26/09/2010
Victoire, victoire, mes chers anges. Vous avez triomphé des démons de la cabale
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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Conseiller d'honneur du parlement
Rue Saint-Honoré à Paris
Ce 26 septembre [1748] à Lunéville
Monsieur le coadjuteur [i] m'écrit une lettre bien éloquente, et bien consolante sur Sémiramis. Victoire, victoire, mes chers anges. Vous avez triomphé des démons de la cabale [ii]. Je suis toujours résolu à ne la pas imprimer ou à vouloir qu'on s'attende à l'impression, sans quoi on me jouera certainement le tour qu'on m'a déjà joué [iii]. Prévenez, je vous en conjure, les éditions que je crains, comme vous avez protégé les représentations. J'envoie une petite requête à Fontainebleau à M. le duc d'Aumont. Je le supplie d'ordonner que si on y joue Sémiramis, nous ayons une nuit profonde pour l'ombre, que cette ombre ne soit plus un gros garçon joufflu à visage découvert, mais qu'on imite la statue du festin de pierre [iv] avec une cuirasse. Comptez que cela fera un effet terrible. Il est aisé de faire la nuit, en éteignant toutes les bougies des coulisses, en faisant descendre un châssis épais derrière les lustres, et en baissant les lampions. Si Cindré [v] voulait se donner un peu de peine, on pourrait encore se tirer d'affaire à Fontainebleau [vi]. Il faudra absolument à la reprise que les Slodtz [vii] réparent leur honneur. Il leur sera aisé de faire une très belle décoration. On m'a écrit quatre lettres anonymes du parterre dans lesquelles on demande des décorations moins indignes de la pièce. Enfin voilà cette pièce en grâce, et on peut à la reprise lui donner une nouvelle vie. Vous ne sauriez croire à quel point vos bontés m'ont rendu Sémiramis chère. Je l'aime plus que je croyais. Je vais tâcher d'y travailler, car il faut mériter tout ce que vous faites. Mme du Châtelet vous fait les plus tendres compliments. On ne respire ici que les plaisirs, et cependant je n'ai jamais été si fâché d'être loin de vous. Mes chers anges, vous faites mon bonheur et ma gloire.
V.
A propos j'implore la protection de M. de Pont-de-Veyle pour des moyeux [viii]. Qu'il écrive un petit mot à M. de La Marche. C'est un point bien important.»
i L'abbé de Chauvelin chargé des répétitions de Sémiramis en l'absence de V* et d'Argental.
ii 21 représentations pour la pièce, mais elle avait failli tomber à la première car des jeunes gens engagés pour soutenir la pièce auraient baillé ostensiblement. Crébillon avait aussi retranché quelques vers « absolument nécessaires » que V* avait dû demander à Berryer de Ravenoville le 30 août d'approuver de sa main. De plus, Bidault de Montigny a composé une parodie annoncée par le Théâtre-Italien en avertissant Berryer de Ramenoville le 24 septembre.
iii « Le tour que (Prault) (lui) a déjà joué pour l'impression de Mahomet qu'il débita clandestinement sur une copie très informe » cf. lettre à d'Argental du 21 septembre ; le 8 septembre, V* avertit Berryer de Ramenoville que « des copies informes » circulaient.
iv Du Don Juan, de Molière.
v Le Noir de Cindré, employé aux « menus plaisirs ».
vi V* écrit le 4 octobre que « le théâtre [de Fontainebleau] est impraticable ».
vii Les frères Slodtz.
viii Prunes confites.
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