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05/09/2010

24 [août], jour de la St-Barthélémy ...Je ne sais par quelle fatalité singulière j'ai la fièvre tous les ans ce jour-là.

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Beethoven, je t'aime au même titre que Volti .

Beethoven ce n'est quand même pas qu'un chien baveux, idole made in USA !

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

5è septembre 1774

 

Mon cher ange, je suis toujours inquiet de la santé de Mme d'Argental, et de M. de Pont-de-Veyle. Je vois par votre lettre du 23 auguste que ni vous , ni le Grand Référendaire [i] n'êtes pas devins, quelque esprit que vous ayez tous deux. Vous ne vous doutiez ni l'un, ni l'autre du compliment qu'on devait lui faire le lendemain 24, jour de la St-Barthélémy [ii].

 

Je ne sais par quelle fatalité singulière j'ai la fièvre tous les ans ce jour-là.

 

Je crois bien qu'on n'a pas beaucoup parlé de la Lettre du théologien [iii] dans tout le fracas des nouveaux changements qu'on fait de tous côtés. Le bourdonnement des guêpes ne fait pas grand bruit au milieu des coups de tonnerre. Il est ridicule d'attribuer cette Lettre à un Allemand nommé Paw qui a écrit dans un style obscur et entortillé des conjectures hasardées sur les Américains et sur les Chinois [iv]. Vous savez que c'est l'abbé Duvernet qui a tenu la plume, et qui sont ceux qui l'ont dirigée [v]. Ils m'ont pris pour leur bouc émissaire, et ils m'ont couronné de fleurs pour me sacrifier. Pour comble de douleur vous sentez que je ne puis les nommer et qu'il a fallu encore les ménager quand je leur ai fait des reproches qu'ils méritaient [vi]. Rien n'est plus triste, à mon sens, que d'être assassiné par ses amis, et d'être obligé de se taire.

 

Madame du Deffand me mande qu'elle vous voit quelquefois. Je vous prie de lui faire connaitre la vérité ; elle sait la répandre et la rendre piquante.

 

Je me garderai bien de traîner mon cadavre à Paris, parmi les factions qui le divisent. Je laisse à mes deux neveux de l'ancien et du nouveau parlement [vii] le soin de débrouiller le chaos. Je crois savoir qu'on veut créer une nouvelle compagnie, composée des deux autres, et que ce projet n'est guère exécutable. J'entrevois qu'il ne serait ni honnête, ni utile de sacrifier ceux qui ont servi le Roi à ceux qui l'ont bravé [viii]. J'aperçois de tous côtés des embarras et des dangers, mais les choses s'arrangent presque toujours d'une manière que personne n'avait prévue ; et rien de ce qui était vraisemblable n'arrive. Qui aurait imaginé la paix des Turcs et de ma Catau si prochaine !

 

M. Turgot passa quinze jours aux Délices il y a plusieurs années [ix]; mais M. Bertin y vint aussi [x], et ne m'a servi de rien. Si j'avais quelques jours de vie encore à espérer j'attendrais beaucoup de M. Turgot, non que je lui redemande l'argent que l'abbé Terray m'a pris dans ma poche [xi], mais j'espère sa protection pour les gens qui pensent, parce qu'il est lui-même excellent penseur. Il a été élevé pour être prêtre, et il connaît trop bien les prêtres pour être leur dupe ou leur ami. Toutefois Antoine se ligua avec Lépide qui était grand pontife, sot et fripon.

 

On me mande que le pontife Beaumont est exilé à Conflans . Je crois bien qu'il est à Conflans pour radouber sa vessie [xii], mais exilé j'en doute. Je doute aussi que M. le duc de La Vrillière se soit enfin défait de sa charge de facteur des lettres de cachet [xiii].

 

Il y a quelque temps que M. le maréchal de Richelieu m'envoya un mémoire qui me parait une lettre circulaire sur l'étrange procédé de sa folle cousine, très indigne petite-fille de Mme de Sévigné [xiv]. Je le crois plus affligé des aventures de la cour [xv] que de celles de Mme de St-Vincent.

 

Je vous trouve bien heureux d'être plein de sécurité au milieu de tant d'orages, et d'être un tranquille ambassadeur de famille [xvi]. Je voudrais seulement que Parme fût un État plus considérable.

 

Ecrivez-moi, je vous en prie, non pas comme ambassadeur, mais comme ami, soit par Mme Lobreau, soit par Mme de Sauvigny, soit par Bacon, substitut du procureur général, qui demeure à un ancien hôtel de Richelieu, place Royale.

 

Je crois que l'hippopotame Quez-à co [xvii] ne se charge plus des lettres de personne. On dit qu'un abbé Aubert est chargé de l'histoire appelée Gazette [xviii], attendu qu'il fait des fables.

 

Je vous embrasse, mon cher ange, de mes mains maigres, et je soupire après des nouvelles de vos malades.

 

V. »

i Maupéou.

ii Maupéou et ses collègues a été congédié le 24 août ; Maupéou a refusé de démissionner de sa charge de chancelier.

iii « Ouvrage aussi dangereux qu'admirable » de Condorcet que V* ne voulait pas se voir attribuer ; cf. lettre du 17 août.

iv Les Recherches philosophiques sur les Américains ou mémoires intéressants pour servir à l'histoire de l'espèce humaine, 1768-1769 et Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les Chinois, 1773

v A De Lisle, le 17 novembre : « Le fond de cette brochure ... est d'un abbé Duvernet qui ne sait pas ce que c'est qu'un triangle. Il a été revu , corrigé et augmenté par M. de Condorcet qui le sait très bien, et qui a un génie supérieur. »

vi A Condorcet le 20 aout : « En un mot, je ne suis pas l'auteur de la Lettre du théologien ; je ne dois pas passer pour l'être ; et je suis bien sûr que vous et vos amis vous me rendrez cette justice ... J'attends mon repos de la vérité et de votre amitié. »

vii De l'ancien : d'Hornoy, du nouveau : Mignot.

viii A savoir, le nouveau parlement (de Maupéou) à l'ancien ; cf. lettre à d'Argental du 24 novembre.

ix En 1760.

x En 1755.

xi Turgot était devenu contrôleur général des Finances.

xii Christophe de Beaumont, archevêque de Paris , venait effectivement de se faire opérer et conserva ses fonctions.

xiii Il ne se défit pas en 1774 de sa charge de ministre de la maison du roi.

xiv Procès de Richelieu avec sa cousine Mme de St-Vincent qui aurait fait de faux billets à ordre au nom de Richelieu ; cf. lettre à d'Argental du 24 novembre 1774.

xv Depuis la mort de Louis XV, Richelieu est en disgrâce relative.

xvi Ambassadeur du duc de Parme qui est parent du roi de France (petit-fils de Louis XV).

xvii Marin que Beaumarchais appelait « animal marin », « hippopotame » dans les Mémoires Goësmann et dans l'Addition au supplément du mémoire (cf. lettre du 17 janvier 1774 à d'Argental). Dans son Quatrième mémoire, il le représentait allant à Versailles dans un carrosse portant pour armoiries une Renommée et l'Europe, le « tout embrassé d'une soutanelle doublée de gazettes, et surmontée d'un bonnet carré, avec cette légende à la houppe : Quez-à co ? Marin. »

xviii La Gazette de l'histoire « donne l'histoire de l'Europe deux fois par semaine » , la direction a été retirée à Marin ; cf. lettre du 31 mai 1773 à Vasselier.

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