui a posé les bornes de l’esprit humain 6.

Ma destinée a encore voulu que je fusse le premier qui aie expliqué à mes concitoyens les découvertes du grand Neuton, que quelques sots parmi nous appellent encore des systèmes. J’ai été votre apôtre et votre martyr . En vérité il n’est pas juste que les Anglais se plaignent de moi.

J’avais dit, il y a très longtemps, que si Shakespeare était venu dans le siècle d’Addison, il aurait joint à son génie l’élégance et la pureté qui rendent Addison recommandable. J’avais dit que son génie était à lui, et que ses fautes étaient à son siècle 7Il est précisément, à mon avis, comme le Lopez de Vega des Espagnols, et comme le Calderon. C’est une belle nature, mais sauvage ; nulle régularité nulle bienséance, nul art ; de la bassesse avec de la grandeur, de la bouffonnerie avec du terrible : c’est le chaos de la tragédie, dans lequel il y a cent traits de lumière.

Les Italiens, qui restaurèrent la tragédie un siècle avant les Anglais et les Espagnols, ne sont point tombés dans ce défaut  ils ont mieux imité les Grecs. Il n’y a point de bouffons dans l’Œdipe et dans l’Electre de Sophocle. Je soupçonne fort que cette grossièreté eut son origine dans nos fous de cour. Nous étions un peu barbares tous tant que nous sommes en deçà des Alpes. Chaque prince avait son fou en titre d’office. Des rois ignorants, élevés par des ignorants ne pouvaient connaître les plaisirs nobles de l’esprit : ils dégradèrent la nature humaine au point de payer des gens pour leur dire des sottises. De là vint notre Mère sotte 8; et avant Molière, il y avait un fou de cour dans presque toutes les comédies . Cette mode est abominable.

J’ai dit, il est vrai, monsieur, ainsi que vous le rapportez, qu’il y a des comédies sérieuses, telles que Le Misanthrope, qui sont des chefs-d’œuvre ; qu’il y en a de très plaisantes, comme George Dandin ; que la plaisanterie, le sérieux, l’attendrissement, peuvent très bien s’accorder dans la même comédie J’ai dit que tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux 9. Oui, monsieur ; mais la grossièreté n’est point un genre. Il y a beaucoup de logements dans la maison de mon père 10; mais je n’ai pas prétendu qu’il fût honnête de loger dans la même chambre Charles-Quint et don Japhet d’Arménie, Auguste et un matelot ivre, Marc-Aurèle et un bouffon des rues. Il me semble qu’Horace pensait ainsi dans le plus beau des siècles : consultez son Art poétique ; toute l’Europe éclairée pense de même aujourd’hui ; et les Espagnols commencent à se défaire à la fois du mauvais goût comme de l’Inquisition ; car le bon esprit proscrit également l’un et l’autre.

Vous sentez si bien, monsieur, à quel point le trivial et le bas défigurent la tragédie, que vous reprochez à Racine de faire dire à Anthiocus, dans Bérénice :

De son appartement cette porte est prochaine,

Et cette autre conduit dans celui de la reine.11

Ce ne sont pas là certainement des vers héroïques  mais ayez la bonté d’observer qu’ils sont dans une scène d’exposition, laquelle doit être simple. Ce n’est pas là une beauté de poésie, mais c’est une beauté d’exactitude qui fixe le lieu de la scène, qui met tout d’un coup le spectateur au fait et qui l’avertit que tous les personnages paraîtront dans ce cabinet, qui est commun aux autres appartements  sans quoi il ne serait point du tout vraisemblable que Titus, Bérénice et Antiochus parlassent toujours dans la même chambre.

Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué 12, dit le sage Despréaux, l’oracle du bon goût, dans son art poétique, égal pour le moins à celui d’Horace. Notre excellent Racine n’a presque jamais manqué à cette règle ; et c’est une chose digne d’admiration qu’Athalie paraisse dans le temple des Juifs et dans la même place où l’on a vu le grand-prêtre, sans choquer en rien la vraisemblance.

Vous pardonnerez encore plus, monsieur, à l’illustre Racine, quand vous vous souviendrez que la pièce de Bérénice était en quelque façon l’histoire de Louis XIV et de votre princesse anglaise, sœur de Charles II . Ils logeaient tous deux de plain-pied à Saint-Germain, et un salon séparait leurs appartements 13.

Vous n’observez, vous autres libres Bretons, ni unité de lieu, ni unité de temps, ni unité d’action. En vérité, vous n’en faites pas mieux, la vraisemblance doit être comptée pour quelque chose. L’art en devient plus difficile, et les difficultés vaincues donnent en tout genre du plaisir et de la gloire.

Permettez-moi, monsieur, tout Anglais que vous êtes, de prendre un peu le parti de ma nation. Je lui dis si souvent ses vérités, qu’il est bien juste que je la caresse quand je crois qu’elle a raison. Oui, monsieur, j’ai cru, je crois, et je croirai que Paris est très supérieur à Athènes en fait de tragédies et de comédies. Molière, et même Regnard, me paraissent l’emporter sur Aristophane, autant que Démosthène l’emporte sur nos avocats. Je vous dirai hardiment que toutes les tragédies grecques me paraissent des ouvrages d’écoliers, en comparaison des sublimes scènes de Corneille, et des parfaites tragédies de Racine. C’est ainsi que pensait Boileau lui-même tout admirateur des anciens qu’il était. Il n’a fait nulle difficulté d’écrire au bas du portrait de Racine que ce grand homme avait surpassé Euripide, et balancé Corneille 14.

Oui, je crois démontré qu’il y a beaucoup plus d’hommes de goût à Paris que dans Athènes. Parce qu'il y a plus de trente mille âmes à Paris uniquement occupées des beaux-arts, et qu'Athènes n’en avait pas dix mille ; parce que le bas peuple d’Athènes entrait au spectacle, et qu'il n' entre point chez nous ; parce que ceux qui parmi nous jugent des beaux arts n'ont guère que cette occupation ; parce que notre commerce continuel avec les femmes a mis dans nos sentiments beaucoup plus de délicatesse, plus de bienséance dans nos mœurs, et plus de finesse dans notre goût. Laissez-nous notre théâtre, laissez aux Italiens leur favole boscarecie 15; vous êtes assez riches d’ailleurs.

De très mauvaises pièces, il est vrai, ridiculement intriguées, barbarement écrites, ont pendant quelque temps à Paris des succès prodigieux, soutenus par la cabale, l’esprit de parti, la mode, la protection passagère de quelques personnes accréditées ;  mais en très peu d'années l'illusion se dissipe, les cabales passent, et la vérité reste.

Permettez-moi de vous dire encore un mot sur la rime que vous nous reprochez. Presque toutes les pièces de Driden sont rimées, c’est une difficulté de plus. Les vers qu’on retient de lui, et que tout le monde cite, sont rimés : et je soutiens encore que Cinna, Athalie, Phèdre, Iphigénie, étant rimées, quiconque voudrait secouer ce joug, en France, serait regardé comme un artiste faible qui n’aurait pas la force de le porter.

En qualité de vieillard, il faut que je vous dise une anecdote. Je demandais un jour à Pope pourquoi Milton n’avait pas rimé son poème, dans le temps que les autres poètes rimaient leurs poèmes à l’imitation des Italiens ; il me répondit : Because he could not 16.

Je vous ai dit, monsieur, tout ce que j’avais sur le cœur. J’avoue que j’ai fait une grosse faute, en ne faisant pas attention que le comte Leicester s’était d’abord appelé Dudley 17 ; mais, si vous avez la fantaisie d’entrer dans la chambre des pairs et de changer de nom, je me souviendrai toujours du nom de Walpole avec l’estime la plus respectueuse.

Avant le départ de ma lettre, j’ai eu le temps, monsieur, de lire votre Richard III. Vous seriez un excellent attorney général ; vous pesez toutes les probabilités ; mais il paraît que vous avez une inclination secrète pour ce bossu. Vous voulez qu’il ait été beau garçon, et même galant homme. Le bénédictin Calmet a fait une dissertation pour prouver que Jésus-Christ avait un fort beau visage. Je veux croire avec vous que Richard III n’était ni si laid ni si méchant qu’on le dit ; mais je n’aurais pas voulu avoir affaire à lui. Votre rose blanche et votre rose rouge avaient de terribles épines pour la nation.

 Those gracious kings are all a pack of rogues 18.

En vérité, en lisant l’histoire des York, des Lancastre, et de bien d’autres, on croit lire l’histoire des voleurs de grands chemins. Pour votre Henri VII, il n’était que coupeur de bourses .

 Be a minister or an anti-minister, a lord or a philosopher ; I will be with an equal respect Sr yr most humb. obt sert

Voltaire.

Be so kind as to tell me frankely if Jumonville was assassinated near the river called Oyo 19. »

1 Il existe deux manuscrits importants de cette lettre, une copie par Wagnière et une autre par Horace Walpole . Deux éditions doivent être considérées parce que V* y a eu part : « Lettre de M ; de Voltaire à M. Horace Walpole », Mercure de France, mai 1769, p. 134-143 ; Commentaire historique, p. 199-209 . Les deux manuscrits sont pratiquement identique et dérivent manifestement de l'original ; à la différence de M. Besterman, nous avons ordinairement préféré les leçons de la copie Wagnière à celles de la copie Walpole qui résultent d'inadvertances . La première édition présente des suppressions ; la seconde dont le texte a été suivi par les éditions ultérieures, quelques additions et corrections , avec quelques menues suppressions . Les leçons des éditions sont présentées en variantes : voir édition 2 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-22.html

3 Évangile de Jean, XIV, 18 ; Mon père est plus grand que moi . Cette phrase est supprimée dans les éditions .

5 Voyez les Lettres philosophiques. (G.Avenel.)

6V* a dit en effet cela à diverses reprises, notamment dans les notes du Poème sur la loi naturelle . Voir : https://athena.unige.ch/athena/voltaire/voltaire-poeme-su....

7Cela a été dit par V* dans les notes de La mort de Jules César . Voir : https://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_MORTDECESAR.xml

8Personnage de l'ancienne farce française ; voir par exemple Pierre Gringoire : Le Jeu et Sotie du prince des sots, 1511 . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70260t

9 Préface de l’Enfant prodigue. (G.A.)

12L'Art poétique, III, 38 .

13 L'édition 2 continue par : «  

Je remarquerai en passant que Racine fit jouer sur le théâtre les amours de Louis XIV avec sa belle-sœur, et que ce monarque lui en sut très bon gré : un sot tyran aurait pu le punir. Je remarquerai encore que cette Bérénice si tendre, si délicate, si désintéressée, à qui Racine prétend que Titus devait toutes ses vertus, et qui fut sur le point d’être impératrice, n’était qu’une Juive insolente et débauchée, qui couchait publiquement avec son frère Agrippa second. Juvénal l’appelle barbare incestueuse. J’observe, en troisième lieu, qu’elle avait quarante-quatre ans quand Titus la renvoya. Ma quatrième remarque, c’est qu’il est parlé de cette maîtresse juive de Titus dans les Actes des Apôtres. Elle était encore jeune lorsqu’elle vint, selon l’auteur des Actes, voir le gouverneur de Judée Festus, et lorsque Paul, étant accusé d’avoir souillé le temple, se défendait en soutenant qu’il était toujours bon pharisien. Mais laissons là le pharisianisme de Paul et les galanteries de Bérénice. Revenons aux règles du théâtre, qui sont plus intéressantes pour les gens de lettres. »

14C'est à peu près ce que dit en effet le dernier vers du quatrain en question :

15 C'est à dire leurs pastorales .

16 Parce qu'il ne pouvait pas (en était incapable ) /

17 Cette erreur ne fut pas corrigée au chapitre CLXIV de l'Essai sur les mœurs . Voir : page 473 https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Chapitre_164

18 Citation non identifiée : Ces gracieuses majestés étaient un ramassis de coquins.

19 Traduction de cette fin , omise dans les éditions : Que vous soyez ministre ou anti-ministre, lord ou philosophe, je serai avec un égal respect, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur , Voltaire .

Soyez assez bon pour me dire franchement si Jumonville a été assassiné près de la rivière nommée Ohio.

Walpole se dérobera devant la question de V* même ainsi réitérée .