21/03/2010
il n’avait auprès de moi d’autre recommandation que de m’avoir déchiré dans plusieurs libelles.
"Dites-donc quand vous viendrez, aimable enfant ?" : chère LoveV, Volti me souffle cette question et je vous la transmets en fidèle secrétaire.
« A Claude-Adrien Helvétius
Ce 21 [mars 1739]
Ce que j’apprends est-il possible ? Belle âme née pour faire plaisir, et qui agissez comme vous pensez, vous êtes allé, et vous avez encore retourné chez ce Saint-Hyacinthe ? Generose puer ne profanez pas votre vertu avec ce monstre. C’en est trop. Mon cœur est pénétré de vos soins. Si vous saviez ce que c’est que ce Saint-Hyacinthe, vous auriez eu horreur de lui parler. Je ne l’ai connu qu’en Angleterre où je lui ai fait l’aumône, il la recevait de qui voulait, il prenait jusqu’à un écu. Il s’était échappé de la Hollande où il avait volé le libraire Catuffe son beau-frère, et il n’avait auprès de moi d’autre recommandation que de m’avoir déchiré dans plusieurs libelles. Il avait eu part au Journal littéraire, où il m’avait maltraité, mais je l’ignorais, et il se donnait pour l’auteur de Matanasius,[Le chef-d’œuvre d’un inconnu, poème heureusement découvert et mis au jour .. par M. le Dr Chrisostome Matanasius , 1714 ; Sallengre, S’Gravesende, P. Marchand … auraient collaboré avec Saint-Hyacinthe ] ce qui faisait que je lui pardonnais ses anciens péchés. Se faire honneur du Matanasius qui était de MM. de Sallengre et S’Gravesende etc. était la moindre de ses fourberies. Il se servit à Londres de l’argent de mes charités et de celui que je lui avais procuré, pour imprimer un libelle contre La Henriade [Lettres critiques sur La Henriade, 1728]. Enfin mon laquais le surprit me volant des livres, et le chassa de chez moi avec quelques bourrades. Je ne l’ai jamais revu, jamais je n’ai proféré son nom. Je sais seulement qu’il a volé en dernier lieu feu Mme de Lambert, et que ses héritiers en savent des nouvelles. Enfin voila l’homme qui dans un libelle impertinent et digne de la plus vile canaille, ose m’insulter avec tant d’horreur [L’Apothéose ou la déification d’Aristarchus ; il y est question d’une rixe entre V* et un officier, Beauregard, en présence d’un acteur , au pont de Sèvres ; il y a aussi La Voltairomanie de Desfontaines qui cite Saint-Hyacinthe ]. C’est trop s’abaisser, mon cher ami, d’exiger une satisfaction d’un scélérat qui ne doit me satisfaire qu’une torche à la main ou sous le bâton. Evitez ce malheureux qui souillerait l’air que vous respirez.
Je vous avoue que mon cœur est saisi quand je vois les belles-lettres déshonorées à ce point. Mais aussi que vous me consolez ! Venez donc à Cirey avant que nous partions pour la Flandre ; j’espère qu’un jour nous nous reverrons tous dans le beau palais digne d’Emilie [L’Hôtel Lambert ; à Frédéric le 15 avril : « Mme du Châtelet vient d’acheter une maison bâtie par un des plus grands architectes de France, et peinte par Le Brun et par Le Sueur ; on a eu pour deux cent mille francs ce qui a coûté deux millions… »]. Il est voisin de votre bureau des fermes [Helvétius est fermier général] mais nos cœurs seront bien plus près de vous. Dites-donc quand vous viendrez, aimable enfant ?
10:39 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bientôt. Très bientôt...
Je me renseigne sur l'horaire des trains. :)
Écrit par : lovevoltaire | 24/03/2010
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