20/08/2009
Je sers Dieu et le diable tout à la fois assez passablement
-Cui-cui! fait l'oiseau !
-Cuit, cuit ! répond le guide !
En ce beau jour, le père Noël est passé au château de Volti : nous avons reçu une commande qui commençait à trainer, avec en prime son lot de merveilles !
Jugez- en !
Nous avons désormais des Nounours blancs qui ne craignent pas la fonte de la banquise et qui ont une curieuse maladie éruptive : les symboles du logo du CMN, petits châteaux de toutes couleurs et pour que leurs parents adoptifs ne les perdent pas et être en règle avec les recommandations vétérinaires, un superbe "tatouage" sous la plante d'une patte : Centre Des Monuments Nationaux .
Qui dit mieux en matière de promotion ?
Je ne ferai que citer pour mémoire le Nounours mini (porte clé) qui oscille à ma vue entre le chien et l'ours ; chacun peut adopter l'un ou l'autre selon ses affections !
Par contre, je vous prie de bien noter que ce château est ouvert tous les jours sauf le lundi et que vous êtes les BIENVENUS, ô touristes si peu nombreux !
Venez, nous vous aimons .... (si après une telle déclaration nous ne sommes pas envahis, je mettrai une photo des guides féminines pour les messieurs et une de moi datant d'il y a vingt ans pour les dames !...)
L'ex-amant de la présidente de Bernières commence à prendre l'habitude de voir la place prise par un autre, tout en évoquant ce qu'il aimerait et ce qu'il regrette ; détails ô combien réaliste chez ce Volti qui appelle un chat un chat : Il faut que je sois bien maudit de Dieu pour n’avoir vécu avec vous que quand j’ai eu la gale, et vous la goutte ; et pour être loin de vous lorsque nous nous portons bien tous les deux.
« A Marguerite-Madeleine du Moutier, marquise de Bernières
Depuis un mois entier je suis entouré de procureurs [il a attaqué le testament de son père du 19 aout 1721 qui fait de la part de Voltaire une part « substituée » : il en a l’usufruit et dépend d’un tuteur ; un codicille ajouté le 26 décembre supprimant la substitution n’est pas reconnu valable car non signé], de charlatans, d’imprimeurs [on « l’assassine » d’éditions pirates de la Henriade et de Mariamne ; il doit donc faire imprimer cette pièce lui-même], et de comédiens. J’ai voulu tous les jours vous écrire et n’en ai pas encore trouvé le moment. Je me réfugie actuellement dans une loge d’une comédienne pour me livrer au plaisir de m’entretenir avec vous pendant qu’on joue Mariamne et L’Indiscret [créé le 18 août] pour la seconde fois. Cette petite pièce fut représentée avant-hier samedi avec assez de succès. Mais il me parut que les loges étaient encore plus contentes que le parterre [selon Le Mercure d’août, les deux pièces « furent fort applaudies par une très nombreuse et très belle assemblée ».]. Dancourt et Le Grand ont accoutumé le parterre au bas comique et aux grossièretés, et insensiblement le public s’est formé au préjugé que les petites pièces en un acte doivent être des farces pleines d’ordures et non pas des comédies nobles où les mœurs soient respectées. Le peuple n’est pas content quand on ne fait rire que l’esprit, il faut le faire rire tout haut, et il est difficile de le réduire à aimer mieux des plaisanteries fines que des équivoques fades, et à préférer Versailles à la rue Saint-Denis. Mariamne est enfin imprimée de ma façon, après trois éditions subreptices qui en ont paru coup sur coup. Je vous envoie un paquet de Mariamne par le messager. Il y en a une reliée que je vous prie de mettre dans votre bibliothèque. Je vous supplie de donner les autres que je n’ai pas eu le temps de faire relier à MM de Cideville et M. de Brevedent malgré leur goût pour les vers de M. Houdart. Vous donnerez les autres en mon nom aux personnes dont vous voudrez bien m’assurer la bienveillance. Comme je crois M. et Mme de Lézeau à la campagne, je mets aussi une Mariamne pour eux ou plutôt pour monsieur votre neveu dans le paquet qui est au messager. Il est à votre adresse, ayez la bonté de l’envoyer retirer. Que ne puis-je vous aller offrir moi-même Mariamne ? Il faut que je sois bien maudit de Dieu pour n’avoir vécu avec vous que quand j’ai eu la gale, et vous la goutte ; et pour être loin de vous lorsque nous nous portons bien tous les deux. Mes maladies, et ma santé sont venues bien mal à propos.
Au reste ne croyez pas que je me borne dans Paris à faire jouer des tragédies et des comédies. Je sers Dieu et le diable tout à la fois assez passablement. J’ai dans le monde un petit vernis de dévotion que le miracle du faubourg Saint-Antoine m’a donné.[ Mme Lafosse aurait été guérie d’un « flux de sang » le 31 mai au passage d’une procession du Saint Sacrement. V* était en relation avec les Lafosse chez qui il alla plusieurs fois en juin en offrant une petite somme d’argent (qui fut refusée) et Mme Lafosse vint remercier V* le 20 août. On dit que V* avait été converti par le miracle ; Mathieu Marais compara V* à St Thomas et dit « Dieu l’a touché et converti… »] .La femme au miracle est venue ce matin dans ma chambre. Voyez-vous quel honneur je fais à votre maison [V* loue un appartement rue de Beaune appartenant aux Bernières], et en quelle odeur de sainteté nous allons être ? M. le cardinal de Noailles a fait un beau mandement à l’occasion du miracle. Et pour comble (ou d’honneur, ou de ridicule), je suis cité dans ce mandement.[en fait il est fait allusion à V* ; on parle « d’un homme connu dans le monde sur qui le miracle avait fait grande impression »] .On m’a invité en cérémonie à assister au Te Deum qui sera chanté à Notre Dame en actions de grâces de la guérison de Mme de La Fosse. M. l’abbé Couet, grand vicaire de Son Éminence, m’a envoyé aujourd’hui le mandement. Je lui ai envoyé une Mariamne avec ces petits vers ci :
Vous m’envoyez un mandement,
Recevez une tragédie
Et qu’ainsi mutuellement
Nous donnions la comédie.
Ah ! ma chère présidente qu’avec tout cela je suis quelquefois de mauvaise humeur de me trouver seul dans ma chambre et de sentir que vous êtes à trente lieues de moi. Vous devez être dans le pays de Cocagne. M. l’abbé d’Amfreville avec son ventre de prélat et son visage de chérubin ne ressemble pas mal au roi de Cocagne. Je m’imagine que vous faites des soupers charmants, que l’imagination vive et féconde de Mme du Deffand, et celle de M. l’abbé d’Amfreville en donnent à notre ami Thiriot et qu’enfin tous vos moments sont délicieux. M. le chevalier des Alleurs est-il encore avec vous ?[il a remplacé V* auprès de la marquise] Il m’avait dit qu’il y resterait tant qu’il y trouverait du plaisir. Je juge qu’il y demeurera longtemps. Mille respects, je vous en prie, au maître de la maison. Je n’ai pas le temps d’écrire à Thiriot mais il faut qu’il m’écrive, lui qui n’a point de procès à soutenir, de comédiens à conduire, ni de comédiens à corriger. Qu’il me mande de ses nouvelles, qu’il soit votre secrétaire, qu’il m’apprenne comment vont les projets qu’il avait. Adieu ma chère reine, conservez-moi toujours bien de l’amitié. Je pars incessamment pour aller à Fontainebleau. Si j’y trouve un gîte [« adresse chez Mme de Prie »], j’y ferai ma cour à la reine, si je ne suis point logé, j’irai à La Rivière-Bourdet. Je ne donne la préférence sur vous qu’à Marie de Leksinski. Adieu, adieu.
Voltaire
A Paris à la comédie, ce 20 aout 1725. »
19:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, bernières, dieu, diable, miracle, lafosse
03/06/2009
si j’avais obligation au diable je dirais du bien de ses cornes.
Alleluiah ! Jésus n'est pas mort (car il bouge encore, me direz-vous, bande d'iconoclastes ), pas mort sur la croix d'infâmie (ou de rédemption, c'est vous qui voyez ). Qui donc a été crucifié ? Son frère, qui s'est sacrifié pour lui !...
Et Jésus ? En toute facilité et incognito, il est allé jusqu'au Japon -proche banlieue de la Palestine- y finir ses jours de riziculteur , père de famille, à plus de cent ans .
Preuve à l'appui de mes dires de mécréant : son tombeau est surmonté d'une croix, chose rare au pays du soleil levant .
Trop fort Jésus, comme on dit dans les banlieues !
Trop fort surtout ces japonais qui sont intimement persuadés de ces faits , nouvelle version des saintes écritures à paraître ! Que fait le Vatican ? Va-t-il lancer une fatwa comme tout intégriste qui se respecte ? Heureusement non . Pour une fois, la tolérance pour des croyances déviantes est respectée . C'est vrai que le sujet est tellement gros qu'il laisse sans voix mais non sans sourire ...
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
La lettre de mon héros m’a donné un tremblement de nerfs qui m’aurait rendu paralytique, si je n’avais pas le moment d’après reçu une lettre de M. le Chancelier [Maupéou] qui a remis mes nerfs à leur ton, et rétabli l’équilibre des liqueurs. Il est très content, il a seulement changé deux mots et fait réimprimer la chose [brochure Les Peuples aux Parlements qui contient quelques allusions élogieuses à Choiseul, en deux lignes que Maupéou fera supprimer]. On en a fait quatre éditions dans les provinces. C’est la voix de Jean prêchant dans le désert et que les échos répètent.
Mon héros sait que quand César releva les statues de Pompée, on lui dit : « Tu assures les tiennes. » Ainsi mon héros dans son cœur trouvera très bon qu’on montre de la reconnaissance pour un homme qu’on appelle en France disgracié [Choiseul], et qu’on relève ses statues, pourvu qu’elles n’écrasent personne.
J’avoue que je suis une espèce de Don Quichotte qui se fait des passions pour s’exercer. J’ai pris parti pour Catherine seconde, l’étoile du Nord, contre Moustapha le cochon du croissant. J’ai pris parti contre nos seigneurs [le parlement de Paris, l’ancien] sans autre motif que mon équité et ma juste haine envers les assassins du chevalier de La Barre et du jeune Talonde [d’Etallonde, ami de La Barre, que V* recommandera auprès de Frédéric II en 1767] mon ami, sans imaginer seulement qu’il y eût un homme qui dût m’en savoir gré.
J’ai dans toutes mes passions détesté le vice de l’ingratitude, et si j’avais obligation au diable je dirais du bien de ses cornes.
Comme je n’ai pas longtemps à ramper sur ce globe, je me suis mis à être plus naïf que jamais. Je n’ai écouté que mon cœur ; et si on trouvait mauvais que je suivisse ses leçons, j’irai mourir à Astracan, plutôt que de me gêner dans mes derniers jours chez les Welches.
J’aime passionnément à dire des vérités que d’autres n’osent pas dire, et à remplir des devoirs que d’autres n’osent remplir. Mon âme s’est fortifiée à mesure que mon pauvre corps s’est affaibli.
Heureusement mon caractère a plu à l’homme auquel il aurait pu déplaire [Maupéou]. Je me flatte qu’il ne vous rebute pas, et c’est ce que j’ai ambitionné le plus.
Je sens vivement vos bontés. Je ne désespère pas de faire un jour, si je vis, un petit tour très incognito à Paris ou à Bordeaux pour vous faire ma cour, vous jurer que je meurs en vous aimant, et m’enfuir au plus vite. Mais je crois qu’il attendre que j’aie quatre-vingts ans sonnés. Je n’en ai que soixante et dix-huit, je suis encore trop jeune.
J’ai d’ailleurs fondé une colonie [avec les émigrants fuyant Genève, il fonde une manufacture de montres ] que l’homme à qui je dois tout faisait fleurir, et qui me ruine à présent en exigeant ma présence.
Ce que vous daignez me dire sur ma santé et Tronchin me fait cent fois plus de plaisir que votre vesperie [=admonestation] ne m’alarme ; aussi vous suis-je plus attaché que jamais avec le plus tendre et le plus profond respect, et le plus éloigné de l’ingratitude.
Voltaire
A Ferney 3ème juin 1771. »
13:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, richelieu, jésus, diable
30/05/2009
il faut défendre les vivants et les morts contre les gens d’Église
31 mai (joli anagramme : mai, ami) 1778 ,11h du soir : mort de Voltaire.
François-Marie va rejoindre des prédécesseurs illustres, de fieffés imbéciles , des génies, des malfaisants et des bienfaiteurs, etc...
Avant moi, il a la réponse à la question qui angoisse tant certains qu'ils se mettent entre les mains de charlatans, de gourous, de meneurs d'âmes à la petite semaine qui ne prêchent que pour leur intérêt et celui de leurs séides.
Volti est resté un homme libre de penser qu'il y a un dieu,(assurément pour lui ;-peut-être-; le peut-être me concerne ) et que ce dieu n'est ni vengeur ni bienfaiteur absolu. Cet homme a assumé son état et s'est délié de toute croyance religieuse dont il a montré les exagérations et les sources de malheur.
Voltaire, en ce jour un peu particulier, je te dis encore merci....
J'ai aussi une raison très personnelle de le remercier ; ce jeudi il m' a permis de faire la connaissance d'une charmante dame et de vivre une aventure peu commune . Je ne vous préciserai ceci que lorsque les évènements le permettront : les pronostics sont ouverts !... Oubliez vos pensées canailles, je suis prêt à parier ma paye (qui est fort maigre au demeurant !, avis au gouvernement ...) que vous ne trouverez pas avant que je vous l'indique ... A suivre.
De toute façon, Voltaire est toujours vivant, peu écouté certes ( la recherche de la vérité et sa défense fachent trop de gens), mais terriblement vivant .
Les visiteurs du château qu'il a fait bâtir à Ferney, où il a vécu 18 ans, viennent du monde entier . Rois du Top 50, qui se souviendra de vous dans 231 ans, et même sans aller jusque là, dans 30 ans ?
« A Etienne-Noël Damilaville et à Nicolas-Claude Thiriot
Mes philosophes me donnent grande envie de voir cet ouvrage de M. Dardelle [La Conversation de M. l’intendant des menus en exercice avec M. l’abbé Grizel, 20 mai 1761, est signée de Georges Avenger Dardelle, écrite par V* pour répondre au discours de Le Dains du 15 mai]. Je ne connais que l’eau d’ardelle, et je ne sais si elle est bonne pour la brûlure [allusion au fait qu’on pourrait brûler cette brochure comme celle de Huerne qui a été condamnée]. Au reste c’est à M. Dardelle à répondre de tout.
Pourrait-on déterrer dans Paris quelque pauvre diable d’avocat, non pas dans le goût de Le Dains, mais un de ces gens qui étant gradués et mourant de faim, pourraient être juges de village ? Si je pouvais rencontrer un animal de cette espèce, je le ferais juge de mes petites terres de Tournay et Ferney. Il serait chauffé, rasé, alimenté, porté, payé. [rappel de Le Joueur, de Regnard]
J’ai un besoin pressant du malheureux Droit ecclésiastique [ La pratique de la juridiction ecclésiastique, volontaire, gracieuse, et contentieuse, fondée sur le droit commun et sur le droit particulier du royaume, de François Ducasse, édition 1718 qui se trouvera dans la bibliothèque de V*] qui ne devrait pas être un droit. J’ai un procès pour un cimetière [des os sont mis à jour lors du début de la démolition de l’ancienne église de Ferney que V* veut rebâtir : « des côtelettes de mouton » selon V* ; arrêt des travaux sur ordre de l’évêque d’Annecy] : il faut défendre les vivants et les morts contre les gens d’Église. Mille pardons de mes inopportunités, mes chers philosophes.
Mes compliments de condoléances à frère Berthier et à frère Lavalette [le père jésuite Lavalette, procureur général de l’Ordre de la Martinique, fondateur d’un établissement de commerce, fait faillite en 1760, suite à la prise de plusieurs navires par les Anglais ; les commerçants marseillais lésés portent plainte contre la Compagnie de Jésus qui exclut Lavalette et refuse de payer ; la Compagnie perdit son procès en 1761 ] , mille louanges à maître Le Dains qui traite Corneille d’infâme ; mais il ne faut montrer la Conversation de l’abbé Grizel et de l’intendant des menus qu’au petit nombre des élus dont la conversation vaut mieux que celle de maître Le Dains . On supplie les philosophes de ne montrer le cher Grizel qu’aux gens dignes d’eux, c’est-à-dire peu de personnes.
Je souhaite que M. Lemierre soit bien damné, bien excommunié, et que sa pièce réussisse beaucoup, car on dit que c’est un homme de mérite, et qui est du bon parti. Je prie les frères de vouloir bien m’envoyer des nouvelles de Terée.[tragédie de Le Mierre, jouée le 25 mai 1761]
Courez tous sus à l’infâme habilement : ce qui m’intéresse c’est la propagation de la foi, de la vérité, le progrès de la philosophie et l’avilissement de l’Inf.
Je vous donne ma bénédiction du fond de mon cabinet et de mon cœur.
Voltaire
31 mai 1761. »
19:46 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voltaire, damilaville, thiriot, droit, avocat, diable, corneille, le dains, grizel
14/04/2009
je mépriserai toujours les fanatiques, en quelque genre que ce puisse être
"je mépriserai toujours les fanatiques, en quelque genre que ce puisse être" : les mépriser, parfois ! les détester, toujours ! c'est mon option ferme et définitive (je ne demanderai pas de joker , mon cher Jean-Pierre ! ).
Quelques exemples qui me sont tombés sous le museau du mulot !!
Amis du sport, je vous conseille de garder le sourire comme le spectateur à lunettes, vous pleurerez plus tard !! Je me demande comment les sportifs peuvent recevoir les ovations d'une foule de beaufs comme le canari obèse ci-dessus, et continuer à s'y exposer ? Pour le fric, may be ?!
Ce qui me frappe dans la lettre suivante, c'est que Volti est devenu un EUROPEEN et parle de la France et des Français comme d'un peuple et une nation dont il n'est que spectateur désabusé . Que dirait-il aujourd'hui ?
« A Jean Le Rond d’Alembert
Mon cher philosophe, auriez-vous jamais lu un chant de la Pucelle, dans lequel tout le monde est devenu fou [chant XVII], et où chacun donne et reçoit sur les oreilles à tort et à travers ? Voilà précisément le cas de vos chers compatriotes les Français. Parlements, évêques, gens de lettres, financiers, antifinanciers [allusion au livre l’Antifinancier], tous donnent et reçoivent des soufflets à tour de bras ; et vous avez bien raison de rire ; mais vous ne rirez pas longtemps, et vous verrez les fanatiques maîtres du champ de bataille. L’aventure de ce cuistre de Crevier [qualifié d’ « âne » par Palissot, Crevier, vieux janséniste avait obtenu l’exil de Palissot et celui de l’archevêque de Paris] fait déjà voir qu’il n’est pas permis de dire d’un janséniste qu’il est un plat auteur . Vous serez les esclaves de l’université avant qu’il soit deux ans. Les Jésuites étaient nécessaires, ils faisaient diversion ; on se moquait d’eux, et on va être écrasé par des pédants qui n’inspireront que l’indignation. Ce que vous écrit un certain goguenard couronné [Frederic II a écrit à d’Alembert qu’il n’est en guerre ni avec « les cagots, ni avec les jésuites » et laisse aux Français le soin de « ferrailler envers et contre tout » ] doit bien faire rougir votre nation belliqueuse.
Répandez ce bon mot tant que vous pourrez, car il faut que vos gens sachent le cas qu’on fait d’eux en Europe. Pour moi, je gémis sérieusement sur la persécution que les philosophes vont infailliblement essuyer . N’avez-vous pas un souverain mépris pour votre France, quand vous lisez l’histoire grecque et romaine ? trouvez-vous un seul homme persécuté à Rome depuis Romulus jusqu’à Constantin, pour sa manière de penser ? le sénat aurait-il jamais arrêté l’Encyclopédie ? y-a-t-il jamais eu un fanatisme aussi stupide et aussi désespérant que celui de vos pédants ?
Vraiment oui, j’ai donné une chandelle au diable [expression de d’Alembert quand V* a envoyé son conte Les Trois Manières à Mme du Deffand]; mais vous auriez pu vous apercevoir que cette chandelle devait lui brûler les griffes, et que je lui faisais sentir tout doucement qu’il ne fallait pas manquer à ses anciens amis [lettre du 7 mars à Mme du Deffand].
A l’égard des hauts lieux dont vous me parlez, sachez que ceux qui habitent ces hauts lieux sont philosophes, sont tolérants, et détestent les intolérants avec les quels ils sont obligés de vivre [allusion aux Choiseul].
Je ne sais si le Corneille entrera en France, et si on permettra au roi d’avoir ses exemplaires [« … entre les mains d’un cuistre nommé Marin, qui doit décider si le public pourra le lire. » : d’Alembert]. Ce dont je suis bien sûr, c’est que tous ceux qui s’ennuient à Sertorius et à Sophonisbe, etc., trouveront fort mauvais que je m’y ennuie aussi ; mais je suis en possession depuis longtemps de dire hardiment ce que je pense, et je mépriserai toujours les fanatiques, en quelque genre que ce puisse être. Ce qui me déplait dans presque tous les livres de votre nation, c’est que personne n’ose mettre son âme sur le papier, c’est que les auteurs feignent de respecter ce qu’ils méprisent ; vos historiens surtout sont de plates gens, il n’y en a pas un qui ait osé dire la vérité. Adieu, mon cher philosophe ; si vous pouvez écrasez l’Infâme, écrasez-la et aimez-moi, car je vous aime de tout mon cœur.
Voltaire
14 avril 1764. »
17:52 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, alembert, français, cuistre, janséniste, frederic, diable, deffand
14/03/2009
C’est de mon fumier que j’ai l’honneur de vous écrire
Le titre exagère un peu sur ma situation réelle ; je suis en réalité sur un fauteuil gris-bleu décoré de poils de chien blanc qui ne demandent qu'à se coller sur le velours noir de mon pantalon ; la brosse va chauffer ! Que dire ce jour qui ne soit pas du réchauffé ? Si ce n'est de souhaiter une bonne route au Grand Jacques et à Luna .Et pour rester éveillé, un extrait de Black cat,White cat qui parle d'un chien plus mordant que la gentille Luna : http://www.youtube.com/watch?v=Wkzg4EIvdIA&feature=re... . Decoiffant , non ?!
Et maintenant sans transition ...dans la veine du roi du coq à l'âne ...
« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul
Job à Madame de Barmécide, [les Barmécides, persans très influents et très généreux tombèrent en disgrâce en 803, et V* a écrit en janvier à la duchesse « Épitre : Benaldaki à Caramouflée femme de Giafar le Barmécide », après la disgrâce de Choiseul]
Le diable avait oublié de crever les yeux à l’autre Job, il s’est perfectionné depuis. Ainsi, Madame, vous avez actuellement une petite-fille [Mme du Deffand] et un vieux serviteur aux Quinze-Vingts.
C’est de mon fumier que j’ai l’honneur de vous écrire avec un têt de pot cassé. Madame votre petite-fille est la plus heureuse aveugle qui soit au monde ; elle court, elle soupe, elle veille dans Babylone, elle compte même aller à Chanteloup [propriété des Choiseul, exilés ], ce qui est, dit-on, la suprême félicité. Job n’y prétend point, il compte mourir incessamment dans ses neiges, et voici ce qu’il dit de la part du Seigneur à l’illustre Barmécide :
Votre nom répandra toujours une odeur de suavité dans les nations ; car vous faisiez le bien au point du jour, et au coucher du soleil ; vous n’avez point fait de pacte avec le diable, mais vous avez fait un pacte de famille [alliance entre les Bourbons de France et d’Espagne en 1761] qui est de Dieu .Vous avez une fois donné la paix à Babylone [terminé la Guerre de Sept ans en 1763], et vous avez une autre fois empêché la guerre, et une autre fois pour vous amuser vous avez donné une île au commandeur des croyants [la Corse pour le roi de France en 1768]; aussi je vous ai écrit dans le Livre de vie, très petit livre où n’a pas de place qui veut .
J’encadrerai avec vous la sultane Barmécide, ma philosophe, dont l’éternel s’est complu à former la belle âme, et je mettrai dans le même cadre votre sœur de la grande montagne [la duchesse de Gramont (jeu de mot Grand mont)] en qui mérite abonde. Et j’ai dit : Ils seront bien partout où ils seront, parce qu’ils seront bien avec eux-mêmes, et que les cœurs généreux sont toujours en paix.
Et si vous voulez vous amuser de rogatons par A,B,C,D,E [premiers articles des Questions sur l’Encyclopédie ], comme Abbaye, Abraham, Adam, Alcoran, Alexandre, Anciens et modernes, Âne, Ange, Anguilles, Apocalypse, Apôtre, Apostat, on vous fera parvenir ces facéties honnêtes par la voie que vous aurez la bonté d’indiquer .Facéties d’ailleurs pédantesques et très instructives pour ceux qui veulent savoir des choses inutiles .
Si Job pouvait occuper un moment le loisir de la maison Barmécide, il serait trop heureux, mais que peut-il venir de bon des précipices et des neiges du mont Jura ? C’est dans les belles campagnes de Chanteloup que se trouvent l’esprit, la raison et le génie ; ainsi je me tais et je m’endors sur mon fumier en me recommandant au néant.
En attendant, je supplie madame Barmécide de me conserver se bontés qui font ma consolation pour le moment qui me reste à vivre, et d’agréer mon profond respect.
Le vieil ermite
13 mars 1771. »
Et pour revenir sur des choses plus actuelles qui me tiennent à coeur : http://www.rhonealpes.dondusang.net/donami/sang.php
Qui n'a pas donné va donner, qui a donné ..."les cœurs généreux sont toujours en paix." Toujours valable !!!
12:28 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, choiseul, job, diable, aveugle
21/02/2009
Le diable est partout , tout est sous les armes
« A Charles-Joseph Panckoucke
Consolez-vous, Monsieur ; il est impossible que les captifs qui sont à Alger [ les 3 premiers volumes de l’Encyclopédie, sous scellés à la Bastille ] ne soient pas délivrés par les mathurins [ ordre créé pour racheter les captifs chrétiens ] quand le temps sera favorable ; puisqu’on a rendu les premiers [ les volumes suspendus en 1759, première édition ], on rendra les seconds. Les cadets ne peuvent être traités plus durement que les ainés.
J’ai dû à M. d’Alembert et à M. Diderot la politesse que j’ai eue pour eux. Il n’était pas juste que mon nom parût avant le leur [dans le Prospectus de l’Encyclopédie ], et il faut surtout qu’il n’y paraisse point. Ceux qui travaillent à deux ou trois volumes de Questions sur l’Encyclopédie croient vous rendre un très grand service. Ils donnent les plus grands éloges à la première édition, ils annoncent la seconde ; ils espèrent décréditer un peu les contrefaçons, et ils s’amusent.
Je n’ai point vu mon ami Cramer ; tout est en combustion dans Genève, tout est sous les armes ; on a assassiné sept ou huit personnes juridiquement dans les rues, dans les maisons ; un vieillard de quatre-vingts ans a été tué en robe de chambre ; une femme grosse bourrée à coups de crosse de fusil est mourante ; une autre est morte. Cramer [Gabriel ] commande la garde. Il faut espérer que son magasin ne sera pas brûlé. Le diable est partout. J’espère que je l’exorciserai en qualité de capucin ; car il faut que vous sachiez que je suis agrégé dans l’ordre des capucins par notre général Amatus de Lamballa, résidant à Rome, qui m’a envoyé mes lettres patentes. C’est une obligation que j’ai à saint Cucufin [voir sa Canonisation de Saint Cucufin ], et j’en sens tout le prix. Je prie Dieu pour vous. Recevez ma bénédiction.
Frère François V., capucin indigne .
21 février 1770. »
Pour rester dans l'indignité, petit cadeau d'un poète du XXI ème siecle ; vous me remercierez plus tard !!
http://video.google.fr/videoplay?docid=699540148749833844...
18:48 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, cucufin, diderot, alembert, genève, diable, encyclopédie
09/01/2009
blocus d'hier, chaos-K.O. d'aujourd'hui !
"A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul
Mon héros, mon protecteur,
C'est pour le coup que vous êtes mon colonel . Le satrape Elochivis [=Choiseul ] environne mes poulaillers de ses innombrables armées, et le bonhomme qui cultive son jardin au pied du mont Caucase est terriblement embarassé par votre funeste ambition [ blocus de Genève suite aux dissensions dans cette république ].
Permettez-moi la liberté grande de vous dire que vous avez le diable au corps . Maman Denis et moi nous nous jetons à vos pieds . ce n'est pas les Genevois que vous punissez, c'est nous , grâces à Dieu . Nous sommes cent personnes à Ferney qui manquons de tout, et les Genevois ne manquent de rien . Nous n'avons pas aujourd'hui de quoi donner à dîner aux généraux de votre armée .
A peine l'ambassadeur de votre Sublime Porte eut-il assuré que le roi de Perse prenait les honnêtes Scythes sous sa protection et sauvegarde spéciale, que tous les bons Scythes s'enfuirent [ Scythes = Genevois, Persans = Français ; fuite et émigration de patriciens après le refus du Règlement de Médiation ]. Les habitants de Scythopolis peuvent aller où ils veulent, et revenir, et passer et repasser avec un passeport du chiaoux Hennin ; et nous pauvres Persans, parce que nous sommes votre peuple, nous ne pouvons ni avoir à manger, ni recevoir nos lettres de Babylone, ni envoyer nos esclaves chercher une médecine chez les apothicaires de Scythopolis .
Si votre tête repose sur les deux oreillers de la justice et de la compassion, daignez répandre la rosée de vos faveurs sur notre disette .
Dès qu'on eut publié votre rescrit impérial dans la superbe ville de Gex où il n'y a ni pain, ni pâte, et qu'on eut reçu la défense d'envoyer du foin chez les ennemis, on leur en fit passer cent fois plus qu'ils n'en mangeront en une année . Je souhaite qu'il en reste assez pour nourrir les troupes invincibles qui bordent actuellement les frontières de la Perse .
Que Votre Sublimité permette donc que nous lui adressions une requête qui ne sera point écrite en lettres d'or sur parchemin couleur de pourpre selon l'usage, attendu qu'il nous reste à peine une feuille de papier que nous résevons pour votre éloge .
Nous demandons un passeport signé de votre main prodigue en bienfaits pour aller, nous et nos gens, à Genève ou en Suisse selon nos besoins et nous prierons Zoroastre qu'il intercède auprès du grand Orosmade pour que tous les pêchés de la chair que vous avez pu commettre vous soient remis .
Voltaire
9 janvier 1767"
Quand Voltaire passer autant de pommade, Voltaire fâché tout rouge ! Il met en évidence l'imbécilité d'une situation de conflit qui lèse plus ceux qui veulent la faire cesser que ceux qui la causent . Notre président ( enfin, celui de ceux qui l'ont élu ! ) sert-il du "Votre Sublimité " à ses interlocuteurs interloqués laquais d'un lacis inextricable de laconiques lacunes de pensée ( ça fait du bien de dire un peu n'importe quoi sans faire de mal à ses sacrés nom.... de concitoyens ! ). Je prierai moi aussi le grand Zoroastre et Nanabozo le Grand Lapin pour l'absolution de "tous les pêchés de la chair " , passés, présents et à venir ... pourvu qu'ils soient nombreux !!
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