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01/02/2011

cet ouvrage diabolique, où l'on prouve que tout les hommes sont frères

 "La liberté a quelque chose de céleste ; mais le repos vaut encore mieux."

L'idéal étant bien entendu de concilier les deux états, ce qui semble irréaliste dans une grande partie du monde méditerranéen actuellement .

Liberté, combien de morts vaux-tu ?

"Frères musulmans" ! je crains par dessus-tout votre fraternité exclusive.

Tout comme on vit, dans la bible, Jacob voler le droit d'ainesse à Esaü, je crains que votre fraternité aille jusqu'à enlever la liberté  de vos compatriotes sur cette terre, pour votre bien sur cette terre, et le leur dans un hypothétique et rêvé au-delà .

Inch Allah ! mais attache bien ton chameau !!

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

1er février 1764

 

L'aveugle des Alpes a lu comme il a pu, et avec plus de plaisir que de facilité la consolante lettre du 25, du mois de janvier, dont ses anges gardiens l'ont régalé. Le grand docteur Tronchin lui couvre les yeux d'une pommade adoucissante, où il entre du sublimé corrosif i. Jésus-Christ ne se servait que de boue et de crachat, en criant effetta ii, mais les arts se perfectionnent.

 

Mes anges avaient donc reçu le 5è acte de la Conjuration un peu radoubé ? Ils en sont donc contents ? On pourrait donc se donner le petit plaisir de se moquer du public, de faire jouer la pièce de l'ex-jésuite iii, en disant toujours qu'on va jouer Olympie . Ce serait un chef-d'œuvre de politique comique qui me parait si plaisant que je ne conçois pas comment mes conjurés ne se donnent pas cette satisfaction .

 

Cependant j'en reviens toujours à mon grand principe que la volonté de mes anges soit faite au tripot comme au ciel.

 

J'ajoute que je leur enverrai incessamment des Olympie corrigées, soit par M. le duc de Praslin, soit par M. de Courteilles, soit par Jannel lui-même . Ils en feront à leur volonté . Mais en cas qu'ils veuillent suivre leur conjuration, je ne sais s'il ne faudrait pas donner le rôle de Fulvie à Mlle Dumesnil, et celui de Julie à Mlle Clairon ; je m'en rapporte au pauvre diable d'ex-jésuite père putatif de Fulvie et de Julie.

 

Je remercie tendrement mes anges de toutes leurs bontés ; c'est à eux que je dois celles de M. le duc de Praslin, qui me conservera mes dîmes en dépit du Concile de Latran, et qui fera voir que les traités des rois valent mieux que les conciles iv. Figurez-vous quel plaisir ce sera pour un aveugle d'avoir entre les Alpes et le mont Jura une terre grande comme la main, très joliment bâtie de ma façon, ne payant rien ni au roi ni à l'Église, et ayant le droit de mainmorte sur plusieurs petites possessions.

 

Je devrai tout cela à mes anges et à M. le duc de Praslin. Il n'y a que le succès de la conspiration qui puisse me faire un aussi grand plaisir.

 

Je les félicite du gain du procès de la Gazette littéraire, qui fera braire l'âne littéraire v. On m'avait envoyé d'Angleterre un gros paquet adressé il y a un mois à M. le duc de Praslin, pour travailler à sa gazette dans le temps que j'avais encore un œil. Mais il faut que le diable comme vous dites soit déchainé contre tous mes paquets.

 

Il parait (et je suis très bien informé) qu'on a de grandes alarmes à Versailles sur La Tolérance, quoique tous ceux qui ont lu l'ouvrage en aient été contents vi. On peut bien croire que ces alarmes m'en donnent. Je m'intéresse vivement à l'auteur, qui est un bon théologien et un digne prêtre ; je ne m'intéresse pas moins à l'objet de son livre, qui est la cause de l'humanité . Il n'y a certainement d'autre chose à faire dans de telles circonstances, qu'à prier frère Damilaville de vouloir bien employer son crédit, et ses connaissances dans la typographie pour empêcher le débit de cet ouvrage diabolique, où l'on prouve que tout les hommes sont frères.

 

Je supplie très instamment mes anges consolateurs de savoir, par le protecteur de la conspiration des roués vii, si l'on me sait mauvais gré à Versailles de cette Tolérance si honnête. Il peut en être aisément informé, et en dire trois mots à mes anges qui m'en feront entendre deux ; car quoique je ne sois pas un moine du couvent, je ne veux pourtant pas déplaire à monsieur le prieur . La liberté a quelque chose de céleste ; mais le repos vaut encore mieux.

 

Ma nièce et moi nous remercions encore une fois nos anges, nous présentons à M. le duc de Praslin les plus sincères remerciements ; nous en disons autant à frère Crommelin viii, qui d'ailleurs est un des fidèles de notre petite église . J'ai lu à propos d'église le réquisitoire de maître Omer contre maître de Beaumont ix. Je ne sais rien de plus ennuyeux, si ce n'est peut-être le mandement de Beaumont que je n'ai point encore vu . Je ne trouve de raisonnable dans toutes ces fadaises importantes que la déclaration du roi qui ordonne le silence.

 

Permettez-vous qu'on insère dans ce paquet un petit mot pour Lekain ?x »

 

ii Voir évangile de St Marc .

iii Voir lettres du 1er août et du 27 septembre 1763 aux d'Argental. « On » = V* attribue cette pièce à un jeune jésuite nommé Marcel !

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/01/i...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/27/v...

iv Le même jour, à Damilaville ,il précise : « Je crois ... que M. le duc de Praslin rapportera bientôt au Conseil ... » Pages 381-382 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f387.image.p...

Sur les traités évoqués voir lettre aux d'Argental du 27 septembre 1763.

v Pour la Gazette littéraire, voir lettre à Choiseul-Praslin du 1er mai 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/21/v...

du 14 août 1763 aux d'Argental :  http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/15/c...

L' « âne littéraire » étant bien entendu une allusion à l'Année littéraire de Fréron .

vi Tous ceux qui ont lu l'ouvrage en ont été contents, c'est ce que dit à V* le duc de Choiseul le 27 novembre 1763, qui cite en particulier Mme de Pompadour et la duchesse de Gramont . Cependant le cardinal de Bernis, de retour à la cour , refusa l'envoi du traité comme une imprudence en un billet daté du 26 janvier 1764 : « Un traité de la tolérance est un ouvrage si important, mais si délicat, que je crois plus prudent de vous prier de ne pas me l'adresser » : Page 372 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f377.image.p...

vii Le duc de Praslin alors ministre des Affaires étrangères.

viii Jean-Pierre Crommelin,1716-1768, ministre représentant de la RTépublique de Genève à Paris de 1763 à 1768.

http://www.crommelin.org/familytree/1647PierreEtienne.htm

 

ix Mgr Christophe de Beaumont, archevêque de Paris contre qui est rendu l'Arrêt du parlement de Paris, qui condamne ... l'instruction pastorale de Mgr l'archevêque de Paris, 1764.

 

x Concernant l'éventualité de la représentation du Triumvirat.

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