Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/01/2009

L'illusion du spectateur, et le comédien

"Le costume ajoute beaucoup à l'illusion du spectateur, et le comédien prend plus aisément le ton de son rôle " (Claire de La Tude Clairon)

hippolyte_la_clairon_par_quentin__2.jpg

 

 

                   « A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de Latude Clairon

 

                            Vous avez dû recevoir, Mademoiselle, un changement très léger, mais qui est très important. Je ne crois pas m’aveugler ; je vois que tous les véritables gens de lettres rendent justice à cet ouvrage, comme on la rend à vos talents. Ce n’est que par un examen continuel et sévère de moi-même, ce n’est que par une extrême docilité pour de sages conseils, que je parviens chaque jour à rendre la pièce moins indigne des charmes que vous lui prêtez.

 

                            Si vous aviez le quart de la docilité dont je fais gloire, vous ajouteriez des perfections bien singulières à celles dont vous ornez votre rôle. Vous vous diriez à vous-même quel effet prodigieux font les contrastes, les inflexions de voix, les passages du débit rapide à la déclamation douloureuse, les silences après la rapidité, l’abattement morne et s’exprimant d’une voix basse, après les éclats que donne l’espérance, ou qu’a fournis l’emportement. Vous auriez l’air abattu, consterné, les bras collés, la tête un peu baissée, la parole basse, sombre, entrecoupée. Quand Iphise vous dit :

 

Pammène nous conjure

De ne point approcher de sa retraite obscure ;

Il y va de ses jours…

 

Vous lui répondriez, non pas avec un ton ordinaire, mais avec tous ces symptômes du découragement, après un ah très douloureux,

Ah !... que m’avez-vous dit ?

Vous vous êtes trompé …       

 

En observant tous ces  petits artifices de l’art, en parlant quelquefois sans déclamer, en nuançant ainsi les belles couleurs que vous jetez sur le personnage d’Électre, vous arriveriez à cette perfection à laquelle vous touchez, et qui doit être l’objet d’une âme noble et sensible. La mienne se sent faite pour vous admirer et pour vous conseiller ; mais, si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents.

 

                   Voltaire

                   Vers le 20 janvier 1750. »

 

 

                   Voltaire, directeur d’acteurs, metteur en scène, auteur pinailleur pour ses créations, sait prendre ses interprètes dans le sens du poil, y met les formes avec quand même , - le naturel revient au galop et il a déjà assez souffert de l’indiscipline des acteurs -, la phrase qui booste et qui remet les pendules à l’heure : « si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents. »

                   Quelle star du show biz serait capable d’appliquer cela ?