03/07/2013
Je persiste mon cher ange à conseiller aux encyclopédistes de s'unir comme des frères et d'être opiniâtres comme des prêtres
... Opiniâtres comme des prêtres !
Ceux d'aujourd'hui paraitraient bien dépourvus de zèle et bien fades aux yeux de Voltaire . Catholiquement parlant .
Les opiniâtres, les véreux, les félés de Dieu sont nettement plus faciles à trouver chez les intégristes de tous bords . Et dire qu'ils s'honorent du titre de frères ! Et dire que chacun d'entre eux ne pense qu'à son pouvoir personnel, sa dictature, son profit ! A quand la fin de cette engeance ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
conseiller d'honneur au Parlement
rue de la Sourdière
à Paris
A Lausanne 7 mars [1758]
Mon cher ange, êtes-vous couché sur le testament de M. le cardinal de Tencin 1? A-t-il laissé quelque chose à son Goussault 2? Viendrez-vous à Lyon discuter la succession ? Ce serait là une belle occasion pour Mme d'Argental de venir consulter Tronchin . Nous ferions un feu de joie aux Délices, non pas pour la mort de l'oncle mais pour le joyeux avènement du neveu . J'ai perdu dans cet oncle un homme qui depuis trois mois s’était lié avec moi de la manière la plus intime et la plus extraordinaire . Mais il n'y a pas moyen de vous dire comment .
Il suffit que tout le monde nous redemande Fanime et que nous la rejouons encore demain . Il viendra bientôt un Genevois 3 très aimable qui vous en dira des nouvelles . J'apprends qu'Astarbé 4 n'a pas été aussi bien accueilli qu'Iphigénie . Comment voulez-vous qu'on réussisse quand on s'appelle M. Coquardeau 5?
Je persiste mon cher ange à conseiller aux encyclopédistes de s'unir comme des frères et d'être opiniâtres comme des prêtres, de déclarer qu'ils abandonnent tout et de forcer le public à se mettre à leurs pieds .
Avez-vous vu le vainqueur de Mahon qui ne devait pas aller sur le Vezer ? Est-il encore fâché contre moi de ce que Mme Denis étant très malade des suites de cette ancienne cuisse 6, je ne l'ai pas abandonnée pour aller à Strasbourg dans l'antichambre de M. le maréchal qui en passant le nez haut , au milieu de deux haies d'officiers m'aurait demandé s'il y a une bonne troupe dans la ville ? Ce serait pour vous mon cher ange que je ferais cent lieues .
V. »
1 Mort le 2 mars .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Gu%C3%A9rin_de_Tencin
2 Goussault est conseiller du parlement et aussi auteur d'ouvrages divers . Ses liens avec Tencin n'ont guère été étudiés .
3 Crommelin ; voir lettre du 3 mars 1758 à d'Argental :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/27/quand-vous-croirez-avoir-trouve-avec-le-public-mollia-fandi.html
4 Astarbé de Charles-Pierre Colardeau fut représentée pour la première fois le 26 février 1758, n'eut que dix représentations et ne fut jamais reprise .
5 V* fait une moquerie avec cet à peu près du nom de l'auteur, sans doute allusion à l'épigramme de Marot , A un poète ignorant : « Qu'on mène aux champs ce cocardeau ... » Ce mot désignait une sot vaniteux, un niais . D'après Littré, il a été employé par Chaulieu -que V* appréciait- au sens de jeune homme qui fait le beau .
6 Le 27 octobre 1754, V* écrivait déjà à Richelieu: « Pour ma nièce … sa maudite enflure de jambe et de cuisse lui a repris de plus belle . Il faut des béquilles à la nièce et une bière à l'oncle . » ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/09/il-faut-qu-elle-ait-fait-sur-moi-grande-impression-car-j-ai.html
Ce mal est venu suite aux démêlés qu'avaient eu V* et sa nièce avec Freitag en juin 1753 à Francfort . V* a relaté ces évènements dans sa lettre au comte von Ulfeld le 14 juillet 1753 . Sur le mal de Mme Denis, voir les lettres de V* à sa nièce du mois d'août au mois de décembre 1753 ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/05/il-m-a-fallu-repasser-par-des-palais-apres-avoir-ete-dans-le.html
http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/14/les-etrennes-mignonnes-du-president.html
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