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03/09/2010

je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses...Voilà de plaisants discours, ... pour un malade !

"Je ne songe qu'à profiter du peu de temps qui me reste pour travailler et pour vous aimer"

... Belle déclaration d'amour !

 

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Volti connait le démon de midi, -Marie-Louise, pour ne rien vous cacher-,  et lui rend hommage sans fard et sans hypocrisie, quoique en toute discrétion aux yeux du monde .

 

 

 

« A Mme Denis

 

A Strasbourg 3 septembre [1753]

 

Je reçois, ma chère enfant, votre lettre du 27 août qui m'est probablement renvoyée par M. Gayot. Je vous prie dorénavant de m'écrire sous le couvert de M. Defresnay, directeur général des postes, ou sous le nom de M. Darsin [i]. Les lettres me seront rendues sur-le-champ, soit sous le nom de Darsin soit sous l'enveloppe de M. Defresnay. M. Gayot est à Plombières. Je ne doute pas que vous ne lui ayez écrit pour le remercier de tous ses soins. J'ai toujours votre boîte [ii]. J'attends une occasion. Je suis à la campagne. Je n'ai point osé aller au gouvernement [iii] sans billet. J'attends celui de M. Bernard que vous m'avez promis. Venons à nos affaires. Vous ne me parlez point de votre santé. Elle est donc bonne. C'est là ma première affaire et je ne suis malheureux qu'à moitié.

 

Mon cœur est pénétré de tout ce que vous faites. Je n'ai point dans mes tragédies d'héroïne comme vous. Moi, ne vous point aimer ! Mon enfant, je vous adorerai jusqu'au tombeau. Je vous aime tant que je n'irai point dans ce château où il y a un tiers qui vous aime aussi [iv]; je deviens jaloux à mesure que je m'affaiblis, ma chère enfant. Je voudrais être le seul qui eût le bonheur de vous foutre, et je voudrais à présent n'avoir jamais eu que vos faveurs, et n'avoir déchargé qu'avec vous . Je bande en vous écrivant, et je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses. Eh! Bien, direz-vous que je ne vous aime pas ! Pagnon [v] serait bien étonné s'il lisait cela. Voilà de plaisants discours, dirait-il pour un malade ! Mais c'est un malade à qui vous rendez la vie par-ci par-là.

 

Je ne suis pas si content de l'imbécile abbé Godin [vi] que de vous . A qui en veut-il ? pourquoi plutôt dans un endroit que dans un autre ? Le plat homme ! Les deux grelots [vii] de Frémont [viii] me plaisent beaucoup, ils feront d'ailleurs enrager Lemeri et Le Sec [ix].

 

En attendant voici ce que je vais faire . J'ai achevé à peu près mon histoire de l'empire [x]. Je tâcherai de la faire imprimer à Strasbourg. J'y aurai pour la perfectionner un secours que je n'aurais point ailleurs. M. Sheffling [xi], le meilleur professeur d'histoire, est à Strasbourg. Il est mon ami, il me vient voir tous les jours dans mon ermitage. Il m'aidera. Je suis bien loin de me promener dans l'Alsace et dans la Lorraine. Je ne songe qu'à profiter du peu de temps qui me reste pour travailler et pour vous aimer. Un moment perdu me parait un siècle. Dieu merci je n'ai rendu aucune visite pas même à l'intendant. Il est venu souvent chez moi. Je renvoie mon monde sans façon en qualité de malade. Travailler et penser à vous, voila ma vie. Au nom de notre amitié, ma chère enfant, peignez-moi à tout le monde comme mourant, vous ne mentirez guère, car je ne vis que quand votre idée me ressuscite.

 

Envoyez-moi, je vous prie la malle aux papiers par le premier roulier à l'adresse de M. Defresnay et ne manquez pas d'y mettre toutes mes lettres. J'ai une besogne en tête que vous m'avez conseillée, qui est nécessaire, et que je veux faire en forme de lettres. Je tâcherai de rendre la chose sage, agréable, plaisante ; et quoique mesurée je vous promets qu'elle couvrira d'opprobre dans la postérité ceux qui vous ont fait traîner par des soldats [xii] et qui prétendent à la gloire parce qu'ils ont été heureux. Je rappellerai dans ces lettres beaucoup de faits qui seront d'ailleurs attestés par les originaux qui sont dans mes papiers [xiii]. Soyez sûre que ce recueil sera un jour plus intéressant que celui de Rousseau [xiv]. Je vous remettrai le tout fidèlement et vous le garderez comme mon testament, après quoi je mourrai content. Pourriez-vous mettre dans le coffre six assiettes et six couverts d'argent , cela peut servir quoique je ne sois pas un homme à tenir table sans vous, comme vous le faites si gaiement. Je ne soupe plus, vous ne dînez plus. Vola la plus grande de mes afflictions.

 

Je vous avoue que j'ai été bien affligé que vous ayez envoyé à Francfort la révocation de votre procuration [xv]. Elle est arrivée précisément dans le temps qu'on allait rendre l'argent. Votre résiliation a tout gâté. On s'est prévalu de l'apparence de notre mésintelligence. C'est cent louis de perdu à la suite de beaucoup d'autres. Vous vous êtes trop pressée de croire vos pauvres Parisiens qui croient connaître l'Allemagne. C'est moi qui la connais. J'ai eu plusieurs conférences tête à tête avec l'Électeur palatin. Je vous réponds que j'étais mieux à Mayence, à Manheim, à Gotha que partout ailleurs. Je vous dirais d'autres choses qui vous émerveilleraient, mais je ne veux songer à présent qu'à vous, à mon histoire de l'empire, à ces lettres, et Dieu sait si après je ne ferai pas une tragédie. J'ai un sujet admirable [xvi], et le diable me bat. Laissez-moi faire et que je vive.

 

Ce fou de Maupertuis n'a donc pas imprimé l'apologie de ses géants et de l'art d'exalter son âme ?[xvii] Ce fou devient un sot . L'amour-propre et l'eau-de-vie l'ont abruti. Adieu, aimez-moi pour que je vive, mais parlez toujours de moi comme d'un mourant . Ce coquin de Cernin [xviii] écrivait à sa sœur : Il fait le malade à Francfort, et sa nièce fait semblant de le secourir en l'épuisant. Je vous recommande Du Billon [xix] dans vos moments de loisir.

 

Je crois qu'il est de la plus grande importance que vous fassiez envoyer au roi de Prusse par milord Maréchal la lettre où je traite comme il faut l'impertinent auteur de la satire contre le roi de Prusse [xx]. Voici des vers qu'on m'envoie [xxi], ils méritent d'être connus. Adieu ma chère enfant.

 

V.

 

Ne dîtes à personne que je vais faire imprimer une histoire d'Allemagne. »


i Darsin ou d'Arcin, encore un des pseudonymes de V*.

ii Sa tabatière.

iii   A la résidence du gouverneur ; il avait demandé à Mme Denis le 17 août de « parler à Bernard (= Pierre-Joseph Bernard, dit Gentil-Bernard), et de voir si M. le maréchal de Coigny voudrait permettre qu'(il) loge(ât) à Strasbourg dans son hôtel »

iv Chez Cideville, en Normandie ; le 22, lettre explicite :  « Vous renoncez donc à la Normandie. Votre état (=grossesse) l'exige et les sentiments de Cideville l'auraient exigé. »

Par contre, le 11 novembre à Cideville : « On dit que votre campagne est charmante, mais vous en faites le plus grand agrément. Je ne me console pas de n'y pouvoir aller. »

v Pseudonyme de Franz Varrentrapp, imprimeur à Francfort ? Ou Paignon, parent de Mme Denis ?

vi Est-ce Louis XV, comme il le désignait dans d'autres lettres.

vii Terme utilisé par V* pour désigner des distinctions .

viii D'Argenson.

ix Frédéric et Maupertuis.

x Annales de l'Empire.

xi Johann Daniel Schoepflin.

xii   A Francfort ; cf. lettres du 20 juin et 8 juillet 1753.

xiii Il s'agit de réécrire les lettres adressées de Prusse à sa nièce et en faire un recueil vengeur à publier après sa mort (comme prévu aussi pour ses Mémoires) ; il reviendra à plusieurs reprises sur ce projet, réclamant à chaque fois les papiers qu'elle hésite à envoyer. Cf. lettre du 20 décembre.

xiv Jean-Baptiste Rousseau : Lettres sur différents sujets ; cf. lettre à Mme Denis du 12 août 1749.

xv 25 juillet.

xvi  L'Orphelin de la Chine ; il lui reprochera d'avoir « parlé des Chinois » le 18 septembre.

xvii Dans la Diatribe du Docteur Akakia : Maupertuis a « imaginé de connaître la nature de l'âme par le moyen de l'opium et en disséquant des têtes de géants ... » ; « avec de l'opium et des rêves, il modifie l'âme » ; « il espère qu'un peu plus de chaleur et d'exaltation dans l'imagination pourra servir à montrer l'avenir... »

xviii Frédéric, qui écrivait en réalité à sa sœur Wilhelmine le 7 juillet : « J'ai vu la lettre de Voltaire et de la Denis ... Vous ne sauriez croire ... jusqu'à quel point ces gens jouent la comédie ; toutes ces convulsions, ces maladies, ces désespoirs, tout cela n'est qu'un jeu... »

xix   Est-ce encore Frédéric comme dans d'autres lettres ?

xx   V* attribue cette satire à La Beaumelle : Idée de la personne, de la manière de vivre et de la Cour du Roi de Prusse, juin 1752 ; elle vient d'être publiée suivie de deux textes authentiques de V* qui craint donc qu'on ne croie « que tout est de lui » (lettre du 27 août 1753), d'où urgence à fustiger l'auteur de la satire et faire transmettre ce mot à Frédéric.

xxi   Vers envoyés par Sébastien Dupont à V* en août 1753.

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