19/05/2015
je me fous de Joly de Fleury et de - et de , ainsi que de Chaumeix, et que je leur donnerai sur les oreilles dans l'occasion
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« A Henri Lambert d'Herbigny, marquis de THIBOUVILLE.
A Tournay, par Genève,
20 mai [1760].
Si vous avez eu mal à la jambe, mon cher marquis, votre tête et votre cœur vont très-bien. Votre lettre 1 m'a enchanté ; tout ce que vous dites est vrai, hors les louanges dont vous m'honorez, la fin surtout de cette Chevalerie étant fort languissante. Figurez- vous que cela avait été imaginé, fait, et envoyé en trois semaines.
Les jeunes gens sont toujours un peu trop vifs ; mais on fait ensuite des retours sur soi-même. J'ai l'impudence de penser que Mlle Clairon ne serait pas mécontente de la dernière scène. Oreste a des fureurs tout seul ; mais des fureurs auprès de son amant qui expire, aux yeux d'un père qui est cause en partie de tant de malheurs, aux yeux de ceux qui avaient proscrit l'amant et condamné à mort la maîtresse ; des fureurs mêlées de l'excès de l'amour ; mais embrasser son amant qui meurt 2 pour elle, mais repousser son père et lui demander pardon, et tomber dans les convulsions du désespoir : si cela n'est point fait pour le jeu de Mlle Clairon, j'ai tort.
Je crois qu'en tout le rogaton de la Chevalerie est moins mauvais que le rogaton de Médime; mais c'est à ceux qui me gouvernent à régler les rangs et l'ordre des sifflets. Je n'ai point fait les Quand 3; mais il me prend envie de les avoir faits. Il n'y a qu'à rire de tout ce qui se passe; les philosophes surtout doivent rire, s'ils sont sages. On m'envoie de Paris les pauvretés 4 ci-jointes; on les dit de Robbé ; en ce cas Robbé est un sage, car il rit. La guerre des auteurs est celle des rats et des grenouilles; cela ne fait de mal à personne. Jansénistes, molinistes, convulsionnaires ; Jean- Jacques voulant qu'on mange du gland ; Palissot monté sur Jean-Jacques allant à quatre pattes ; maître Joly de Fleury braillant des absurdités, les chambres assemblées : tout cela empêche qu'on ne soit trop occupé des désastres de nos armées, et de nos flottes, et de nos finances. Il faut vivre en riant 5 et mourir en riant ; voilà mon avis, et la façon dont j'en use. Les Délices rient et vous embrassent.
N. B. On me reproche d'être comte 6 de Tornet; que ces jean- f[outre]-là viennent donc dans la terre de Ferney, je les mettrai au pilori. N'allez pas vous aviser de m'écrire à monsieur le comte, comme fait Luc 7; mais écrivez à Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, titre dont je fais cas, titre que le roi m'a conservé avec les fonctions : car, pardieu ! ce qu'on ne sait pas, c'est que le roi a de la bonté pour moi, c'est que je suis très-bien auprès de Mme de Pompadour et de M. le duc de Choiseul, et que je ne crains rien, et que je me f[ous]. de Joly de Fleury 8 et de - et de , ainsi que de Chaumeix, et que je leur donnerai sur les oreilles dans l'occasion. Pourtant brûlez ma lettre, et gardez le secret à qui vous aime. »
1 Que l'on ne connait pas .
2 V* a d'abord écrit expire .
4 Sans doute quelques-unes des pompignonades en prose qui sont dans les Mélanges, à l'année 1760, ou quelques-unes de celles en vers (les monosyllabes) qui sont dans les Poésies mêlées, à la même année. Robbé, à qui il voulait les attribuer, était un poète connu par ses débauches, par un poème du sujet duquel il était plein, et, plus tard, par sa dévotion. Né à Vendôme en 1714, il est mort en 1792. (Beuchot.)
Pierre-Honoré Robbé de Beauveset, auteur d’œuvres « badines » . V* n'a pas oublié son Épître du sieur Rabot, maître d'école de Fontenoy, sur les victoires du roi, 2è,3è ,4è,5è,6è,7è et dernière édition, augmentée d'une complainte à l'apollon de la France . Georges d'Heylli, dans son édition des Lettres inédites adressées par le poète Robbé de Beauveset au dessinateur Aignan Desfriches (1875) prend au sérieux cette page de titre et avance que l’Épître eut sept rééditions .
5 Ce mot mis en surcharge remplace peut-être mourant .
6 Lire Tournay ; l’Éditeur du Supplément au recueil, suivi des autres éditions donne Ferney, de même que deux lignes plus loin, ce qui est impossible ; voir lettre du 21 mai 1760 à d’Alembert : »Au château de Tournay par Genève, 21 mai » et l'en-tête de la lettre du 26 mai 1760 à Thieriot : « A Tournay et non à Tornet, 26 mai » .
Voir les signatures de la lettre à Collini du 21 janvier 1760 http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/23/vous-me-ferez-un-grand-plaisir-de-m-ecrire-quelquefois-5543020.html ; et à Pierron du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/24/je-ne-puis-m-empecher-de-dicter-ce-petit-billet-de-malade-po-5543049.html .
7 Voir lettre de Frédéric II du 1er mai 1760 : page 374 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f388.image.r=21%20mai
8 Mot soigneusement biffé sur le manuscrit et difficilement interprétable .
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