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03/01/2011

j'ai été assez imbécile pour penser que ce coquin ne me ferait point de mal, parce que je lui avais fait du bien, parce que je l'avais logé et nourri, et que je lui avais prêté de l'argent

 Malaise profond à Ferney en ce début 1767 .

http://www.deezer.com/listen-7969196 Spécial Antilles mais valable pour tous .

Ce qui me fait penser ou plutôt repenser que si l'on ne peut prévoir les réactions d'un individu isolé, en revanche il est possible de prévoir celles d'une foule . Paradoxe ? Oui ! apparemment . Voir "Foundation" d'Asimov .

Je songe aussi que la réflexion de Volti envers un agent fiscal peut s'appliquer à la France lorsqu'elle est victime, et terrain d'attentats et crimes, de la part de ressortissants étrangers vivants sur son sol .En paraphrasant Volti, je dirai : "Il n'y a rien que nous ne devions faire pour chasser ces monstres" .

Avec quelques jours d'avance ,les Rois mages (en Bretagne) ayant mis le turbo (ils marchent au biniou, ça dope les chameaux ! ) :

Rois-Mages-color.jpg


 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Vendredi au soir 2è janvier 1767

 

On prétend dans Ferney, mon cher ange, que j'ai eu hier une petite attaque d'apoplexie, vous voyez bien qu'il n'en est rien, puisque je suis toujours dictateur i. J'en ai été quitte pour me mettre dans mon lit pendant trois heures, et je me suis tiré d'affaire tout seul. Je ne sais pas encore si je me tirerai aussi heureusement du danger où m'a mis ce misérable Jeannin, contrôleur du bureau de Saconnex, entre Ferney et Genève ii. J'étais certainement tombé dans l'apoplexie la plus complète quand j'ai été assez imbécile pour penser que ce coquin ne me ferait point de mal, parce que je lui avais fait du bien, parce que je l'avais logé et nourri, et que je lui avais prêté de l'argent. J'avoue donc qu'à soixante et treize ans je ne connais pas encore les hommes ; du moins les hommes de son espèce.

 

Votre protégée me fait saigner le cœur ; c'est assurément une femme de mérite . Elle est actuellement en Suisse au milieu des neiges ; elle n'en peut sortir, et certainement je ne la ferai pas revenir par la route de Genève pour la faire passer devant les bureaux où elle est guettée. J'ai le plus grand soin d'elle dans la retraite où elle est, elle ne manque de rien. Tout ce qui est dangereux , encore une fois, c'est que ce scélérat de Jeannin a déclaré le véritable nom de cette personne. Heureusement cette déclaration n'est pas juridique, mais elle peut le devenir. Il n'y a rien que je ne fasse pour chasser ce monstre, et je compte que vous ne perdrez pas un moment pour dresser vos batteries, et pour exiger de M. de La Reynière iii qu'on le révoque sur le champ, sans lui donner jamais d'autre emploi. Il ira prendre, s'il le veut, celui de garçon du bourreau. Il n'est guère propre qu'à cela. Si j'étais plus jeune, je le ferais mourir sous le bâton.

 

Mme Denis est toujours dans la ferme résolution de ne point payer le prix de son carrosse et de ses chevaux, et moi dans le dessein invariable d'aller mourir hors de France si on fait cet affront à ma nièce. Car si elle est condamnée à perdre ses chevaux et son carrosse, elle est visiblement condamnée comme complice de votre protégée, et comme convaincue d'avoir envoyé en France des livres abominables ; elle serait détestée et deshonorée dans un pays de bêtes brutes où la superstition a établi son domicile. Il n'y aura en ce cas d'autre parti à prendre qu'à brûler le château que j'ai bâti.

 

Voilà, mon mon divin ange, tout ce que l'état le plus douloureux du monde me permet de vous écrire sur cette abominable aventure . Je vais répondre actuellement dans une autre lettre à tout ce que vous me mandez sur Les Scythes. Ces deux lettres partiront pour Genève demain samedi 3 janvier : avant que j'aie reçu celles que Mme Denis et moi attendons de vous sur cette cruelle affaire.

 

M. l'ambassadeur a quitté comme vous savez, Genève incognito ; il a passé deux jours chez moi iv; je pourrais bien aller lui rendre sa visite v, et ne revoir jamais Ferney. Le bon de l'affaire est que je lui ai prêté tous mes chevaux et que je n'en ai pas même pour envoyer chercher un médecin ; tant mieux, je guérirai plus vite. Mort ou vif, mon très [cher] ange, je vous idolâtre toujours de tout mon cœur.

Votre protégée m'écrit qu'elle part dans le moment à cheval pour retourner à Paris. Vous voyez qu'elle a le courage de son frère vi; mais ils ne sont pas heureux dans cette famille là, ni moi non plus, ni les Genevois non plus ; les affaires empirent de quart d'heure en quart d'heure vii. Milord Abington viii qui est haut comme un chou a déjà tué un sentinelle, à ce qu'on vient de me dire ; mais on dit beaucoup de sottises, et je ne peux savoir encore la vérité parce que les portes de Genève sont fermées. »

 

i Il dicte encore.

 

ii V*, le 23 décembre , a raconté l'affaire ainsi aux d'Argental ;                                                     cf. page 165 ,                http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f170.image.p...

 

iii Un des fermiers généraux ;               http://dictionnaire.sensagent.com/Laurent_Grimod_de_La_Re...                                                                                                                              Page 128 http://dictionnaire.sensagent.com/Laurent_Grimod_de_La_Re...

 

iv Le 5 janvier à Frédéric : « Le diable est déchainé dans Genève ... La moitié du Conseil et ses partisans se sont enfuis ; l'ambassadeur de France est parti incognito, et est venu se réfugier chez moi. »                                                                                                                                       Cf. page 172 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f177.image.p...

 

vLe chevalier de Beauteville partit à Soleure ; ce même jour V* demanda un passeport à Hennin, résident de France à Genève.                                                                                                      Cf. Page 169 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f177.image.p...                     Page 183, et 197 , V* parle d'aller « arranger ses petites affaires » chez l'Electeur Palatin, le duc de Würtemberg :                   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f177.image.p...

 

vi Le 27 décembre 1766, à d'Argental : « Elle ... a dit qu'elle est soeur de ce célèbre capitaine Thurot qui est mort si glorieusement au service du roi »                                http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Thurot

 

vii Le Conseil général a refusé le plan des médiateurs favorable aux Négatifs le 15 décembre et la France a entrepris le blocus de la république de Genève ;                                                              cf. lettre à Choiseul du 9 janvier 1767 Page 185 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f180.image.p...                        et                                                              http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/09/b...

 

viii Jeune homme « pétulant » qui s'est fait le champion des Représentants à Genève.                      Voir note 55 du poème sur La Guerre civile de Genève où V* en fait un des personnages actifs (http://www.voltaire-integral.com/Html/09/09GUERCI.htm) : http://www.voltaire-integral.com/Html/09/09N.htm                                                                                                    Plus tard créateur du mot « sécession » à propos de la révolte américaine contre l'Angleterre (Cf. lettre de Beaumarchais du 19 septembre 1777 au ministère de la marine).                                       « un sentinelle » : genre motivé par le signifié.

 

http://www.deezer.com/listen-4589767

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Je ne peux finir sans une pincée d'optimisme :

http://www.deezer.com/listen-739619

 

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