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30/05/2009

il faut défendre les vivants et les morts contre les gens d’Église

31 mai (joli anagramme : mai, ami) 1778 ,11h du soir : mort de Voltaire.

François-Marie va rejoindre des prédécesseurs illustres, de fieffés imbéciles , des génies, des malfaisants et des bienfaiteurs, etc...

Avant moi, il a la réponse à la question qui  angoisse tant certains qu'ils se mettent entre les mains de charlatans, de gourous, de meneurs d'âmes à la petite semaine qui ne prêchent que pour leur intérêt et celui de leurs séides.

Volti est resté un homme libre de penser qu'il y a  un dieu,(assurément pour lui ;-peut-être-; le peut-être me concerne ) et que ce dieu n'est ni vengeur ni bienfaiteur absolu. Cet homme a assumé son état et s'est délié de toute croyance religieuse dont il a montré  les exagérations et les sources de malheur.

Voltaire, en ce jour un peu particulier, je te dis encore merci....

 

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J'ai aussi une raison très personnelle de le remercier ; ce jeudi il m' a permis de faire la connaissance d'une charmante dame et de vivre une aventure peu commune . Je ne vous préciserai ceci que lorsque les évènements le permettront : les pronostics sont ouverts !... Oubliez vos pensées canailles, je suis prêt à parier ma paye (qui est fort maigre au demeurant !, avis au gouvernement ...) que vous ne trouverez pas avant que je vous l'indique ... A suivre.

De toute façon, Voltaire est toujours vivant, peu écouté certes ( la recherche de la vérité et sa défense fachent trop de gens), mais terriblement vivant .

Les visiteurs du château qu'il a fait bâtir à Ferney, où il a vécu 18 ans, viennent du monde entier . Rois du Top 50, qui se souviendra de vous dans 231 ans, et même sans aller jusque là, dans 30 ans ?

 

 

 

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville et à Nicolas-Claude Thiriot

 

 

 

                        Mes philosophes me donnent grande envie de voir cet ouvrage de M. Dardelle [La Conversation de M. l’intendant des menus en exercice avec M. l’abbé Grizel, 20 mai 1761,  est signée de Georges Avenger Dardelle, écrite par V* pour répondre au discours de Le Dains du 15 mai]. Je ne connais que l’eau d’ardelle, et je ne sais si elle est bonne pour la brûlure [allusion au fait qu’on pourrait brûler cette brochure comme celle de Huerne qui a été condamnée]. Au reste c’est à M. Dardelle à répondre de tout.

 

                        Pourrait-on déterrer dans Paris quelque pauvre diable d’avocat, non pas dans le goût de Le Dains, mais un de ces gens qui étant gradués et mourant de faim, pourraient être juges de village ? Si je pouvais rencontrer un animal de cette espèce, je le ferais juge de mes petites terres de Tournay et Ferney. Il serait chauffé, rasé, alimenté, porté, payé. [rappel de Le Joueur, de Regnard]

 

                        J’ai un besoin pressant du malheureux Droit ecclésiastique [ La pratique de la juridiction  ecclésiastique, volontaire, gracieuse, et contentieuse, fondée sur le droit commun et sur le droit particulier du royaume, de François Ducasse, édition 1718 qui se trouvera dans la bibliothèque de V*] qui ne devrait pas être un droit. J’ai un procès pour un cimetière [des os sont mis à jour lors du début de la démolition de l’ancienne église de Ferney que V* veut rebâtir : « des côtelettes de mouton » selon V* ; arrêt des travaux sur ordre de l’évêque d’Annecy] : il faut défendre les vivants et les morts contre les gens d’Église. Mille pardons de mes inopportunités, mes chers philosophes.

 

                        Mes compliments de condoléances à frère Berthier et à frère Lavalette [le père jésuite Lavalette, procureur général de l’Ordre de la Martinique, fondateur d’un établissement de commerce, fait faillite en 1760, suite à la prise de plusieurs navires par les Anglais ; les commerçants marseillais lésés portent plainte contre la Compagnie de Jésus qui exclut Lavalette et refuse de payer ; la Compagnie perdit son procès en 1761 ] , mille louanges à maître Le Dains qui traite Corneille d’infâme ; mais il ne faut montrer la Conversation de l’abbé Grizel et de l’intendant des menus qu’au petit nombre des élus dont la conversation vaut mieux que celle de maître Le Dains . On supplie les philosophes de ne montrer le cher Grizel qu’aux gens dignes d’eux, c’est-à-dire peu de personnes.

 

                        Je souhaite que M. Lemierre soit bien damné, bien excommunié, et que sa pièce réussisse beaucoup, car on dit que c’est un homme de mérite, et qui est du bon parti. Je prie les frères de vouloir bien m’envoyer des nouvelles de Terée.[tragédie de Le Mierre,  jouée le 25 mai 1761]

 

                        Courez tous sus à l’infâme habilement : ce qui m’intéresse c’est la propagation de la foi, de la vérité, le progrès de la philosophie et l’avilissement de l’Inf.

 

                        Je vous donne ma bénédiction du fond de mon cabinet et de mon cœur.

 

 

                        Voltaire

                        31 mai 1761. »

Il lui reste 17 ans de vie terrestre, les années les plus fécondes pour lui et pour nous, heureux héritiers .

07/01/2009

Se promener dans les rues de Paris avec la robe de Platon

« A Charles Porée

Je vous envoie, mon cher Père, la nouvelle édition qu’on vient de faire de la tragédie d’Œdipe [1730]. J’ai eu soin d’effacer autant que j’ai pu les couleurs fades d’un amour déplacé, que j’avais mêlées malgré moi aux traits mâles et terribles que ce sujet exige .
Je veux d’abord que vous sachiez pour ma justification, que tout jeune que j’étais quand je fis l’Œdipe, je le composais à peu près tel que vous le voyez aujourd’hui. J’étais plein de la lecture des anciens et de vos leçons, et je connaissais fort peu le théatre de Paris ; je travaillai à peu près comme si j’avais été à Athènes .Je consultai M. Dacier qui était du pays [1714 ]. Il me conseilla de mettre un chœur dans toutes les scènes à la manière des Grecs. C’était me conseiller de me promener dans les rues de Paris avec la robe de Platon . J’eus bien de la peine seulement à obtenir que les comédiens de Paris voulussent exécuter les chœurs qui paraissent trois ou quatre fois dans la pièce ; j’en eu bien davantage à faire recevoir une tragédie presque sans amour . Les comédiennes se moquèrent de moi quand elles virent qu’il n’y avait point de rôle pour l’amoureuse . On trouva la scène de la double confidence entre Œdipe et Jocaste, tirée en partie de Sophocle, tout à fait insipide . En un mot, les acteurs, qui étaient dans ce temps là petits-maîtres et grands seigneurs, refusèrent de représenter l’ouvrage . J’étais extrêment jeune, je crus qu’ils avaient raison .Je gâtai ma pièce pour leur plaire, en affadissant par des sentiments de tendresse un sujet qui le comporte si peu . Quant on vit un peu d’amour, [ à la satisfaction de Mlle Desmares , nièce de la Champmeslé ] on fut moins mécontent de moi ; mais on ne voulut point du tout de cette grande scène entre Jocaste et Œdipe, on se moqua de Sophocle et de son imitateur . Je tins bon, je dis mes raisons, j’employai des amis . Enfin ce ne fut qu’à force de protections que j’obtins qu’on jouerait Œdipe [ novembre 1718 ]. Il y avait un acteur nommé Quinault, qui dit tout haut que pour me punir de mon opiniâtreté il fallait jouer la pièce telle qu’elle était avec ce mauvais quatrième acte tiré de grec . On me regardait d’ailleurs comme un téméraire d’oser traiter un sujet où Pierre Corneille avait si bien réussi . On trouvait alors l’Œdipe de Corneille excellent, je le trouvais un fort mauvais ouvrage, et je n’osais le dire . Je ne le dis enfin qu’au bout de douze ans, quand tout le monde est de mon avis . Il faut souvent bien du temps pour que justice soit exactement rendue . On l’a fait un peu plus tôt aux deux Oedipe de M. de La Motte [ 1726 ]. Le révérend père de Tournemine a dû vous communiquer la petite préface dans laquelle je lui livre bataille . M. de La Motte a bien de l’esprit, il est un peu comme cet athlète grec, qui quand il était terrassé, prouvait qu’il avait le dessus.
Je ne suis de son avis sur rien . Mais vous m’avez appris à faire une guerre d’honnête homme . J’écris avec tant de civilité contre lui que je l’ai demandé lui-même pour examinateur de cette préface où je tâche de lui prouver son tort à chaque ligne, et il a lui-même approuvé ma petite dissertation polémique  [ signée le 17 janvier 1730 ]. Voilà comme les gens de lettres devraient se combattre, voilà comme ils en useraient s’ils avaient été à votre école ; mais ils sont plus mordants d’ordinaire que des avocats, et plus emportés que des jansénistes . Les lettres humaines sont devenues très inhumaines . On injurie, on cabale, on se calomnie, on fait des couplets . Il est plaisant qu’il soit permis de dire aux gens par écrit ce qu’on n’oserait pas leur dire en face . Vous m’avez appris, mon cher père, à fuir ces bassesses, et à savoir vivre, comme à savoir écrire .

Les muses filles du ciel
Sont des sœurs sans jalousie,
Elles vivent d’ambroisie
Et non d’absinthe et de fiel,
Et quand Jupiter appelle
Leur assemblée immortelle,
Aux fêtes qu’il donne aux dieux,
Il défend que la satire
Trouble les sons de leur lyre
Par ses sons audacieux .

Adieu, mon cher et Révérend Père, je suis pour jamais à vous et aux vôtres avec la tendre reconnaissance que je vous dois et que ceux qui sont élevés par vous ne conservent pas toujours .

Voltaire
A Paris, ce 7 janvier 1729 [ou 1731 ?] »

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Por%C3%A9e