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01/04/2012

Je me le dis aujourd'hui et peut-être demain je serai assez fou pour recommencer! Qui peut répondre de soi?

Pourquoi attendre à demain pour être fou ?

L'insensé était de mise ce jour au château, la preuve !

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« A M. DE CIDEVILLE.

Aux Délices, 19 septembre [1755]

 



Oui, ma muse est trop libertine;

Elle a trop changé d'horizon;

Elle a voyagé sans raison

Du Pérou jusques à la Chine.

Je n'ai jamais pu limiter

L'essor de cette vagabonde;

J'ai plus mal fait de l'imiter;

J'ai, comme elle, couru le monde.

Les girouettes ne tournent plus

Lorsque la rouille les arrête;

Après cent travaux superflus,

Il en est ainsi de ma tête.

Je suis fixé, je suis lié,

Mais par la plus tendre amitié,

Mais dans l'heureuse indépendance,

Dans la tranquille jouissance

De la fortune et de la paix,

Ne pouvant regretter la France,

Et vous regrettant à jamais.

 

 


Voilà à peu près mon sort, mon cher et ancien ami, je ne lui pardonne pas de nous avoir presque toujours séparés, et je suis très-affligé si nous avons l'air d'être heureux si loin l'un de l'autre, vous sur les bords de la Seine, et moi sur ceux de mon lac. J'ai renoncé de grand cœur à toutes les illusions de la vie, mais non pas aux consolations solides, qu'on ne trouve qu'avec ses anciens amis. Mme Denis me fait bien sentir combien cette consolation est nécessaire. Elle s'est consacrée à me tenir compagnie dans ma retraite. Sans elle mon jardin serait pour moi un vilain désert, et l'aspect admirable de ma maison perdrait toute sa beauté. J'ai été absolument insensible à ce succès passa-
ger de la tragédie 1 dont vous me parlez. Peut-être cette insensibilité vient de l'éloignement des lieux. On n'est guère touché d'un applaudissement dont le bruit vient à peine jusqu'à nous et on voit seulement les défauts de son ouvrage, qu'on a sous les yeux. Je sens tout ce qui manque à la pièce, et je me dis

 


Solve senescentem (Horace., lib. I, ep. i, v. 8.) 2

Je me le dis aujourd'hui et peut-être demain je serai assez fou pour recommencer! Qui peut répondre de soi? Je ne réponds bien positivement que de la sincère et inviolable amitié qui m'attache à vous pour toute ma vie.

 

V. »

 

1 L'Orphelin de la Chine.

 

2 Horace (liv. I, épît. i, v. 8) donne ce conseil non seulement aux écrivains, mais encore à tous ceux qui l'âge avertit de songer à la retraite :

Solve senescentem mature sanus equum, ne

Peccet ad extremum ridendus et Ilia ducat.

«Réformez à temps votre cheval qui vieillit, si vous ne voulez que, poussif et exténué, il ne fasse rire à vos dépens.»

 

vous qui parlez bien, et qui êtes jeune et gai

 Chante, beau merle du château de Voltaire !

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« A M. DEVAUX

Aux Délices, 18.[septembre 1755]

Je peux, mon cher Panpan, vous prêter quelque triste élégie, quelque épître chagrine, cela convient à un malade mais pour des comédies, faites-en, vous qui parlez bien, et qui êtes jeune et gai. Voyez si vous vous contenterez d'un billet aux comédiens, pour vous donner votre entrée 1. Il se peut faire qu'ils aient cette complaisance pour moi, et je risquerais volontiers ma requête pour vous obliger. Comme je leur ai donné quelques pièces gratis, et, en dernier lieu, des magots chinois, j'ai quelque droit de leur demander des faveurs, surtout quand ce sera pour un homme aussi aimable que vous.

Mille respects, je vous prie, à Mme de Boufflers, et à quiconque daigne se souvenir de moi à Lunéville.

 

V. »

 

 

30/03/2012

Je suis dans un âge où je dois renoncer à ces fleurs qu'il vous appartient de cueillir

- ... Ce qui ne m'empêche pas de les trouver belles ... et de me retourner sur elles, parfois ! Est-ce un péché , padre ?

- Non, mon fils, c'est un pêcher !

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« A M. DESMAHIS 1

 

[septembre 1755]2

Quand on écrit d'aussi jolies lettres que vous, monsieur, il faudrait avoir la bonté d'instruire de votre demeure ceux qui ont des remerciements à vous faire. Je hasarde les miens, je ne sais s'ils vous parviendront mais si cette lettre vous est rendue, vous verrez que votre prose m'a fait autant de plaisir que les jolis vers dont vous avez embelli notre Parnasse et amusé la société, lorsque j'avais autrefois le bonheur de vous voir. Je rends grâce à mes Magots de la Chine, et à Mlle Clairon qui les a vernis, de ce qu'ils m'ont valu les témoignages flatteurs de votre souvenir. Je suis dans un âge où je dois renoncer à ces fleurs qu'il vous appartient de cueillir. La poésie ne doit plus être mon amusement, il ne faut plus que je sacrifie à Melpomène mais vous avez longtemps à sacrifier aux Grâces. Mme Denis est aussi sensible que moi à votre souvenir. Adieu, monsieur; je vous réitère mes remerciements et les assurances des sentiments bien sincères avec lesquels j'ai l'honneur d'être toujours votre, etc. »

 

 

 

 

 

1 Desmahis, Joseph-François-Édouard de Corsembleu (1722-1761), poète,

http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph-Fran%C3%A7ois-%C3%89d... .

Sur ses pièces , voir :

http://cesar.org.uk/cesar2/people/people.php?fct=edit&person_UOID=100315

 

2 Selon Beuchot .

 

faire quelque chose qui me rappellerait à votre souvenir, et qui vous marquerait au moins l'envie extrême que j'ai de mériter votre suffrage

"... mériter votre suffrage"

Aïe ! Aïe ! Aïe !! décidément je ne pense qu'aux élections ! Est-ce que c'est grave docteur ?

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«  A M. le comte de CHOISEUL 1

Aux Délices, 17 septembre [1755]

Je crois, monsieur, avoir reçu deux lettres de vous. Les bontés dont vous m'honorez redoublent la douleur que je porterai jusqu'au tombeau d'être éloigné pour jamais de vous et de la maison 2 où vous passez votre vie. J'aurais dû mériter ces bontés par des soins plus assidus pour cet Orphelin que vous avez pris sous votre protection. Plus d'une circonstance très-triste m'a empêché de songer à perfectionner un ouvrage auquel je devais retoucher, et m'a forcé de livrer trop tôt à l'impression ce que j'avais trop tôt livré au théâtre. Des traverses cruelles ont toujours été le fruit de mes travaux. S'il plaisait enfin à la destinée de me laisser des jours tranquilles, si la persécution me laissait respirer dans mon asile, peut-être aurais-je encore la force de faire quelque chose qui me rappellerait à votre souvenir, et qui vous marquerait au moins l'envie extrême que j'ai de mériter votre suffrage. J'explique plus en détail à M. d'Argental 3 tous les contre-temps qui m'ont jeté hors de mes mesures mais je n'ai point d'expression, monsieur, pour vous exprimer ma tendre et respectueuse reconnaissance.

 

V. »

 

 

 



 

 

2 Celle de M. d'Argental, dont il était voisin.

 

 

pour vous, pour votre frère, et pour qui vous voudrez.

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« A madame de FONTAINE

Aux Délices [16 septembre 1755] 1

Mon aimable nièce, je n'ai que le temps de vous mander que je vous envoie sous l'enveloppe de M. Bouret 2 trois exemplaires de l'Orphelin, pour vous, pour votre frère, et pour qui vous voudrez. Je me suis hâté, parce que j'ai craint que la pièce transcrite aux représentations ne fût imprimée, elle me couvrirait de honte si elle paraissait dans l'état où on la joue; je suis trop accoutumé à être défiguré et volé. »

 

1 Dans les Pièces inédites de Voltaire, 1820, cette lettre est datée du 6 auguste. Voir page 349 : http://search.incredimail.com/?q=pi%C3%A8ces+in%C3%A9dites+de+voltaire+1820&lang=french&source=017052021&u=92259101058975277&a=6OxXd6wYKp&cid=1

 

2 Etienne-Michel Bouret, fermier général, administrateur des Postes

 

29/03/2012

Les ministres n'ont guère le temps d'examiner les Magots de la Chine

Tout affairés qu'ils sont à tenter de sauver leurs précieux portefeuilles dans le meilleur des cas, ou à se trouver une sinécure avec de gras bénéfices dans le cas le plus probable de leur éjection du gouvernement  .

Donc point d'examen des "magots" de la Chine moderne ! Myopie remarquable concernant la démocratie de cette puissance économique . Efforts vains pour en faire des clients et non plus seulement des fournisseurs .

Allez ! du balai !!

 

sun_wukong_and_jade_rabbit.jpghttp://contoirdeslegendes.wordpress.com/2012/02/07/le-roi-des-singes-passe-le-balai/

 

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENSON.

Aux Délices, ou prétendues Délices, comme on dit prétendus réformés, 12 septembre [1755]

Les ministres n'ont guère le temps d'examiner les Magots de la Chine; mais si le plus aimable de tous les ministres a le temps de voir, à Fontainebleau, la morale de Confucius, en cinq actes, si l'auteur chinois peut amuser une heure et demie celui qui, depuis quarante ans 1 en çà, l'honore de ses bontés, il sera plus fier qu'un conquérant tartare.

Est-il permis de glisser dans ce paquet cinquante Magots pour le président Hénault? »

 

1 Ils se connaissent depuis leurs études au collège Louis Le Grand .

 

Le seul prix de tous mes travaux est votre suffrage, et celui de tous les hommes qui pensent comme vous

Décidément, les allusions au monde électoral / illusions du monde électoral sont aisées à trouver . Merci Voltaire !

 

propos creux.jpg


 http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/20...

 

 

« A M. DE MALESHERBES

Aux Délices, 12 septembre [1755]

J'ai l'honneur, monsieur, de vous envoyer le premier exemplaire d'une pièce représentée loin de moi, et imprimée sous mes yeux. Je vous dois cet hommage. J'ai fait don de la pièce au sieur Lambert pour la France, et aux Cramer pour les pays étrangers. Je n'ai d'autres intérêts avec les libraires et les comédiens que celui de leur être utile. Le seul prix de tous mes travaux est votre suffrage, et celui de tous les hommes qui pensent comme vous.

Vous sentez, monsieur, combien la conversation que M. l'abbé Mignot a eue avec vous a pénétré de douleur Mme Denis, et moi, et toute ma famille. Je n'ai appris que fort tard cette cruelle affaire, que Mme Denis me tenait cachée dans ma dernière maladie. Jugez quelle dut être ma crainte, quand elle me dit qu'on imprimait à Paris une partie de l'histoire du roi, que le ministre m'avait recommandé de tenir longtemps secrète. Et quelle histoire encore? des mémoires informes, des minutes de rebut, volées indignement et vendues à un libraire. Mon désespoir fut au comble, quand j'appris que vous-même vous pensiez que j'étais d'accord de cette manœuvre qui pouvait me perdre. Mme de Pompadour et M. d'Argenson étaient les seuls qui avaient mon véritable manuscrit; je les offensais, ainsi que le roi lui-même, si je le donnais au public dans les circonstances où est l'Europe.
Cependant ce manuscrit est près de paraître, le libraire ne daigne pas seulement m'en avertir. On lui parle, il refuse de me consulter; on mande enfin à Mme Denis, de plusieurs endroits différentes, que l'auteur du larcin est connu, qu'il a vendu les brouillons de cet ouvrage, volé chez elle, vingt-cinq louis d'or , que vous le savez; que le libraire Prieur vous l'a avoué, comme à plusieurs autres personnes le fait devient public. Que devait, que pouvait faire Mme Denis, que de vous écrire, monsieur, et d'écrire à Mme de Pompadour? Elle vous soumet toute sa conduite; elle ne fait pas une démarche sans vous en instruire , elle compte sur votre amitié et sur votre justice , elle fait tout pour m'épargner les suites funestes de ce larcin, qui seraient aussi cruelles que celles de cette prétendue Histoire universelle, volée de même, falsifiée de même, connue par toute l'Europe littéraire pour m'avoir été dérobée, et qui cependant m'a perdu auprès du roi.

Je suis très-persuadé, monsieur, que vous, qui êtes à la tête des lettres, vous ne voudrez point qu'un homme qui les a préférées à tout, et qui ne les cultiva que pour elles-mêmes, soit continuellement la victime de la calomnie et de la rapine, c'est une affreuse récompense. Je dois croire qu'une âme comme la vôtre entre dans ma juste douleur, bien loin de la redoubler.

 

M. d'Argenson m'avait flatté qu'il pouvait recevoir sous votre enveloppe; vous me pardonnerez cette liberté.

J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur, votre très- humble et très-obéissant serviteur. »