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31/05/2017

je ne hais pas cette variété, et j’aime mieux les grande figures que les petites

... Toute allusion au gouvernement français actuel est totalement assumée , et mes préférences également . Persiste et signe .

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« A François de Vosges

[9 juillet 1762] 1

Je n'ai , monsieur, que des grâces à vous rendre et des éloges à vous donner : il est vrai que quelques curieux murmurent de voir que les estampes ne sont pas d'une grandeur uniforme . Mais je ne hais pas cette variété, et j’aime mieux les grande figures que les petites . Ces objets de comparaison piqueront même la curiosité des connaisseurs .

Vous pouvez m'envoyer tous vos dessins , je les ferai graver . Je vous enverrai les ébauches sur lesquelles vous donnerez vos ordres .

Je vous prie de compter sur mon estime et sur ma reconnaissance .

J'ai l'honneur d'être, monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 L'édition Clogenson place cette lettre « vers la fin de 1761 » . La date a été fixée par Moland qui a reconnu dans cette lettre celle qui fut envoyée en même temps que celle à Fyot de La Marche : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/05/30/il-faut-avoir-toujours-raison-c-est-la-une-terrible-tache-5949047.html

 

 

30/05/2017

il faut avoir toujours raison, c'est là une terrible tâche

... Surtout lorsque dans le parti adverse Dum flueret lutulentus, erat quod tollere velles ! Qui habet aures audiendi, audiat !

 

http://lencyclopedix.free.fr/citlat2.php

 

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

9 juillet [1762] , aux Délices

Votre dessinateur me mande, mon grand magistrat, que vous êtes à Dijon ; puissiez-vous y être le conciliateur de la cour et du parlement ! Je n'ai point reçu le paquet que vous aviez eu la bonté de me promettre . Je l'attends, il s'agit de vos intérêts et de votre repos qui me sont également chers .

Je suis au quatrième tome de Corneille, c'est une occupation bien douce ; mais elle cesse de l'être puisqu'elle me coûte le bonheur de vous faire ma cour à La Marche . Je ne puis quitter un instant, il faut corriger deux feuilles par jour ; il faut souvent comparer l'espagnol et l'anglais au français dans les sujets qui ont été traités chez ces trois nations ; il faut avoir toujours raison, c'est là une terrible tâche . Laissez-moi, respectable ami, à mon atelier cette année, et je vous réponds que, si M. Tronchin me fait vivre, je suis à vos ordres en 1763 .

Permettez-vous que je joigne ici une lettre pour M. de Vosges ? Je commence à douter que je vous aie adressé un de ses dessins que je vous renvoyais . Il aime les grosses figures ; à la bonne heure . Il me paraît qu'il y a du gran' gusto dans sa manière . Je vous remercie encore une fois de m'avoir prêté cet artiste . Vous venez de perdre le boursouflé Crébillon 1.

Dum flueret lutulentus, erat quod tollere velles 2.

Adieu, monsieur, conservez vos bontés à l'homme du monde qui vous est attaché avec le plus tendre respect .

V. »

2 Alors qu'il allait comme un fleuve boueux, il y avait des choses qu'on eût voulu y prendre ; Horace, Satires, I, IV, 2 .

Ce vers est quelquefois compris aussi dans un sens opposé qui ne convient pas ici : « Comme il allait comme un fleuve boueux, il y avait des choses qu'on eût voulu y supprimer. » Au lieu de dum, l'original d'Horace porte cum .

 

Cependant, à force d’élever la voix, on se fait entendre des oreilles les plus dures ; et quelquefois même les cris des infortunés parviennent jusqu’à la cour

... Pourvu que nos gouvernants et légistes ne fassent pas partie de cette catégorie ...

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 https://blog.michel-loiseau.fr/?tag/dessin/page/2

 

« A Dominique Audibert et Cie chez MM. Tourton et Baur, banquiers à Paris

Aux Délices , 9 juillet 1762 1

Vous avez pu voir, monsieur, les lettres de la veuve Calas et de son fils. J’ai examiné cette affaire pendant trois mois ; je peux me tromper, mais il me paraît clair comme le jour que la fureur de la faction et la singularité de la destinée ont concouru à faire assassiner juridiquement sur la roue le plus innocent et le plus malheureux des hommes, à disperser sa famille, et à la réduire à la mendicité. J’ai bien peur qu’à Paris on songe peu à cette affaire. On aurait beau rouer cent innocents, on ne parlera à Paris que d’une pièce nouvelle, et on ne songera qu’à un bon souper. Cependant, à force d’élever la voix, on se fait entendre des oreilles les plus dures ; et quelquefois même les cris des infortunés parviennent jusqu’à la cour. La veuve Calas est à Paris chez MM. Dufour et Mallet, rue Montmartre ; le jeune Lavaysse y est aussi ; je crois qu’il a changé de nom ; mais la pauvre veuve pourra vous faire parler à lui. Je vous demande en grâce d’avoir la curiosité de les voir l’un et l’autre . C’est une tragédie dont le dénouement est horrible et absurde, mais dont le nœud n’est pas encore bien débrouillé.

Je vous demande en grâce de faire parler ces deux acteurs, de tirer d’eux tous les éclaircissements possible, et de vouloir bien m’instruire des particularités principales que vous aurez apprises.

Mandez-moi aussi, monsieur, je vous en conjure, si la veuve Calas est dans le besoin ; je ne doute pas qu’en ce cas MM. Tourton et Baur ne se joignent à vous pour la soulager. Je me suis chargé de payer les frais du procès qu’elle doit intenter au conseil du roi. Je l’ai adressée à M. Mariette, avocat au conseil, qui demande pour agir l’extrait de la procédure de Toulouse. Le parlement, qui paraît honteux de son jugement, a défendu qu’on donnât communication des pièces, et même de l’arrêt. Il n’y a qu’une extrême protection auprès du roi qui puisse forcer ce parlement à mettre au jour la vérité. Nous faisons l’impossible pour avoir cette protection, et nous croyons que le cri public est le meilleur moyen pour y parvenir.

Il me paraît qu’il est de l’intérêt de tous les hommes d’approfondir cette affaire, qui, d’une part ou d’une autre, est le comble du plus horrible fanatisme. C’est renoncer à l’humanité que de traiter une telle aventure avec indifférence. Je suis sûr de votre zèle : il échauffera celui des autres, sans vous compromettre.

Je vous embrasse tendrement, mon cher camarade, et suis avec tous les sentiments que vous méritez,

votre très humble et très obéissant serviteur

V.»

1 Suivant l 'éditeur des Lettres inédites, 1863, l'original autographe après le mot camarade , était passé à la nièce d'Audibert, la vicomtesse de Besse, puis à G. Roux, qui l'avait communiqué à Coquerel . C'est la version des Lettres inédites, apparemment littérale, qui a été suivie .

 

29/05/2017

Il est de l'intérêt de l’État qu'on découvre de quel côté est le plus horrible fanatisme

... Ce qui ne semble pas être trop difficile actuellement , et en attendant de l'éradiquer, supportons ( au sens de "soutenons" ) les mesures un peu contraignantes de l'état d'urgence .

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« A Pierre Mariette

avocat au conseil, rue

Simon Lefranc

8è juillet 17462, aux Délices

Je reçois, monsieur, votre lettre du 2è juillet . L'affaire à laquelle je m'intéresse est si extraordinaire , qu'il faut aussi des moyens extraordinaires . Le parlement de Toulouse ne donnera point des armes contre lui . Il a défendu que l'on communiquât les pièces à personne, et même l'extrait de l'arrêt . Il n'y a qu'une grande protection qui puisse obtenir 1 de monsieur le chancelier ou du roi, un ordre d'envoyer copie des registres ; nous cherchons cette protection. Les cris du public ému et attendri devraient l'obtenir . Il est de l'intérêt de l’État qu'on découvre de quel côté est le plus horrible fanatisme .

Je ne doute pas que cette affaire ne vous paraisse très importante . Je vous supplie d'en parler aux magistrats et aux jurisconsultes de votre connaissance, et faire qu'on en parle à monsieur le chancelier ; tâchons d'exciter sa compassion et sa justice, après quoi, vous aurez la gloire d'avoir défendu l'innocence .

J'attends votre réponse, et j'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire .

Les pièces ci-jointes vous mettront au fait si vous ne les avez pas encore vues .

M. Héron doit avoir la bonté de vous en remettre d'autres, mais je ne crois pas que vous en puissiez faire d'usage . »

1 qui puisse obtenir est ajouté au-dessus de la ligne par V*.

 

la pieuse meurtrière que fut la reine Mary

... De pieux meurtriers, l'histoire en regorge . Même les reines et les rois ne sont pas toujours justes et abusent de leur pouvoir, et il est des chefs- d'Etats contemporains qui se conduisent comme eux, la liste en est longue comme un jour sans pain .

Gros problème : comment avoir des relations diplomatiques avec ces ennemis de la démocratie , pour le moins, et fléaux du genre humain quelquefois .

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Bloody Mary , seule Mary que j'ai fréquentée

 

 

« A George Keate

Aux Délices 8 juillet 1762

Dear sir,

Had lady Grey writ in her days in the manner she writes after her death, all England would have rais'd in her favour against that pious murderess queen Mary . I hope you will be secretary to all the english queens . They shall become with the help of your pen, the darling of the nation . I thank you heartily for that charming copy of verse 1. I had the honour to see thirty years ago the lady your epistle inscrib'd too . She has pass'd from the throne of beauty, to that of wit . If she remembers me, I pray you to present her with my humble respect. Rank me good sir amongst your admirers and faithfull friends.2

Voltaire.

On imprime Pierre Corneille avec les commentaires . Cet auteur a de grands défauts et de grandes beautés, mais il est moins fou que votre Shakespear parce qu'il vivait dans un siècle plus sage . »

1 Ce poème, An epistle from lady Jane Grey to lord Guilford Dudley, 1762, est dédié à Mary Leppel, baronne douairière Hervey of Ickworth .Voir : https://archive.org/details/epistlefromladyj00keat

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Grey

et : https://en.wikipedia.org/wiki/Mary_Hervey

2 Cher monsieur, / Si lady Grey avait écrit de son vivant comme elle écrit après sa mort, toute l'Angleterre se serait levée en sa faveur contre la pieuse meurtrière que fut la reine Mary . J'espère que vous serez le secrétaire de toutes les reines d'Angleterre . Elles deviendront avec le secours de votre plume, le charme de la nation . Je vous remercie de tout cœur pour le charmant exemplaire de votre poème . J’eus l'honneur de voir il y a trente ans la dame qui donne le titre à votre épître . Elle est passée du trône de la beauté à celui de l'esprit . Si elle se souvient de moi, je vous prie de lui présenter mes très humbles respects . Comptez- moi parmi vos admirateurs et fidèles amis .

 

Tantum relligio potuit suadere malorum / Tant la religion a pu suggérer de maux

... Un énième attentat récent par un fou de Dieu donne encore raison à Voltaire, et je m'aperçois que je dois malheureusement mettre tout ceci au pluriel ; religions je vous déteste .

Pour me réconcilier avec le monde sans frontières,  plus que la lyre évoquée ci-dessous, je préfère mille fois la kora de Ballaké Sissoko accompagnée ici du violoncelle de Vincent Ségal : https://www.youtube.com/watch?v=TAIwGw1paIcje vous souhaite une belle heure de vie d'union .

 

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La vie est plus belle en couleur(s)

 

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

Aux Délices 8 juillet [1762] 1

Plus d'un amant sur sa lyre a formé

Ces tendres sons qui charment les amantes .

Un père a fait des chansons plus touchantes.

Pourquoi cela ? C'est qu'il a mieux aimé .

 

Je suis bien loin de blasphémer l'amour ;

C'est un grand dieu , je le sais , et je jure

De le servir jusqu'à mon dernier jour,

Mais il faut bien qu'il cède à la nature .2

 

Je conçois votre bonheur mon grand magistrat qui êtes le plus aimable des hommes, et je tiens Mme de Paulmy 3 aussi heureuse que vous . J'aurais voulu voir monsieur votre fils faire aussi des chansons pour sa sœur . Mais peut-être qu'avec ses bonnes qualités il n'a pas le cœur aussi tendre que vous . J'attends avec impatience votre mémoire, et j'espère toujours que ce mémoire terminera tout . Monsieur votre fils le lira, et se rendra .

Je prends la liberté de vous envoyer deux pièces singulières d'un procès affreux dont je vous ai déjà parlé . Vous verrez avec quelle naïveté la nature que vous aimez tant, s'exprime . Cette aventure est ce que je connais de plus horrible depuis que je suis au monde . Il faut s'écrier :

Tantum relligio potuit suadere malorum 4.

J'ai pris cette affaire à cœur du fond de la retraite . J'ai vu une famille que je crois innocente abandonnée de tout le monde et livrée à l'infortune la plus affreuse . Tout ce que je vois de loin, tout ce que j'entends redouble mon goût pour la retraite . Que ne puis-je goûter les charmes de la vôtre ? pourquoi faut-il que Pierre Corneille en faisant mes plaisirs fasse mon esclavage? Nous avons imprimé presque toutes ses bonnes pièces . Je serai bientôt réduit à commenter ce qui m'ennuiera, c'est un triste métier .

Je crains d'avoir perdu un dessin de M. de Vosges . Il réparera ma sottise par un dessin meilleur . Je vous présente mon sincère respect . Permettez que j'en fasse autant à Mme la marquise de Paulmy .

V.

J'adresse le paquet à M. de Villeneuve que je crois franc de port . »

1 Le post scriptum est écrit dans la marge du bas du manuscrit olographe .

2 Fyot de La Marche, premier président au parlement de Bourgogne avait fait des vers pour sa fille .

3 Marguerite , fille de Fyot de La Marche, deuxième femme de Antoine-René de Voyer de Paulmy d'Argenson épousé en 1748, , voir : http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Antoine-Ren%C...

4 Tant la religion a pu suggérer de maux ; Lucrèce, De natura rerum, I, 101 .

 

28/05/2017

demander si dans une affaire aussi extraordinaire, on ne peut pas avec de la protection, agir d'une manière extraordinaire

...On a un élément de réponse à l'attitude politique de M. Trump par la poignée de mains d'Emmanuel Macron , peu banale dans sa forme, qui montre à tous qu'il ne lâche rien, --ni personne--, que quand il le veut bien . Mister Trump ça vous change un peu d'avoir face à vous un président qui sort de l'ordinaire .

http://www.laprovence.com/article/france-monde/4469297/ma...

 France - Monde - Macron: Ma poignée de main avec Trump, ce n'est pas innocent

And the winner is ... Emmmaaaaa nueeeellll !

 

 

« A Philippe Debrus

J'envoie le mémoire ci-joint à monsieur Debrus, et je le prie de n'écrire qu'en conformité . L'avocat Élie Beaumont est ardent . Il nous faut de tels amis . D'ailleurs il s'est acquis depuis peu de la considération ; ne troublons point une pauvre infortunée , incapable d'affaire . Ménageons sa douleur, sa faiblesse et son embarras .

Laissons agir les amis à Paris, écrivons de tous côtés en sa faveur, soulevons le ciel et la terre .

Voilà ce que j'écrivais à 4 heures après midi 8 juillet . Je reçois la lettre de M. Mariette avec la lettre de Mme Calas que je renvoie à monsieur Debrus . Je vais écrire à M. Mariette de demander si dans une affaire aussi extraordinaire, on ne peut pas avec de la protection, agir d'une manière extraordinaire , et demander que le chancelier se fasse représenter les pièces du procès ; nous agissons fortement auprès de monsieur le chancelier .

J'insiste toujours sur la protection de M. de Chaban .

J'écris et je vais écrire à M. Tronchin .

Dès que Mme Calas aura besoin d'argent, je lui en ferai tenir .

Il importe peu à Paris de quelle religion sera le jeune Lavaysse . Il peut être mahométan ou juif, sans que personne s'en soucie, ce n'est pas comme à Toulouse, il faut absolument qu'il aille avec Mme Calas chez ses protecteurs . Je vais écrire à M. le duc de La Vallière et lui demander s'il peut présenter la veuve à Mme la marquise de Pompadour .

Soulevons toujours le ciel et la terre, c'est là mon refrain .

A 5 heures du soir, 8 juillet [1762].

On peut envoyer ces deux papiers à Mme Calas . »