13/12/2019
si je suis un geai, je ne me pare point des plumes des paons
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« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
22è octobre 1764 aux Délices
Monseigneur, mon héros, je ne sais où vous êtes ; je ne sais où est madame la duchesse d’Aiguillon, qui m’a honoré de deux gros volumes et d’un très joli petit billet. Permettez que je m’adresse à vous pour lui présenter mes remerciements. Souffrez que je vous parle du tripot de la Comédie, qui tombe en décadence comme tant d’autres tripots. Il y a un acteur excellent, à ce qu’on dit, nommé Aufresne 1, garçon d’esprit, belle figure, bel organe, plein de sentiment. Il est actuellement à La Haye. Auteurs et acteurs, tout est en pays étranger.
Je me souviens d’avoir vu chez moi cet Aufresne, qui me parut fait pour valoir mieux que Dufresne . Je vous en donne avis. Monsieur le premier gentilhomme de la chambre fera ce qu’il lui plaira.
Il y a dans le monde quelques exemplaires d’un livre infernal, intitulé Dictionnaire philosophique portatif. Ce livre affreux enseigne, d’un bout à l’autre, à s’anéantir devant Dieu, à pratiquer la vertu, et à croire que deux et deux font quatre. Quelques dévots, comme les Pompignan, me l’attribuent ; mais ils me font trop d’honneur, il n’est point de moi , et si je suis un geai, je ne me pare point des plumes des paons.
Il y a un autre livre bien plus diabolique, et fort difficile à trouver ; c’est le célèbre discours de l’empereur Julien contre les Galiléens ou chrétiens, très bien traduit à Berlin par le marquis d’Argens, et enrichi de commentaires curieux. Et, comme vous êtes curieux de ces abominations pour les réfuter, je tâcherai de concourir à vos bonnes œuvres, en faisant venir de Berlin un exemplaire pour vous l’envoyer, si vous me l’ordonnez.
Je conçois à présent que c’est au printemps que mon héros conduira sa très aimable fille sur le chemin d’Italie ; et si je ne suis pas mort dans ce temps-là, je me ranimerai pour me mettre à leurs pieds. Le Soussigné V. n’est pas dans un moment heureux pour ses yeux ; il présente son respect à tâtons.
V.»
1 Jean Rival, surnommé Aufresne fera ses débuts à la Comédie-Française le 30 mai 1765 : http://www.cosmovisions.com/Aufresne.htm
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