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19/06/2022

Genève, qui fait pour deux millions de contrebande par an, serait anéantie dans peu d’années

... si jamais la douane réussissait à saisir tout les fonds illégaux qui trouvent refuge dans les coffres helvétiques, et qui ne sont pas limités à deux millions . On peut voir ce qui se passait au temps de Voltaire qui dénonce une illégalité qui est toujours d'actualité : https://journals.openedition.org/chs/1470

Autour de l'Arve, des histoires de contrebande souvent dramatiques - Le  Messager

Contrebandiers contre douaniers , gendarmes contre voleurs, les truands ont souvent encore une longueur d'avance

 

 

 

« A Pierre de Buisson, chevalier de Beauteville

À Ferney, 10 février 1767

Monsieur, certainement j’irai rendre à Votre Excellence les visites dont elle m’a honoré quand elle voulait mettre la paix chez des gens qui ne méritent pas d’avoir la paix.

M. le duc de Choiseul m’a donné à la vérité toutes les facilités possibles ; mais, quelques bontés qu’il ait, la gêne et le fardeau retombent toujours sur nous. Quel pays que celui-ci ! Je n’ai pu trouver dans Paris une lettre de change sur Genève ; il faut faire venir l’argent par la poste. Les coches de Lyon et de Suisse n’arrivent plus, et je peux vous assurer qu’on trompe beaucoup M. le duc de Choiseul si on lui écrit que les Genevois souffrent ; il n’y a réellement que nous qui souffrons. On croit se venger d’eux, et on nous accable. Si on voulait effectivement rendre la vengeance utile, il faudrait établir un port au pays de Gex, ouvrir une grande route avec la Franche-Comté, commercer directement de Lyon avec la Suisse par Versoix, attirer à soi tout le commerce de Genève, entretenir seulement un corps de garde perpétuel dans trois villages entre Genève et le pays de Gex ; cela coûterait beaucoup, mais Genève, qui fait pour deux millions de contrebande par an, serait anéantie dans peu d’années 1. Si on se borne à saisir quelques pintes de lait 2 à nos paysannes, et à les empêcher d’acheter des souliers à Genève, on n’aura pas fait une campagne bien glorieuse.

Pardonnez-moi la liberté que je prends en faveur de la confiance que vous m’avez inspirée, et de l’intérêt très réel que j’ai à tous ces mouvements.

La petite affaire de la sœur du brave Thurot est finie de la manière dont je l’aurais finie moi-même si j’avais été juge. Je n’en ai point importuné M. le duc de Choiseul ; j’ai la principale obligation de tout à monsieur le vice-chancelier.

Je vous conseille de jeter Les Scythes dans le feu, car je les ai bien changés ; et je vais m’amuser à en faire une meilleure édition.

Permettez que M. le chevalier de Taulès trouve ici les assurances des sentiments que j’aurai pour lui toute ma vie.

J'ai l’honneur d’être, avec bien du respect, et la plus tendre reconnaissance de toutes vos bontés, monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

1 On a ici la première allusion à un projet hardi qui fut adopté par Choiseul, et qui aurait pu effectivement ruiner Genève si le ministre n'avait pas été destitué en 1770 . Si l'entreprise concernant Versoix avait été exécutée, cette localité n'aurait certainement pas été cédée à Genève et à la Confédération helvétique après la chue de Napoléon en 1815 . Le plan de V* témoigne non seulement de son côté bâtisseur mais aussi de sa rancune envers Genève .

il faut prendre son parti sans pusillanimité dans toutes les occasions de la vie, tant que l’âme bat dans le corps

... Alors on vote ?

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

9è février 1767 à Ferney

Vous connaissez, monseigneur, la main qui vous écrit 1, et le cœur qui dicte la lettre. Les neiges m’ôtent l’usage des yeux cet hiver-ci avec plus de rigueur que les autres ; mais j’espère voir encore un peu clair au printemps. L’aventure 2 dont vous avez la bonté de me parler dans vos deux lettres est une de ces fatalités qu’on ne peut pas prévoir. Je pense que vous croyez à la destinée ; pour moi, c’est mon dogme favori. Toutes les affaires de ce monde me paraissent des boules poussées les unes par les autres. Aurait-on jamais imaginé que ce serait la sœur de ce brave Thurot tué en Irlande 3 qui serait envoyée, à cent cinquante lieues, à un homme qu’elle ne connaît pas, qui s’attirerait une affaire capitale pour le plus médiocre intérêt, et qui mettrait dans le plus grand danger celui qui lui rendrait gratuitement service ? L’affaire a été extrêmement grave, elle à été portée au conseil des parties. On a voulu la criminaliser, et la renvoyer au parlement. C’est principalement monsieur le vice-chancelier dont les bontés et la justice ont détourné ce coup. Cette funeste affaire avait bien des branches. Vous ne devez pas être étonné du parti qu’on allait prendre, c’était le seul convenable ; et, quoiqu’il fût douloureux, on y était parfaitement résolu : car il faut prendre son parti sans pusillanimité dans toutes les occasions de la vie, tant que l’âme bat dans le corps. On risquait, à la vérité, de perdre tout son bien en France ; on jouait gros jeu ; mais, après tout, on avait brelan de roi quatrième 4. Je vous donne cette énigme à expliquer. J’ajouterai seulement qu’il y a des jeux où l’on peut perdre avec quatre rois, et qu’il vaut mieux ne pas jouer du tout. Je crois que la personne à laquelle vous daignez vous intéresser ne jouera de sa vie.

Cette affaire d’ailleurs a été aussi ruineuse qu’inquiétante ; et la personne en question 5 vous a une obligation infinie de la bonté que vous avez eue de la recommander à M. l’abbé de Blet.

On aura l’honneur, monseigneur, de vous envoyer, par l’ordinaire prochain, ce qui doit contribuer à vos amusements du carnaval 6 ou du carême ; il faut le temps de mettre tout en règle, et de préparer les instructions nécessaires. Si on n’avait que soixante-dix ans, ce qui est une bagatelle, on viendrait en poste avec ses marionnettes, et on aurait la satisfaction de vous voir dans votre gloire de Niquée 7.

Voici une requête d’une autre espèce que le griffonneur de la lettre 8 vous présente, et par laquelle il vous demande votre protection. Quoiqu’il s’agisse de toiles, il n’en est pas moins attaché à l’histoire ; et il croit que, s’il dirigeait les toiles de Voiron, il pourrait très commodément visiter tous les bénédictins du Dauphiné. Il saurait précisément en quelle année un dauphin de Viennois fondait des messes, ce qui serait d’une merveilleuse utilité pour le reste du royaume.

Voici à présent d’une autre écriture 9. Vous voyez, monseigneur, que celle de votre protégé s’est assez formée ; s’il continue, il se rendra digne de vous servir, ce qui vaudra mieux que l’inspection des toiles de son village. Je doute fort que M. de Trudaine déplace un homme qui est dans son poste depuis longtemps, pour favoriser un enfant de cet emploi.

Quoi qu’il en soit, je joins toujours sa requête 10 à cette lettre. Agréez le tendre et profond respect avec lequel je serai jusqu’au dernier moment de ma vie

V.

L’aventure de la sœur de Thurot n’est plus bonne qu’à oublier. »

1 Cette lettre de la main est écrite par Gallien, protégé de Richelieu ; voir lettre du 8 octobre 1766 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/10/il-n-y-a-point-assurement-de-facon-de-pisser-plus-noble-que-6359638.html

2 L’affaire Le Jeune.

4Voir lettre du 9 février 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/06/17/tachez-donc-enfin-que-ce-memoire-paraisse-avant-que-les-parties-soient-mort.html

Voltaire serait allé chercher asile chez l’un des quatre rois protecteurs des Sirven .

5 Voltaire ; il s’agit des deux cents louis versés par Richelieu.

7Niquée est une héroïne d'Amadis de Gaule . Voir lettre à d’Arnaud du 19 mai 1750 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1750/Lettre_2085

8 Claude Gallien.

9 Celle de Wagnière et non de V* comme l'indiquent les éditions ..

10 Cette requête est donnée par l'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais : « Il y a à Voiron, village du Grésivaudan en Dauphiné, une fabrique de toiles, dont l'inspection ne se donnait qu’à un des habitants de l'endroit ; cependant une personne qui demeure à Romans, et qui possède déjà plusieurs autres inspections considérables a trouvé e moyen de se faire encore revêtir de celle-ci . / M. de Trudaine est le maître d'accorder ce petit appui au sieur Claude Gallien, natif de Voiron . Il soulagerait une famille nombreuse connue depuis très longtemps, domiciliée et estimée dans ledit endroit . Le père, l'oncle et les frères de Claude Gallien ont été au service ; son frère fut tué à Crewel [Crefeld], étant pour lors sans les volontaires de Dauphiné . C'était l'aîné de la famille ./ Claude Gallien, demande très humblement la protection de M. de Trudaine. »

Plus tard V* dira que Gallien est né à Salmorenc ; lettres à Hennin : 4 janvier 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-1.html

et 13 janvier 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-3.html

et voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/326-timoleon-gallien-de-salmorenc

et : https://www.charles-de-flahaut.fr/dauphine/affiches_grenoble/2015_04_10.pdf